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Santé & Bien-être

Martina Chyba: «J’ai testé pour vous... le déambulateur»

Martina Chyba, Journaliste et chroniqueuse - mer. 01/05/2024 - 16:34
Intrépide, Martina Chyba a voulu savoir ce qui l'attendait si un jour elle devait avoir besoin d'une aide pour marcher. Eh bien, pas facile de se déplacer en ville avec cet engin!
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Aux bras de son rollator, Martina Chyba s'est lancée dans la jungle urbaine... © DR

Tout est parti d’une boutade lancée par mon amoureux. «Dans quelques années, tu seras d’accord de porter ma bouteille à oxygène si je pousse ton déambulateur?» Une manière de dire que si on vieillit ensemble, c’est un peu ça la perspective. Bref, je me suis dit que si ça se trouve, vu l’état de mes articulations, c’est bien le déambulateur qui m’attend, et donc, bonne idée, on teste!

Je déniche une boutique de matériel médical qui accepte de m’en louer un pour le week-end. Un charmant monsieur me coache. Il y a des freins, ah oui, évidemment, ça peut servir… Pour bloquer l’appareil, les pousser vers le bas. Le Rollator se plie en tirant sur une poignée, on peut s’asseoir dessus et il y a un mini-sac. Vers les roues arrière, se trouvent des petites languettes en plastique pour appuyer dessus avec le pied s’il faut monter sur un trottoir, par exemple. Le véhicule est neuf, une Ferrari de compétition, ça va être facile, à l’aise Blaise (c’est le petit nom du redchef, si jamais), je vais te gérer ça comme une pro. Le problème, c’est que la ville n’est pas exactement un circuit de Formule 1.

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Déjà, il faut sortir du magasin. Comment ouvrir une porte vers soi avec ce truc? Euh… je passe devant, j’ouvre, je tire le truc et hop! Mais une personne de 85 ans ne peut pas faire ça. Donc, je prédis un grand avenir aux portes électriques. À l’extérieur, c’est la totale: heure de pointe, sortie des écoles, vieux tram, pluie. Rentrer chez moi devait être une formalité, ça devient Pékin Express. L’arrêt est sur un îlot, blindé de monde, je sens bien que je gêne. Le tram arrive et, là, ben je ne sais pas comment faire, il y a un escalier, assez haut. Je n’ai pas le réflexe du bouton poussette, mais même. Je ne vois pas comment monter, donc je prends mon déambulateur sous le bras et le pose à l’intérieur.

Encore une fois, une personne vraiment âgée ne peut pas faire ça. Les passagers aident pour les poussettes, mais le déambulateur, tintin! Cela me rappelle quand j’étais enceinte de huit mois, avec 32 kilos de plus (pas de commentaires, merci), et que je me tenais le ventre debout dans le bus sans que personne trouve bizarre que cette femme qui a l’air d’attendre des triplés doive s’agripper à la barre et manque d’accoucher à chaque freinage. Passons. Je me rends aussi compte que j’ai besoin de deux places. Une pour m’asseoir et un espace pour mon encombrant bolide. Je perçois les regards agacés, les gens qui se disent «pfff… peuvent pas prendre les transports publics quand il n’y a personne, les vieux?»

«La cata»

Après, il y a les trottoirs et, ça, c’est la cata. Il faut slalomer entre les gens, et quand il y a une voiture garée à moitié dessus, il faut se jeter sur la route, sinon on ne passe pas. Pour traverser, il faut viser là où le bord du trottoir est bas, mais vraiment au niveau de la route, car le moindre obstacle de 5 centimètres, ça bloque. C’est pas un 4x4 quoi. J’essaie d’appuyer avec mon pied sur le gligli en plastique, mais comme il pleut, ça gliglisse et je n’y arrive pas. Des fois, je triche et je monte l’engin avec la main. Je ne parle pas des passages en dévers, des pavés et des trous. Et les passages pour piétons! Le temps de me caler, de descendre sur la chaussée et d’attaquer la traversée, j’arrive et c’est rouge. Et pourtant, je marche vite, alors je me demande comment font ceux qui se déplacent difficilement. Please, laissez les feux verts plus longtemps. 

