Tue l'amour

Martina Chyba. © Jay Louvion/RTS
A cœur joie, la chronique de Martina Chyba.
Vous connaissez Eros et Thanatos. La vie et la mort se mélangent, toujours. Eh bien en amour, c’est pareil. Il y a, d’un côté, les papillons dans le ventre, sa main dans la vôtre, les rires partagés, la fête du slip et, de l’autre, ce moment qui arrive immanquablement, où l’un des deux demande à l’autre: «Tu peux aussi prendre du papier toilette?» Eh oui, le plaisir et les misères du quotidien se mélangent aussi.
Lorsque l’on avance en âge, il y a des parties du corps qui fonctionnent moins bien. N’ayez pas bêtement l’esprit mal tourné, je ne parle pas uniquement de ces parties-là, mais aussi des articulations, des dents, du cerveau, des intestins. Ainsi, l’autre jour, mon cher et tendre sort d’un barbecue en ayant mal à l’estomac. Plié en deux, il n’a manifestement pas que des papillons dans le ventre, cette fois-ci. Hop, direction pharmacie.
J’attends dans la voiture, il ressort avec une boîte de comprimés. Le médicament s’appelle Flatulex. Je vous jure que c’est vrai, j’ai gardé la boîte pour qu’on me croie. Je demande: «Mais tu as dit quoi à la pharmacienne?» «Que j’avais mal au ventre.» «Et elle t’a donné ça? Il y avait une caméra cachée, ou quoi?» Sérieusement, des gens uberdiplômés en marketing se sont réunis autour d’un powerpoint, et ont abouti à la conclusion que c’était une bonne idée d’appeler un médicament Flatulex.
Nos chers, très chers amis de l’industrie pharmaceutique n’imaginent sans doute pas que leurs remèdes doivent être achetés par des vraies personnes dans la vraie vie. Il y a trente ans, les gens se gênaient d’acheter un préservatif ou un tampon hygiénique. Aujourd’hui, c’est banal. Donc pour vous ficher la honte, ils donnent des noms ignobles aux médicaments. Un jour, je demande (doucement) à mon charmant pharmacien une crème Vagifem, il hurle depuis le tiroir: «Vagifem, j’ai plus, mais si vous voulez, il y a Vagisan, ça marche très bien aussi.» OK, tout le monde sait désormais que vous êtes en ménopause et que vous avez un problème à un endroit précis. Je prends un petit Gynofit pour la route également? Messieurs, ne rigolez pas, hein. Parce que les Prostaflux, c’est pour vous. Il y a même du Prostagutt. Prostate + Goutte! Nan mais, au secours. On ne demande pas des noms de fleurs, mais disons qu’un petit effort créatif serait bienvenu.
Remarquez, depuis cet épisode, les phrases «Si tu n’es pas sage, je vais chercher le Flatulex.» ou «Allez, un Flatulex et au lit!» nous font marrer et, finalement, nous rapprochent. Cet effet secondaire est tout bénéfice, car comme l’a dit un de nos anciens présidents: «Rire c’est bon pour la santé. Et pour l’amour.»
Martina Chyba