publicité
Opinion

Ce qu’on fait de notre temps

Jean-François Duval, Journaliste et écrivain - lun. 01/01/2024 - 14:33
Les Fantaisies, la chronique de Jean-François Duval.
Grecs anciens oisiveté "skholè" école temps sagesse
Le mot des Grecs anciens pour signifier l’oisiveté était "skholè", qui a donné le mot école en français. Incroyable, non? © iStock

A un homme blanc qui lui disait: «Je n’ai pas le temps», un chef indien d’Amérique répondait: «Comment? N’as-tu pas TOUT LE TEMPS». Grande sagesse. Chacun de nous, dans sa vie, ne dispose-t-il pas de tout le temps qui lui est imparti? Problème: telles sont les sociétés d’aujourd’hui que ce Temps nous le gâchons, la plupart du temps. Pris que nous sommes par mille occupations qui nous détournent et nous empêchent d’être nous-mêmes. Le problème n’est pas nouveau. Sénèque déjà, voici 2000 ans, écrivait un bref Eloge de l’oisiveté. Sauf qu’aujourd’hui, l’oisiveté est une chose que l’on condamne (n’en savons-nous pas quelque chose, nous autres «retraités»?). Elle signifie que l’«on perd son temps». Mais quel était le mot des Grecs anciens pour signifier l’oisiveté? Ce mot était skholè, qui a donné le mot école en français. Incroyable, non? Pour eux, l’école était un vrai loisir, un temps béni où l’on pouvait se livrer à l’étude, penser, réfléchir, en revenir à soi sans se laisser aliéner par des activités dépourvues de sens. C’est-à-dire que le temps du skholè, de l’oisiveté bien comprise était celui où l’on «rentabilisait» le mieux (affreuse expression qui nous est contemporaine) ce privilège que nous avons d’exister, d’être au monde.

publicité

Etre oisif ne signifiait pas «ne rien faire», mais était synonyme d’une action fructueuse”

Jean-François Duval

Etre oisif ne signifiait pas «ne rien faire» (farniente), mais était synonyme d’une action fructueuse: user de son temps pour aller à l’essentiel. Non pas en le consacrant à des occupations futiles et idiotes (plus nombreuses que jamais dans l’histoire humaine), mais à ce qui fait le véritable prix de la vie. Certes, il faut bien assurer sa subsistance, remplir son panier au supermarché et au fil des millénaires l’humanité n’a employé son temps qu’à ça: survivre (les Indiens des plaines avaient peut-être mieux compris comment s’y prendre). Résultat: l’économique prévaut, le souci de disposer des moyens matériels pour survivre a envahi toute notre pensée. Le Temps ne nous est plus qu’une monnaie d’échange: ou je le perds ou j’en tire profit. La question devient alors celle-ci: qu’entendre par «profit»? Tient-il dans le seul gain pécunier? Ou dans cet épanouissement que le Temps permettrait à chacun de faire de soi-même? En le vouant à ce qui, en nous, relève de l’Humanité et justifierait notre présence sur cette Terre?

En lecture
Ce qu’on fait de notre temps
publicité