J’ai aussi compris qu’il me fallait désormais chercher partout les ascenseurs. Je n’ai pas tenté les escalators; mon fils, qui a pris les photos, a dit: «Non Maman, on ne va pas faire ça.» En fait, le déambulateur, c’est bien quand c’est plat, droit et qu’il n’y a personne. C’est-à-dire pour une promenade du dimanche à la campagne. Autrement, c’est galère, et ça doit être encore pire en fauteuil roulant, alors au boulot, les urbanistes! 

Dernière chose: moi aussi, derrière un senior un peu lent, j’ai parfois dit des choses comme «bon, Papi, tu passes la deuxième?» Eh bien, c’est clair, je ne le dirai plus et, même, je ne le penserai plus. J’ai également appris que dans le canton de Vaud, un déambulateur s’appelle un tintébin (il paraît que ça vient de «tiens-toi bien», hihi!) En tout cas, s’il m’arrive quoi que ce soit, je suis désormais parée, tintébin qui finit bien!

Continuer à sortir”

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Rosita Cossentino Pelletier
Ergothérapeute

«L’enjeu est l’autonomie, explique Rosita Cossentino Pelletier, ergothérapeute, responsable du cabinet Ergomarin Sàrl dans le canton de Neuchâtel. Que ce soit pour une personne âgée qui présente des risques de chute ou pour une personne plus jeune qui a eu un AVC, par exemple... La canne, vous l’oubliez dans un coin; le déambulateur ou Rollator, c’est autre chose. Il permet de se déplacer chez soi et surtout de continuer à sortir, à bouger et à voir du monde, ce qui est bénéfique pour l’état général. Les gens ont du mal à accepter la situation au début, parce que cela «fait handicapé», mais après, l’appareil devient leur allié, il y en a même qui le customisent!» 

Rosita Cossentino Pelletier propose un accompagnement que l’on peut obtenir sur prescription de son médecin et qui est remboursé par la LAMal. Rien que la position sur le déambulateur a déjà son importance. «S’il est mal réglé, cela a des conséquences. Les épaules peuvent être trop hautes et accentuer des douleurs d’arthrose, par exemple sur la nuque, ou engendrer des douleurs au niveau des pouces. Ensuite, nous effectuons avec les gens concernés leurs trajets habituels. Les difficultés majeures sont les freins: il ne faut pas oublier de bloquer son déambulateur à l’arrêt! Le passage des seuils peut être compliqué, d’autant plus que les trottoirs sont hauts chez nous. Les portes, c’est tout un apprentissage: il faut réussir à se tenir le dos contre la porte pour faire passer l’appareil. Nous expliquons des stratégies: quand on veut s’asseoir, il convient de se mettre plutôt contre un mur pour éviter tout risque de chute. On constate malheureusement souvent que, du point de vue urbanistique, pas grand-chose n’est adapté: essayez d’entrer sans aide à la bibliothèque ou au musée, qui sont des lieux que les seniors apprécient! Et je ne parle même pas des pavés dans certaines villes…»

Maudit écart

Un des gros problèmes est l’accessibilité aux transports publics. «Je suis intervenue lors de cours de Rollator avec les Transports publics neuchâtelois, poursuit l’ergothérapeute. C’était fantastique, les gens se sont rendu compte que c’était possible! Il faut presser le bouton «poussette», voir si on peut activer une rampe. On leur montre également comment monter le déambulateur dans le véhicule. Cela dit, il y a toujours un écart entre l’escalier du bus ou du train et le trottoir, et cela rend l’accès délicat. Il faut bien reconnaître que nous avons du retard par rapport à des pays comme le Canada, où tout est plat et pensé pour les fauteuils roulants, avec des rampes partout!» 

Un dernier conseil? «J’en aurais deux: demander une formation chez un ergothérapeute au début, et quand vous rencontrez une difficulté en montant dans le bus, faire un grand sourire aux jeunes et demander de l’aide: ça marche!»

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