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Santé & Bien-être

Martina Chyba: «J’ai testé pour vous… la prothèse auditive»

Martina Chyba, Journaliste et chroniqueuse - dim. 01/10/2023 - 11:18
Martina Chyba a longtemps fait la sourde oreille. Avant d'admettre la cruelle vérité et de pousser la porte d'un audioprothésiste pour se faire équiper d'un appareil.
Test prothèse auditive Chyba santé audition
Après l'implant dentaire et les lunettes à verres progressifs, Martina Chyba teste bien malgré elle la prothèse auditive. © DR

Après quelques années de difficultés, des tonnes de médicaments et une grosse opération avec un chouette trou dans le crâne, on vous annonce que vous n’entendrez plus jamais du côté gauche. Ou très mal. Face au médecin, je résume: «Mon oreille est foutue, quoi.» «N… non, mais vous devrez porter un appareil.» Techniquement, cela porte le nom délicieux de «prothèse auditive monoaurale» (d’un seul côté). C’est peu dire que cela ne m’enchante pas. Mais cela m’enchante encore moins de ne rien entendre. 

Désormais, la personne au bout de la table qui fait semblant de suivre la conversation, mais qui a décroché, c’est moi. La personne qui demande aux gens de répéter: «Excuse-moi, je n’ai pas compris.» C’est moi. Vous savez celle à qui on dit fort et en articulant: « Le mon-sieur te de-mande…» La personne qui a le son des deux télécommandes à fond et qui se dit: «Purée, mais on ne peut pas mettre plus fort?», c’est moi. La personne qui n’entend pas bien, mais, paradoxalement, ne supporte plus aucun bruit, c’est moi.

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Je pousse donc la porte d’un audio-prothésiste. Il regarde mon graphique: «Ouh, c’est atypique.» Super, ça promet. Il me propose d’essayer un modèle assez simple, à piles, discret, je suis d’accord, pas besoin de devenir Terminator non plus, j’ai quand même encore une oreille qui va bien. Il me fait un moulage et je dois retourner une semaine plus tard. Entre-temps, je remplis un document pour un remboursement par l’AI (Assurance Invalidité) et quelques jours plus tard, je reçois un accusé de réception qui marque l’ouverture de mon dossier. Bon, la lettre de l’AI… c’est psychologique, on se dit: «Ouch, là j’ai un pied dans la tombe, et l’autre qui glisse. On va pas vers le beau, c’est certain.»

A porter le plus possible

Je reviens chercher mon appareil. Alors, on ne va pas se mentir, ce n’est pas très joli le moulage d’un intérieur d’oreille. Et tout est minuscule: la pile, le gligli pour ouvrir le compartiment à pile, l’autre gligli qui permet de ressortir l’appareil de l’oreille, la brosse pour nettoyer, la petite couronne blanche qu’il faut changer une fois par mois. Moi, qui perds tout le temps mes lunettes (et chercher ses lunettes sans lunettes, je recommande…), comment je vais gérer tout ça? Déjà, est-ce que j’entends mieux avec? On fait des réglages biiip, tuuut, hiiiiii, des mots, de la musique, oui c’est bien ici, mais au boulot, au bistrot, quand il y aura du monde? «Vous le mettez le plus souvent possible, vous n’oubliez pas de l’enlever pour dormir et il ne faut pas le perdre!» OK… OK…, je pars avec ce machin dans son écrin comme si c’était une rivière de diamants qu’on me prête pour monter les marches à Cannes.

Après, il faut se débrouiller quand le monsieur n’est plus là. Je commence par mettre le truc à l’envers, je n’entends pas la petite musique de départ, j’ai failli le laisser dans mon bain, j’oublie d’ouvrir le boîtier de la pile pour la nuit, je nettoie dans le faux sens. Bilan auditif: pour écouter la télé, c’est super, dans les réunions ça va, mais une assiette que l’on pose sur une table me fait sursauter, au restaurant, j’entends surtout la conversation de la table d’à côté, très intéressante par ailleurs (un monsieur qui regarde une image sur un smartphone et qui dit: «Ah! je le trouve mieux en fille, de toute façon aujourd’hui, on devrait partir du principe qu’ils décident vers 12-15 ans ce qu’ils veulent être.»), mais je n’ai rien retenu des gens qui mangeaient avec moi. Je retourne re-régler l’appareil et, maintenant, je m’habitue gentiment.

