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Opinion

Une histoire de vent et de soufflet

Philippe Jeanneret, météorologue et chroniqueur - lun. 01/04/2024 - 11:06
Le mois de Monsieur Météo, la chronique de Philippe Jeanneret.
Philippe Jeanneret Monsieur Météo RTS
Philippe Jeanneret. © Jay Louvion / RTS

Les bons mots de la langue française évoluent au fil du temps, cela n’est pas forcément une mauvaise chose. Mais il leur arrive parfois de perdre leur sens premier. «Mettre un vent» en est un bon exemple.

Fort répandue depuis une vingtaine d’années, l’expression signifie «ignorer quelqu’un», comme quand une personne approche son visage d’une autre pour l’embrasser et que, celle-ci se reculant, c’est finalement le vent qui passe sur son visage. On peut aussi y voir une allusion au sport, vélo ou automobile, où mettre «dans le vent» signifie dépasser un adversaire tout en provoquant un déplacement de l’air sur sa personne. 

En y regardant de plus près, cette locution verbale renvoie à l’ancienne formule «donner un soufflet» qui, comme le rappelle l’ouvrage de référence Trésor de la langue française, est un «coup donné sur la joue avec le plat ou le revers de la main». Une claque, en somme, que Chateaubriand décrit ainsi: «Ce qui déshonore est funeste: un soufflet ne fait physiquement aucun mal, et cependant il vous tue» (Mémoires, tome 2).

Vu sous cet angle, c’est donc le fait de porter la main sur le visage de l’autre qui constitue une humiliation. Le vent n’est là que pour nous faire comprendre que, d’un point de vue physique, le geste ne fait aucun mal.

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Ce petit exemple montre à quel point le cerveau humain est capable de faire des amalgames”

Philippe Jeanneret

Dans l’expression «mettre un vent», les choses sont différentes. Cette fois, c’est l’apparition du vent qui provoque le sentiment d’humiliation. Il est seul en cause : aussi incroyable que cela puisse paraître, la gifle a disparu. 

Vous me direz que c’est une bonne chose. L’idée du soufflet, plus précisément de la main à plat sur le visage pour humilier quelqu’un, représente une forme de violence qui n’a plus lieu d’être de nos jours. Même si cela ne fait aucun mal.

N’empêche que ce petit exemple montre à quel point le cerveau humain est capable de faire des amalgames, d’oublier les causes et les conséquences, et de changer le sens des choses. Avouez que cela fait réfléchir…

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