Prestations complémentaires: parlez-en!

A quand une identification automatique des ayants droit aux PC, via, par exemple, la déclaration fiscale? © iStock

L'éditorial du magazine générations du mois de mai 2023.

Ils renoncent aux soins dentaires, éprouvent de la honte à aller chez le médecin, ne s’offrent plus même un café et finissent par se couper du monde. Voici, caricaturalement dit, le portrait type des seniors sans-le-sou — le plus souvent des femmes — qui pourraient recevoir des prestations complémentaires pour vivre mieux, mais qui, hélas, ne le font pas. 

Les résultats de l’étude de la Haute Ecole de Zurich et de l’Université de Genève sont sans appel: ce que l’on nomme le «non-recours aux prestations complémentaires (PC)» concernerait, aujourd’hui, plus de 15% des personnes âgées de 65 et plus en Suisse. Soit, sur 10 personnes, une à deux qui serait incapable de subvenir à ses besoins vitaux alors que des ressources publiques existent. L’étude, qui a fait l’objet d’un communiqué de Pro Senectute il y a quelques semaines, n’a agité le landerneau qu’une poignée d’heures: le lendemain déjà, l’actualité financière — les milliards de dons publics accordés au sauvetage du Crédit Suisse - prenait le relai. Sans commentaire.

Qu’il y ait des seniors sous le seuil de pauvreté dans notre pays et que leur nombre, au vu de la démographie, risque d’augmenter encore, cela se savait un peu même si personne ne veut vraiment le voir. Preuve encore récente, le refus sec par le Parlement de revaloriser les rentes en les adaptant au renchérissement. Mais que le système des prestations complémentaires pêche par son fonctionnement, alors qu’il est un droit, c’est une urgence dont toutes les autorités devraient impérativement se saisir. 

Le non-recours aux PC a des causes et elles sont identifiées: la méconnaissance de cette aide, le processus et le jargon administratif complexe pour faire valoir une demande — ce d’autant plus quand on est vulnérable — et la honte, encore tenace, d’apparaître comme pauvre dans notre pays riche. Les solutions, que les associations favorisent déjà, sont là: communiquer plus largement, faciliter leur octroi, accompagner et accompagner encore. Et, au risque de violer la sacro-sainte responsabilité individuelle que la droite adore brandir comme frein aux dépenses sociales, mettre sur pied et avec rigueur une identification automatique des ayants droit, via, par exemple, la déclaration fiscale. 

Face aux milliards accordés aux banques, que valent ces deniers supplémentaires pour assurer à tous et sans distinction le minimum vital, comme une prothèse dentaire ou une visite chez le coiffeur? Oui, que valent-ils sinon le droit, pour notre pays, de se regarder demain dans le miroir?

>> Lire Comment savoir si vous avez droit aux prestations complémentaires à l'AVS?

Blaise Willa, directeur de publication
et rédacteur en chef

 

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