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Santé & Bien-être

L'explosion des maladies inflammatoires de l'intestin

Frédéric Rein, Journaliste - sam. 01/07/2023 - 00:00
Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin - ou MICI - connaissent une nette recrudescence depuis quelques dizaines d’années. Décryptage en compagnie de spécialistes.
Le boom des maladies inflammatoires de l'intestin
Depuis 40 ans, le nombre de cas de MICI a grimpé en flèche. Une épidémie qui toucherait plus particulièrement les habitants des villes. 

MICI. Quatre lettres au demeurant anodines, mais qui cachent un acronyme lourd de conséquences. Il fait en effet référence aux maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, qui regroupent la maladie de Crohn - qui se développe sur n’importe quel segment du tube digestif entre la bouche et l’anus - et la rectocolite hémorragique, qui ne touche que la muqueuse du colon. Ces deux pathologies résultent d’une surréaction du système immunitaire intestinal.

En Suisse, près de 40'000 personnes souffrent de l’une ou de l’autre. «Depuis 40 ans, ce chiffre est en forte progression, note le Professeur Pierre Michetti, gastro-entérologue à La Source à Lausanne. Cette «épidémie» est trop rapide pour que ce soit uniquement lié à des prédispositions génétiques. On évoque plutôt une coalition de facteurs, qui rendent la ville plus «risquée » que la campagne. En cause: la présence plus importante de microparticules en milieu urbain; l’utilisation d’adjuvants de blanchiment, comme, aujourd’hui encore, dans le Paracetamol et la consommation d’une nourriture loin du site de production où se cachent davantage d’émulsifiants dangereux.» 

Existe-t-il aussi un clivage intergénérationnel? «On a longtemps pensé qu’il s’agissait d’une maladie de jeunes, surtout pour la maladie de Crohn, car, dans 80% des cas, elle est diagnostiquée avant l’âge de 25 ans, répond le professeur. On constate toutefois qu’il y a un deuxième pic, de plus en plus marqué, après 60 ans.» Si la cause reste inconnue, on peut imaginer que les mutations génétiques somatiques s’accumulent avec l’âge, ce qui conduit à un déraillement du système immunitaire. «Il est important de bien prendre en charge les seniors, car ils supportent mal les complications», insiste Pierre Michetti. 

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Comme une grosse gastro incessante

Mais attardons-nous sur les symptômes de ces pathologies. On parle, ici, de diarrhées persistantes plus ou moins sanglantes, de douleurs abdominales, de perte de poids, de fièvre, de douleurs articulaires, d’aphtes dans la bouche ou, encore, d’inflammation des yeux. A quoi s’ajoutent, pour la maladie de Crohn, des complications infectieuses, comme des fistules et des abcès. «Souvent, cela ressemble à une grosse gastro qui s’éternise, souligne le gastro-entérologue. C’est parfois plus compliqué à diagnostiquer chez les personnes âgées, dans la mesure où certains symptômes semblent moins suspects que chez un jeune.» Le moyen d’en avoir le cœur net et de poser un diagnostic: la coloscopie.

Mais il arrive aussi, surtout pour la maladie de Crohn, qu’il y ait des manifestations violentes, au point que le diagnostic doive être posé en urgence, par exemple suite à une perforation de l’intestin. «Nous n’aimons pas cela, car le patient peut être amené à avoir des résections étendues d’intestins, et donc des troubles digestifs à vie», précise Cédric Vallet, chirurgien viscéral à La Source. 

En dehors de ces situations extrêmes, quand l’opération est-elle préconisée? «Dans l’évolution de la maladie de Crohn, l’organe inflammé voit sa paroi essayer de cicatriser, ce qui cause des fibroses, c’est-à-dire des cicatrices, qui rétrécissent certaines zones et peuvent être responsables d’occlusions au fil des années, décrypte le chirurgien. De fait, près de 80% de ces patients sont opérés dans les dix ans qui suivent le diagnostic, puis 20% à 50% doivent être réopérés dans la décennie suivante.» La rectocolite hémorragique, elle, nécessite moins de chirurgie. «Son taux de contrôle est meilleur, mais, quand on n’est plus en mesure de la maîtriser, les conséquences sont lourdes, car on peut être amené à enlever tout le colon et tout le rectum, déplore Cédric Vallet. Dans de rares cas, la pose définitive d’une poche externe est nécessaire.

L’intérêt des anticorps monoclonaux

La chirurgie est bien évidemment utilisée en dernier recours. Auparavant, ces maladies chroniques sont traitées par voie médicamenteuse. «Durant environ deux mois, on administre un traitement d’attaque, à base de cortisone, qui sert à stopper les poussées inflammatoires, explique Pierre Michetti. S’ensuit, au moins pendant trois ans, un traitement de fond. Nous utilisons désormais de plus en plus des anticorps monoclonaux, qui sont injectés ou perfusés toutes les deux à huit semaines et induisent moins d’effets secondaires (risques d’infections, de cancer, etc.) que les immunodépresseurs. Plus vite le patient est pris en charge, meilleures seront les chances de rémission, qui permettent de stabiliser la maladie et d’abandonner à plus ou moins long terme tout traitement. La plupart des gens ont une bonne qualité de vie, même s’ils restent fragiles face aux bactéries.» On ne parle toutefois pas, ici, de guérison, car il faudrait pouvoir changer tout le système immunitaire.

L’avenir? «Les mutations de ces maladies sont tellement nombreuses que l’on pense que chaque malade est unique, répond le gastro-entérologue. De fait, on tend vers des développements et des combinaisons nouvelles de molécules, afin que le taux de rémission dépasse les 30% actuels.»  

Une bonne alimentation

Qui dit intestin dit alimentation. «Pour diminuer les risques de développer des MICI, elle doit être variée, équilibrée et riche en fibres (30 g par jour), explique Amanda Bovey, diététicienne à La Source. Nous préconisons de composer les repas avec un tiers de légumes et de favoriser les féculents complets. Les collations sous forme de fruits et d’oléagineux représentent un bon complément. A contrario, il convient d’éviter les aliments ultratransformés, qui perturbent le microbiote.»

En phase de crise, il convient de limiter les fibres, afin de laisser l’intestin se reposer et, ainsi, diminuer l’inflammation. «On réduit alors fortement ce qui ballonne, comme les pois chiches, les lentilles et le choux et on favorise les légumes et fruits cuits, plus digestes.» Il serait en revanche faux de croire que les fibres irritent l’intestin et qu’il est préférable de ne plus en manger. Dans la phase post-crise, il faut les réintégrer progressivement, puisqu’elles maintiennent un bon transit.

La conférence

Tout savoir sur les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin!  

Orateurs et oratrices: Pr Pierre Michetti, médecin spécialiste en gastro-entérologie, Dr Cédric Vallet, médecin spécialiste en chirurgie viscérale, Mmes Amanda Bovey et Déborah Moser, diététiciennes à la Clinique de La Source.
Date: mardi 26 septembre 2023
Horaires: 17h30 – 19h00 (accueil dès 17h15 – apéritif à 19h00)
Lieu: Clinique de La Source, Lausanne
Pour s'inscrire: www.generations-plus.ch/source ou écrire à Société coopérative Générations, I. Bosson, Fontenailles 16, 1007 Lausanne.
Modalités d’inscription: jusqu’au vendredi 8 septembre 2023.

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