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Opinion

Le magicien des trains

Brigitte Rosset, Humoriste - ven. 01/12/2023 - 13:50
Je me souviens, la chronique de Brigitte Rosset.
Les noms des gens chronique Brigitte Rosset
Brigitte Rosset. © DR

Je connaissais l’histoire du «balayeur à la rose», de Fribourg, et bien, maintenant, je connais «le nettoyeur en orange», de Aigle (VD).

Le mois passé, tôt le matin, j’entre à Lausanne dans un train pour Aigle. Je m’assieds en face d’un homme en salopette orange. Il a l’air fatigué, mais il prend la peine de me sourire et m’adresse un: «Bonjour Madame.» Je lui réponds, en souriant: «Bonjour Monsieur.»

Derrière nous, un homme et une femme parlent très fort. Je ne comprends pas ce qu’ils se racontent, mais ils ne semblent pas s’échanger des mots d’amour. Le monsieur lance sa canette de bière par terre et ils sortent, tous les deux, à l’arrêt suivant, en continuant leurs échanges bruyants.

Mon voisin de banquette, secoue la tête, se lève, ramasse la canette, nettoie… et se rassied. Je lui souris, c’est tout ce que je trouve à lui dire.

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Quand les nouvelles du monde me fichent le bourdon, je pense à lui, à la forêt”

Les noms des gens chronique Brigitte Rosset
Brigitte Rosset

«J’ai passé la nuit à nettoyer ce train», me dit-il! «Là, je rentre chez moi. Vous savez, j’aime mon métier. J’aime quand je vois que le train est tout propre, quand les gens montent le matin, pour aller travailler. C’est mon plaisir. Ça fait 30 ans que je fais ça, j’ai jamais manqué, même pas une minute. Parfois le week-end, les gens boivent trop et, après, ils sont malades. C’est pas la fête, vomir dans un train, non? Le monde devient fou. Et Poutine, vous savez qu’il a fait des grandes études? Il a appris quoi à l’Université? Tuer des gens? Il est milliardaire, il a tout ce qu’il veut. Toutes ces guerres, ça fait mal. Ils feraient mieux de tous aller se promener en forêt, ça fait du bien. Je vais faire ça, cet après-midi, me promener dans la forêt.» Le train est arrivé à Aigle, je suis descendue en lui souhaitant une belle balade.

Depuis cette rencontre, je le croise de temps en temps, sur le quai. On se salue, je lui demande des nouvelles de sa forêt. Il rigole, en haussant les épaules. Et, quand les nouvelles du monde me fichent le bourdon, je pense à lui, à la forêt et je me dis que, dans ce monde de fous, il y a un nettoyeur en orange qui, pour le plaisir des autres, fait briller les trains pendant la nuit.

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