Proche aidant et employé, quels sont mes droits?
Comment une personne proche aidante (13% de la population professionnellement active dans le canton de Vaud et un cinquième au niveau national) peut-elle jongler entre son activité professionnelle et ce rôle?
Il n’est, en effet, pas toujours simple de concilier les responsabilités professionnelles avec l’engagement auprès d’un proche atteint dans sa santé ou son autonomie. Des mesures telles que la flexibilité et l’aménagement du temps et de la charge de travail peuvent aider. Ainsi, la Loi fédérale sur l’amélioration de la conciliation entre activité professionnelle et prise en charge de proches prévoit un congé de courte durée (maximum 3 jours par affection, 10 jours par an) ou de longue durée pour les parents d’un enfant gravement atteint dans sa santé en raison d’une maladie ou d’un accident (14 semaines). Par ailleurs, dans les cantons de Vaud ou encore de Genève, l’administration cantonale a mis en place un congé proche aidant de 12 ou 15 jours par an (au prorata du temps de travail) pour ses employé-e-s.
Il est donc essentiel que les personnes concernées identifient leurs besoins vis-à vis de leur employeur...
Oui, cela leur permet de clarifier leur demande, qu’elle soit liée à un congé ou encore à l’aménagement du temps et/ou de la charge de travail. Je conseille de formaliser avec son employeur tout aménagement spécifique mis en place. La plateforme info-workcare, destinée aux personnes actives, fournit des conseils pratiques et des adresses de proximité. Il existe aussi des hotlines dans les différents cantons romands qui peuvent renseigner sur les soutiens, par exemple la relève à domicile ou dans une structure adaptée, et ainsi permettre à un proche aidant de disposer d’un temps libéré, tout en assurant une présence adaptée et bienveillante auprès de la personne aidée.
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Le proche aidant peut ne pas oser informer son employeur de sa situation, en demandant, par exemple, l’octroi de congé...”
Que se passe-t-il quand la vie (sociale et professionnelle) du proche aidant est menacée?
Lorsqu’une personne proche aidante s’isole socialement et s’éloigne du monde du travail, nous observons des impacts négatifs sur sa santé mentale, l’intégration sociale et professionnelle, le revenu et les cotisations sociales. Selon une étude menée dans le canton de Vaud, un proche sur deux s’épuise, un sur trois connaît des impacts sur sa santé avant de solliciter suffisamment d’aide, alors qu’un sur trois mentionne aussi des impacts sur son activité professionnelle. Il est donc essentiel, pour la personne concernée, de faire un point de situation avec un·e professionnel·e – dès le début de son engagement en tant que proche aidant ou dès que nécessaire. Un tel entretien permet d’identifier les ressources, les limites et les aides utiles pour ne pas s’isoler ni s’appauvrir, tout en prenant en compte les besoins de la personne aidée.
Il existe aussi la possibilité d’évaluer son état de fatigue en répondant à quelques questions, grâce au test en ligne sur le site internet de journee-proches aidants.ch. Je recommande de le faire, car parfois, on ne se rend pas compte à quel point un proche aidant peut être déjà épuisé: la fatigue, l’impatience, l’irritabilité en sont les premiers signes. Il me semble aussi important que les médecins n’hésitent pas à diriger les proches aidants vers les hotlines des cantons.
Y a-t-il généralement une forme de honte à l’égard de son employeur?
Que cela soit de la honte ou de la culpabilité, ce sont des sentiments fréquents pour un proche aidant et pénibles à éprouver, difficiles à partager et à dépasser. Le plus souvent, ils traduisent des expériences, comme celles de ne pas se sentir compétent et à la hauteur de la situation, de ne pas en faire suffisamment pour la personne aidée et suffisamment bien. Par rapport à un employeur, le proche aidant peut ne pas oser l’informer de sa situation, en demandant, par exemple, l’octroi de congé...
La personne proche aidante est une ressource précieuse pour l’entreprise”
Dans le contexte professionnel, il y a donc une crainte des proches de ne pas être compris dans leur situation ou de perdre leur emploi.
Effectivement. Pourtant, selon une étude, 20% des entreprises en Suisse ont mis en place au moins une mesure pour faciliter la conciliation entre emploi et accompagnement d’un proche atteint dans sa santé, son autonomie. Il reste important que les personnes concernées ne restent pas seules face à la pénibilité des sentiments pouvant être éprouvés, qu’elles en parlent avec un·e professionnel·e. Dans le canton de Vaud, des consultations psychologiques gratuites sont proposées. Les psychologues aident à apprivoiser ce tumulte émotionnel lié à la compréhension de la situation et aux multiples attentes perçues, que cela soit celles de la personne aidée, de la famille, du monde du travail et de la société en général.
Est-ce que le rôle d’aidant développe des compétences qui peuvent plaire à un employeur?
Oui, c’est une valeur ajoutée pour une entreprise! Selon les situations, être proche aidant dure des mois, voire des années: il y a des moments plus sereins ou plus intenses que d’autres, et des crises à traverser. Une personne proche aidante est ainsi sollicitée, en continu ou périodiquement, dans ses capacités de réactivité et de créativité face à des difficultés, d’adaptation en intégrant de nouvelles données. Son endurance, sa prise de recul et son empathie sont mises à rude épreuve. L’expérience de proche aidant amène une personne à se centrer sur l’essentiel, car l’énergie et le temps sont parfois comptés, ainsi qu’à développer une agilité à rebondir face à des situations inédites et insolites. Grâce au développement de ces différentes compétences, la personne proche aidante est une ressource précieuse pour l’entreprise, alors que l’activité professionnelle est souvent citée par ces mêmes proches comme une ressource.