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Santé & Bien-être

«Concilier travail à plein temps et charge de proche aidant est impossible»

Frédéric Rein, Journaliste - mar. 09/01/2024 - 11:40
Pour arriver à mener de front une activité professionnelle et remplir la fonction d’aidant, il est souvent nécessaire d’avoir un employeur arrangeant. Témoignages.
Mère de quatre enfants et animatrice à temps partiel, Annick Rivers-Kirby vient en aide à sa maman, atteinte de trouble de la mémoire, et à son beau-papa, qui souffre de démence mixte de type Alzheimer.
Mère de quatre enfants et animatrice à temps partiel, Annick Rivers-Kirby vient en aide à sa maman, atteinte de trouble de la mémoire, et à son beau-papa, qui souffre de démence mixte de type Alzheimer. © DR

Ce sont deux mondes parallèles, mais qui se croisent quand même de temps en temps, voire s’entrechoquent. Dans le quotidien d’un proche aidant, les frontières entre la vie privée et la vie professionnelle se gomment en effet parfois.

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Au début, c’était difficile de savoir à qui m’adresser et où trouver ce dont nous avions besoin”

Annick Rivers-Kirby
Animatrice et proche aidante (JU)

Annick Rivers-Kirby, mère de 4 enfants, le sait bien, elle qui jongle entre les deux. Cette animatrice à temps partiel au sein d’une association, qui fait en plus l’école à la maison, a décidé de venir en aide à sa maman, victime de troubles importants de la mémoire, et à son beau-papa, qui souffre de démence mixte de type Alzheimer et est en fauteuil roulant. Elle soulage ainsi à la fois son papa et sa belle-maman. Comment cette femme de 47 ans concilie-t-elle son travail et cette fonction, qu’elle exerce depuis un peu plus de 5 ans? «Si j’avais été engagée professionnellement à plein temps, ce serait compliqué et je n’aurais pas pu être aussi disponible à certaines périodes, répond cette habitante de Alle, dans le canton du Jura. Mais, en l’occurrence, avec mon 20%, cela se passe globalement bien. D’autant plus que mon employeur se montre accommodant, ce qui m’enlève pas mal de pression de ce côté-là. Si j’en avais besoin, je pourrais notamment ne pas travailler pendant une à deux semaines et rattraper mes heures par la suite.»

On pense d'abord à l'autre

Car le soutien qu’elle apporte à sa mère et à son beau-père fluctue beaucoup d’un moment à l’autre et peut être dispensé de jour comme de nuit. «Tout a commencé par la recherche d’un logement adapté aux difficultés grandissantes de mon beau-papa, puis la réalisation du déménagement d’une maison sur quatre étages dans un 4 pièces et demi. Aujourd’hui, cela se matérialise par des tâches administratives, la prise de rendez-vous, la participation aux achats, etc.» Un inventaire à la Prévert qui n’a donc rien d’un long fleuve tranquille. «Au début, c’était difficile de savoir à qui m’adresser et où trouver ce dont nous avions besoin, souvent dans un délai très court, se rappelle-t-elle. Cela a suscité pas mal de stress dans un certain nombre de situations. J’ai trouvé une partie des solutions par moi-même, sur Internet, chose que ni mon papa ni ma belle-maman n’auraient pu faire. Heureusement, depuis, le canton du Jura a élaboré une brochure pour les proches aidants (PDF, 36 pages) qui contient de précieuses informations.» 

Annick Rivers-Kirby a aussi dû composer avec des chutes, de l’un comme de l’autre. Mais cela fait partie de la vie du proche aidant, qu’elle a choisie pour honorer ceux qui lui ont donné vie et par amour. «Si ce n’est pas toujours facile, l’amour nous donne des ailes pour surmonter les difficultés, explique-t-elle. Quand on aime, on donne sans compter, on en fait une priorité. On pense d’abord à l’autre avant de penser à soi. Mes parents et mes beaux-parents nous ont beaucoup aidés, tant qu’ils le pouvaient et les rôles se sont maintenant inversés, explique-t-elle. Je garde aussi en mémoire que, un jour, je pourrai être de l’autre côté... On moissonne ce que l’on sème! Une société qui prend soin de ses aînés est une société dans laquelle il fait bon vivre. Dans les décennies à venir, il serait bon que cette aide soit reconnue et valorisée, afin qu’elle se pérennise.»

Avec les horaires irréguliers et les week-ends à assurer, c’était devenu trop compliqué à gérer”

Sabrina Vasselin
Infirmière et proche aidante (VS)

Une vision que partage entièrement Sabrina Vasselin, 49 ans, même si la situation qu’elle vit lui est tombée dessus encore plus brutalement. En 2019, son mari, alors âgé de 54 ans, a fait un accident vasculaire cérébral (AVC) qui l’a rendu, du jour au lendemain, hémiplégique à droite et aphasique. Cette infirmière de formation, domiciliée dans un petit village sis au-dessus de Monthey (VS), doit alors mettre un terme à son travail dans les soins pour pouvoir s’occuper de son époux. «Avec les horaires irréguliers et les week-ends à assurer, c’était devenu trop compliqué à gérer, se rappelle-t-elle, décrivant des doubles journées interminables, ponctuées de nuits d'à peine 4 heures. Je me suis donc réorientée dans le recrutement de personnel médical, domaine où je peux m’épanouir pleinement et qui me permet de trouver un équilibre entre ma vie professionnelle et privée. 

J’ai toujours été très transparente vis-à-vis de mes employeurs, y compris durant les phases d’embauche. On ne sait jamais si cela sera bien perçu, mais, dans mon cas, ils se sont montrés très conciliants et humains.» Sabrina Vasselin peut, par exemple, renoncer à un déplacement si son mari ne va pas bien et compenser avec du télétravail, qu’elle pratique déjà régulièrement. «Je n’abuse jamais de la situation et exerce mon métier au plus près de ma conscience», affirme celle qui travaille à plein temps. 

Grâce aux indemnités de l’assurance invalidité (AI) que le couple a touchées un an après l’accident, elle peut désormais compter sur une personne qui s’occupe de son mari les après-midis de la semaine. «Quand on se retrouve dans cette situation, il est important de se rapprocher d’une association de proches aidants. Seul, nous ne pouvons pas tenir sur le long terme. En écoutant les autres membres, on obtient des conseils, on se déculpabilise. Lors des réunions mensuelles, partager son vécu permet aussi d’avancer et de tenir bon. Car, être proche aidant, c’est vraiment un deuxième métier.»

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