Vivez-vous avec 2279 francs par mois?
L’organisation Pro Senectute, qui tenait son congrès national en janvier à Bienne, l’a rappelé une fois encore. En Suisse, quelque 300'000 personnes âgées vivent au seuil du niveau de pauvreté, voire carrément en-dessous. 46'000 d’entre elles se trouvent même dans une situation de pauvreté sans issue. Au vu de l’évolution démographique, on peut s’attendre à une extension de ce fléau, qui touche majoritairement les femmes — en raison de leur parcours professionnel — les personnes étrangères et tous ceux qui ont un bas niveau de formation. Ce sont des faits, rien que des faits, et même si le système de prévoyance fonctionne dans notre pays pour une large majorité, ils sont dramatiques et doivent nous alerter.
Etre pauvre en Suisse, c’est vivre — ou plutôt ne pas réussir à vivre — avec 2279 francs par mois. Etre pauvre en Suisse, c’est subir l’inflation de plein fouet, donc l’augmentation du prix des courses, des assurances maladie, des loyers, de l’électricité et ne plus réussir, malgré ses efforts, à joindre les deux bouts. Etre pauvre en Suisse, c’est aussi se souvenir avec amertume et colère que le Parlement fédéral a refusé d’accorder la pleine compensation du renchérissement aux rentes AVS/AI l’année dernière.
Aussi, la votation sur l’initiative pour une 13e rente AVS, lancée par l’Union syndicale suisse, est cruciale.
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On aura de la peine à comprendre qu’une Suisse si riche ne puisse faire ce geste pour les plus pauvres”
Bien sûr, elle n’est pas parfaite et son financement pose question: les caisses de l’AVS, bénéficiaires aujourd’hui, seront-elles en péril demain? En contraignant les actifs et donc les plus jeunes à payer pour les plus âgés, au travers du travail, mettra-t-elle en tension la solidarité intergénérationnelle qui fait le ciment de toutes nos assurances sociales? Si l’initiative passe, ce que prédisent les sondages actuels, ne risque-t-on pas in fine de voir la droite rabâcher pendant les dix ans à venir qu’un geste a été fait pour les personnes âgées les plus précaires et que le débat est désormais clos?
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Ce sont des risques mais il faudra les assumer. Le système des prestations complémentaires (PC) aurait pu combler les manques mais souffre, aujourd’hui, de nombreuses imperfections: trop de gens, encore, ignorent qu’elles existent ou ont honte de les demander. Cela se corrige.
On aura de la peine, enfin, à comprendre qu’une Suisse si riche — qui met, pour mémoire, à disposition des milliards de fonds publics pour sauver un Crédit suisse en pleine déroute — ne puisse faire ce geste pour les plus pauvres d’entre nous, qui ont cotisé leur vie durant. Le propre de la solidarité n’est-il pas précisément de fonctionner dans les deux sens? La question est cruciale, fondamentale même. Il appartiendra au peuple d’y répondre le 3 mars prochain.