Pierre Piralli: « Il faut oser vivre ses rêves »

Pierre Piralli est le premier Vaudois à avoir été admis dans le Chœur des armaillis de la Gruyère. ©Sandra Culand/DR

A 59 ans, Pierre Piralli, un Vaudois formé dans la construction, ancien cadre chez Nestlé et directeur de la sûreté chez Philip Morris international, a remis les compteurs professionnels à zéro pour devenir apiculteur et tavillonneur. 

Atypique, le CV de Pierre Piralli, 59 ans, est aussi une ode au mot « possible ». De son apprentissage, en 1977, à sa retraite anticipée, en 2020, le parcours brouille les pistes : plâtrier-staffeur dans l’entreprise familiale à Vevey, commandant des pompiers de cette ville, responsable de la sûreté chez Nestlé, au siège du groupe international, puis en Asie, en Afrique et en Océanie, directeur de la Head of Global Security & Market Safety chez Philip Morris International, apiculteur et tavillonneur.

Pour comprendre ce qui a conduit ce manager, désormais ex-expatrié au long cours, à ouvrir, en 2015, une miellerie dans le vallon de Villard, un petit paradis terrestre niché sur les hauteurs de Montreux, rendez-vous dans ce qui fut autrefois le bureau de poste du bled. C’est dans cette maisonnette que Pierre Piralli a pris ses quartiers : un confortable mini deux pièces sous le toit, en guise de chez soi, et l’ancien local de La Poste pour y installer son matériel d’apiculteur et ses outils pour façonner le bois. En ce matin, un poil frisquet pour un mois d’août, après un été calamiteux pour les abeilles, Pierre Piralli ne regrette pas, une seconde, sa vie dans les aéroports du monde entier : « J’ai aimé ma vie d’expat,mais quand mon superviseur m’a demandé ce que je pensais faire à 58 ans, j’ai compris le message. Il était temps de penser à la suite. Dans les grandes boîtes américaines, on ne croise pas beaucoup de cheveux blancs. » 

Au vu de son expérience riche et diversifiée dans le domaine de la sécurité, Pierre Piralli aurait pu choisir la « solution de facilité » en devenant consultant. Sauf que ce terrien dans l’âme, habile de ses mains, avait déjà sa petite idée derrière la tête : « Est arrivé le jour où je me suis senti redevable envers la nature et tout ce qu’elle m’a offert. Je ne vous dis pas le nombre d’avions que j’ai pris et tous ces passeports que j’ai usés. Afin de contribuer à la préservation de notre écosystème, je me suis fait la réflexion que je pourrais me mettre à l’apiculture. »

 

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La pratique avant tout

Pierre Piralli est encore chez Philip Morris quand il se lance : « Au départ, je ne savais même pas où acheter une ruche. J’ai alors obtenu, en 2015, le contact de Samuel Cretegny, un apiculteur professionnel de la région de Vevey. Il m’a recommandé de ne pas commencer avec une seule ruche car, de toute façon, on en perd au moins une durant l’hiver. Il m’en a vendu trois en me conseillant de faire une saison avant de commencer des cours de formation. »

Fort de ce soutien, Pierre Piralli se familiarise avec les abeilles. Et il y prend goût. Son pick-up agricole détonne alors dans le parking des cadres du siège opérationnel de Philip Morris à Lausanne. Au fil des années, il rachète petit à petit les ruchers de son mentor ainsi que les installations d’extraction et de conditionnement du miel. Et, dès le début de 2019, c’est l’aventure : avec près de 200 colonies et son élevage de reines, Pierre Piralli est actif sept jours sur sept du mois de mars à octobre. « Je n’ai jamais travaillé autant pour gagner aussi peu. Mais cette activité est en adéquation avec mes valeurs. Je suis un homme heureux. » 
N’empêche, surtout quand la récolte est mauvaise, comme cette année (160 kilos de miel biologique à 40 francs le kilo contre deux tonnes et demi en temps normal), il faut trouver d’autres sources de revenus. Le 2e pilier assure les arrières, mais il faut encore bosser dur. C’est ainsi que Pierre Piralli se tourne vers un autre métier artisanal qui lui a toujours tapé dans l’œil : le tavillonnage. « C’était un vieux rêve, que je m’étais promis de réaliser un jour. »

Sa rencontre avec un autre jeune gars de la Riviera, Florian Despond, maître tavillonneur à Montreux, sera déterminante. « Cela l’arrangeait d’avoir quelqu’un pour appuyer son équipe. » Ni une ni deux, Pierre Piralli se retrouve avec des billes de bois de dix mètres, déposées par un camion devant chez lui au vallon de Villars. A lui de les tronçonner en meules de 45 centimètres, découpées en « mujyàs » (quartiers en patois gruérien ) avant d’être fendus en tavillons. Pris par ses ruches, Pierre Piralli ne monte pas sur les toits. Il se contente de tailler. Et, s’il n’a pas encore le rythme à la tâche des maîtres tavillonneurs, exercés à reproduire ces gestes immémoriaux, ses compétences d’apiculteur sont en revanche éprouvées. 

Contrairement à beaucoup de citadins qui s’imaginent vivre du miel et des abeilles, lui s’est accroché : « Les inscriptions au cours d’apiculteurs sont en général bouclées deux ans à l’avance. » Beaucoup d’appelés, mais peu d’élus : « Le matériel est lourd, il fait chaud, on porte une combinaison. A 60 ans, cela demande de la force et de l’endurance, car il y a beaucoup de manutention. » Comme le dit Pierre Piralli en souriant, attention au malentendu : « Ne pas croire qu’il suffit de poser sa ruche dans le jardin un matin et d’attendre le lendemain pour tourner le robinet à miel prêt à tartiner. »

 

Marche à la confiance 

Toute sa vie professionnelle, Pierre Piralli n’aura jamais cessé de mettre le pied dans la porte d’univers a priori fermés à quelqu’un qui a commencé dans la construction, sans le moindre diplôme. « J’en ai reparlé avec le secrétaire général de Nestlé qui m’avait engagé. A l’époque, on fonctionnait à la confiance. Aujourd’hui, ce serait impensable. » Certes, mais encore faut-il avoir assez de courage pour s’imposer. Comme ce jour où Pierre Piralli a profité d’un concert de Noël à Riaz (FR) pour demander à rentrer dans le Chœur des armaillis de la Gruyère. Une audition plus tard, face à un certain Michel Corpataux ébahi par sa voix de baryton et son oreille musicale, le voici premier Vaudois à entrer dans cet ensemble choral. 

Homme-orchestre, à sa façon, ce père de deux grands fils de 23 et 25 ans, encore aux études, encourage chacune et chacun à trouver sa propre voie. Et il n’est jamais trop tard : « Il faut vivre ses rêves. Parce que si on ne les vit pas, un jour on le regrettera. Certains rêves sont un peu plus compliqués à vivre que d’autres, c’est vrai. Avec du courage, de la persévérance, on arrive à faire ce qui nous tient à cœur. Alors, on peut vivre en paix et dormir tranquillement. » 

 

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Nicolas Verdan

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