Normal ?

Ah oui, petit détail: la facture. «Pardon, combien? J’ai mal entendu.» Mince, je n’ai même pas cette excuse, vu que j’ai mon appareil dans l’oreille. J’ai très bien compris que ce serait 3800 francs et que l’AI en rembourserait 840. Gloups! J’ai d’ailleurs effectué un petit décompte qui va vous faire rire (jaune). Lunettes à verres progressifs, sinon je ne vois rien (1200 fr.). Deux implants dentaires, sinon j’ai des trous (6000 fr.). Une prothèse auditive, sinon je n’entends rien (3800 fr.). Et rien n’est remboursé ou très peu, alors que je paie une fortune en assurance maladie chaque mois. Mon cerveau qui, lui, marche encore pas mal (pour le moment), me dit que ce n’est pas complètement normal.

Chaque cas est unique et il faut trouver le processeur adapté”

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Adel Hamdan
Audioprothésiste

«Le plus difficile est de franchir le seuil d’un centre d’appareillage acoustique, affirme Adel Hamdan audioprothésiste avec brevet fédéral et directeur de Novason à Genève. Psychologiquement, cela veut dire accepter son handicap. Or, il ne faut pas attendre, ne pas s’habituer à malentendre. De plus, il faut stimuler le cortex auditif.» Et a-t-on la garantie d’entendre à nouveau bien? «Je ne propose pas de nouvelles oreilles, s’amuse Adel Hamdan, je ne donne pas de faux espoirs, j’adapte au mieux, les besoins ne sont pas pareils pour une personne active que pour un retraité.» 

Alors, justement, comment fait-on le choix? «C’est complexe, il ne s’agit pas juste d’amplifier le son, il faut travailler sur l’intelligibilité et la compréhension. Les nouveaux appareils sont dotés de processeurs performants et avec l’utilisation de l’intelligence artificielle, on arrive à mieux entendre dans le brouhaha. Mais une excellente technologie mal adaptée ne suffit pas! Le choix des appareils est le travail de l’audioprothésiste et la décision appartient à l’utilisateur.»

20% plus cher en Suisse

Enfin, pourquoi est-ce si cher? «L’appareil auditif, qui est un minuscule ordinateur, nécessite un savoir-faire, il est plus cher de 20% en Suisse que dans d’autres pays européens. Les prestations des spécialistes (adaptation, réglages et suivis) sont plus élevées. Les charges également. Chez nous, nous assurons un suivi tous les 6 mois pendant 5 ans. Si vous achetez sur internet, vous pouvez avoir des problèmes que vous ne pourrez pas résoudre tout seul », conclut l’audioprothésiste.

«Depuis 2011, l’assurance invalidité fédérale propose un forfait, complète Daniel Sturchio, responsable du Service prestations spécifiques de l’AI à l’OCAS Genève. Pour les personnes en âge d’être actives c’est 840 fr. et 1650 fr. et pour les bénéficiaires de l’AVS 630 fr. et 1237.50 fr.». C’est peu. «Oui, les prothèses auditives sont chères chez nous. Il s’agit d’un marché libre. Je recommande aux gens de demander des devis comparatifs. De ne pas prendre un appareil trop sophistiqué dont certaines options ne seront pas utilisées. Le forfait vise à rembourser un appareil simple et adéquat qui répond aux besoins de base.

De nombreuses personnes conseillent d’aller en France, n’est-ce pas un effet pervers de ce forfait très bas? «Les prix sont moins élevés, c’est clair. Mais il faut retourner plusieurs fois pour les réglages, cela peut poser problème.» Et qu’en est-il des pannes et des piles par exemple? «Il existe un forfait de réparation de 200 fr. à partir de la deuxième année, et 40 fr. ou 80 fr. (s’il y a un ou deux appareils) par an pour les piles. A noter que pour les personnes qui ne peuvent compléter le financement d’un appareillage, il est possible de s’adresser à Pro Infirmis, Pro Senectute ou encore au Service des prestations complémentaires si on en est déjà bénéficiaire. Il faut également voir avec son assurance maladie, notamment en cas de complémentaire, si un montant peut être alloué», conclut Daniel Sturchio.
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