Après «Top Chef», Pierre-Pascal Clément régalera ses clients à Fribourg
En avril dernier, la préparation de l’aspic d’œuf lui avait été fatale. Premier Suisse jamais sélectionné à Top Chef, l’émission culinaire de M6, le Fribourgeois Pierre-Pascal Clément avait été éliminé dès le deuxième épisode… avant d’être repêché pour quelques semaines supplémentaires dans La Brigade cachée, en deuxième partie de soirée. Et d’échouer pour de bon avec cet œuf en gelée. «J’aurais bien sûr aimé aller plus loin, nous explique-t-il, mais c’était déjà une chance fantastique de vivre cette aventure, dont je retiens surtout l’extrême bienveillance des téléspectateurs romands. Certains m’ont écrit des messages touchants. Mes parents ont même reçu des appels de personnes âgées leur racontant être restées jusqu’à minuit devant la télé pour moi. Encore ce matin, au marché, une dame qui devait avoir plus de 80 ans m’a très gentiment remercié pour les bons moments qu’elle avait passés devant l’émission.»
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Aujourd’hui, l’ex-candidat est sur le point d’ouvrir son propre établissement à Fribourg. Pourtant, rien ne prédestinait ce fils d’infirmière et de chef des ressources humaines à la gastronomie. Né en 1991 à Billens (FR), près de Romont, il grandit dans le petit village de Lussy. Le goût pour la cuisine lui vient sur le tard. Enfant, il n’a d’ailleurs pas le moindre souvenir d’un bon petit plat préparé avec papa ou maman, ou d’avoir léché le bol et la cuillère en bois après un dessert de grand-maman.
C’est même par flemme qu’il se tourne vers la gastronomie: «J’avais 14 ans et, au cycle, on devait trouver un stage. Plutôt que d’écrire des lettres à droite et à gauche, j’ai demandé à mon oncle, qui tenait le restaurant La Poularde à Romont, de me prendre.» Il est alors loin de se douter à quel point la découverte de ce monde va être une révélation. Notamment grâce à un chef dont le charisme le fascine, savant mélange d’autorité et d’assurance.
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Les saveurs, il les découvre lorsqu’il se lance vraiment dans le métier, trois ans plus tard, à Zurich, au restaurant du Palace Baur au Lac. «C’est là que j’ai vraiment chopé le virus, en apprenant à donner du caractère à une assiette. Maman cuisinait bien, mais ses recettes étaient très orientées «santé». Elle faisait des tartelettes aux légumes ou du quinoa…» En même temps, il reconnaît aujourd’hui que c’est grâce à elle qu’il est capable d’élaborer des plats plus légers.
Il dit d’abord non à «Top Chef»
En 15 ans de carrière, son parcours l’a mené «du resto de campagne à la haute gastronomie» et il en a à chaque fois retiré des enseignements. «À Genève, à Châteauvieux, chez Philippe Chevrier, j’ai appris la rigueur et la masse de travail dans un restaurant plein midi et soir. Chez Pierre Gagnaire, à Berlin, l’ouverture d’esprit dans les menus, avec par exemple de la salade en dessert, pour provoquer des surprises gustatives. J’ai enchaîné avec Le Panama, toujours à Berlin, où on envoyait 180 couverts en deux services tous les soirs. Je suis ensuite passé chef de cuisine à Fribourg, au Pérolles, où j’ai appris toutes les responsabilités.» C’est là que Top Chef le contacte une première fois. Mais il n’est à l’époque pas prêt à lâcher son travail. Surtout pour une émission qu’il ne regarde pas… Deux ans plus tard, M6 revient à la charge. Il est cette fois passé à Zurich, à la Maison Manesse – «la meilleur expérience de ma carrière: j’ai adoré le raffinement et la modernité de la cuisine tout en apprenant le management» – et, cette fois, les planètes sont alignées: il vient de donner sa démission avec l’idée de faire un break avant de se lancer dans son projet de restaurant… Le break attendra!
J'ai senti la famille assez fière de moi”
Le soir de la première émission, il y avait foule chez Pierre-Pascal Clément. Le candidat avait réuni famille et amis pour visionner le show de M6 en leur préparant les bons petits plats des épreuves du jour. «Les suivantes, je les ai regardées avec mes parents, en appelant mon oncle à chaque fois le lendemain pour lui demander son avis. Avec une petite pensée pour mon grand-père maternel qui, à l’époque où je faisais mon stage chez mon oncle, était tous les jours au restaurant. Je lui faisais goûter chacun des plats et il était très sévère! Mais là, pendant la diffusion, j’ai senti la famille assez fière de moi. Et même si mon père était plus critique – «Mais pourquoi tu fais ça ici?! Et là?» – je le voyais à fond dedans et je sentais vraiment toutes ses émotions.»
Ouverture imminente
Sur M6, on l’a beaucoup vu jouer la carte «Suisse» et multiplier les allusions, ici à la neutralité et à la précision, là aux fromages et aux montagnes… Il reconnaît avoir été un peu poussé par la production, mais affirme avoir gardé le contrôle, refusant parfois de trop en faire. «Je suis content de ce qui transparaît de moi à l’écran. On m’a dit que mon côté calme ressortait bien. C’est une chose que je dois à mes parents. Ils m’ont toujours appris à ne pas m’énerver pour un rien et le respect d’autrui. Mon père a fait une belle carrière dans un grand groupe de luxe, en joaillerie, mais il est toujours resté simple et respectueux envers tout le monde.»
Un état d’esprit qu’il espère maintenant insuffler à son propre établissement, lui qui a souvent été confronté au stress des chefs côtoyés en cuisine. Ouverture prévue cet été, à la rue de Lausanne, à Fribourg. «C’est l’aboutissement de 15 ans de travail. On aura deux espaces distincts: un bar à l’avant avec tapas, street food et musique. Et, au fond, une belle salle avec une cuisine ouverte. Objectif de la maison? Surprendre avec de belles saveurs, mais sans chercher les étoiles Michelin et en pratiquant des prix abordables.»
Preuve que le futur patron a de l’humour par rapport à Top Chef, il envisage même de mettre au menu l’aspic d’œuf, qui lui a valu son élimination. «Je n’ai jamais aimé ça, la gelée, mais pour le fun, ça peut être sympa!»
La recette: le gaspacho de tomates
La recette du gaspacho de tomates de Pierre-Pascal Clément, apprise chez son oncle à l’époque de son apprentissage, mais retravaillée avec l’expérience accumulée ces dernières années.
LES INGRÉDIENTS
Pour 4 personnes, comptez:
- 750 g de tomates bien mûres
- 200 g de rhubarbe
- 1 pièce d’oignon rouge
- 25 g de Xérès (ou vinaigre de vin rouge)
- 15 g de vinaigre balsamique blanc
- 4 g de sel
- 7 g de sucre
- 100 g d’huile d’olive
- 1 pièce de piment ou chili (selon le degré de piquant souhaité)
LA PRÉPARATION
- Laver et couper les tomates, la rhubarbe l’oignon rouge et le piment/chili en petits morceaux,
- Faire mariner toute une nuit avec les autres ingrédients.
- Le lendemain, mixer le tout, puis passer à l’aide d’une passoire fine.
- Servir avec des croûtons dorés à l’huile d’olive avec une gousse d’ail écrasée, du sel, du thym et du romarin.