publicité
Santé & Bien-être

Comment Florian, le compagnon de Joseph Gorgoni, a su parler aux médecins

Yseult Théraulaz, Journaliste - mar. 09/01/2024 - 13:34
Devenu proche aidant dans l'urgence, Florian Sapey a vécu des jours bouleversants au chevet de son compagnon, Joseph Gorgoni, tombé dans le coma pendant 42 jours. Ils reviennent tous les deux sur cette épreuve et sur leur communication avec le corps médical.
Florian Sapey Joseph Gorgoni proche aidant Marie-Thérèse Porchet née Bertholet coma hospitalisation Covid-19
Florian Sapey (à g.) a été omniprésent durant les 42 jours de coma de son compagnon Joseph Gorgoni. © DR

Lorsqu’ils ouvrent la porte fenêtre de leur appartement en duplex à Bardonnex (GE), ils sont rayonnants, l’un comme l’autre. Joseph Gorgoni, le célèbre interprète de Marie-Thérèse Porchet, est tel que le public a l’habitude de le voir depuis des décennies: jovial et détendu. Son compagnon, Florian Sapey, également comédien, a la bonne humeur et le sourire contagieux. Pourtant le couple – ils sont ensemble depuis 23 ans – sort d’une période éprouvante. 

Après une greffe de poumon en août 2020, à la suite d’une fibrose, Joseph Gorgoni a contracté le covid. Immunodéprimé et avec un système respiratoire déjà fragilisé, il finit dans le coma pendant 42 jours. Florian Sapey lui rend alors visite quotidiennement, après son travail.

publicité

Comment avez-vous vécu ce rôle de proche aidant auquel, comme la plupart des gens, vous n’étiez pas préparé?


Florian Sapey: Je suis en effet devenu proche aidant par la force des choses, sans me poser de questions. La première fois, c’était lors de la greffe des poumons. Joseph est rentré à l’hôpital en fin de journée, il s’est fait opérer le soir et, le lendemain matin, son chirurgien m’a tout de suite appelé pour me dire que la transplantation s’était bien passée.

Joseph Gorgoni: S’il n’y avait eu que la greffe pulmonaire, ça aurait été relativement facile. Car trois semaines après, lors de mon retour à la maison, j’étais en pleine forme.

Pendant la longue hospitalisation de Joseph aux soins intensifs, comment vous sentiez-vous?

F.S: Les dix premiers jours du coma de Joseph ont été très difficiles à vivre. Je broyais du noir. Puis, j’ai décidé d’être positif. Aujourd’hui, je me demande comment j’ai tenu le coup. J’aurais pu faire un burn out, car je répétais à Lausanne et je venais tous les soirs à son chevet. 


Malgré les restrictions sanitaires en vigueur, le corps médical vous a accordé une heure de visite par jour. Arriviez-vous à obtenir suffisamment d’informations sur l’état de Joseph?

F.S: Comme je n’étais pas là pendant la journée, j’avais très peu de contacts avec les médecins. Un jour, je voyais une infirmière et un médecin assistant, puis deux jours plus tard, j’étais devant d’autres personnes et ainsi de suite. C’était donc compliqué d’avoir un contact avec le médecin en charge de Joseph. Je suis resté plusieurs jours sans nouvelles et j’ai fini par écrire un email pour obtenir un rendez-vous.


Avez-vous pu rencontrer le médecin à la suite de votre demande?

F.S:  Oui, je me suis retrouvé dans une pièce avec une dizaine de médecins et la sœur de Joseph. Ils nous ont dit, avec des termes médicaux, ce que je voyais de mes propres yeux: mon compagnon pouvait décéder du jour au lendemain... Heureusement que j’étais pris par mon travail, cela m’a finalement aidé à ne pas trop réfléchir.

J.G: Il faut se rappeler que c’était la période du covid, entre les deux premières vagues, pendant laquelle le corps médical ne savait pas grand-chose sur la maladie. Il n’y avait pas encore de vaccins. Je ne peux qu’imaginer ce que Florian a dû traverser pendant mon coma.

J’avoue que j’ai parfois eu des doutes quant à la prise en charge médicale de mon compagnon”

Florian Sapey
Compagnon de Joseph Gorgoni

Ce rendez-vous ne vous a pas rassuré, étiez-vous toutefois confiant quant à la suite?

F.S: J’avoue que j’ai parfois eu des doutes quant à la prise en charge médicale de mon compagnon. Il y a eu, par exemple, plusieurs discussions sur la manière d’extuber Joseph. Pour éviter les infections, il fallait lui enlever le tube et procéder à une trachéotomie… J’étais un peu désemparé, car les médecins ont beaucoup tergiversé sur la façon de procéder et sur le moment opportun. Joseph était trop agité lorsqu’ils essayaient de le sortir du coma…


Les médecins vous ont-ils demandé votre avis ou ont-ils demandé votre présence pour procéder à l’extubation?

F.S: Non, mais à vrai dire, je n’aurais pas su quoi dire. Cette situation était inédite et je ne suis pas médecin. Je ne me serais pas senti légitime de donner mon avis. Je leur faisais confiance, même si j’ai trouvé le temps long…


En tant que compagnon de vie depuis plus de vingt ans, vous étiez capable de voir si l’état de Joseph empirait ou pas. Avez-vous pu faire part de vos observations aux médecins?

F.S: C’était parfois dur. Je voyais que mon ami n’allait pas bien, que sa santé se détériorait. J’ai écrit un autre email pour faire part de mes observations, mais je n’ai pas vraiment été entendu… Cette expérience de proche aidant m’a ouvert les yeux sur le fonctionnement du corps médical qui passe beaucoup de temps à observer la situation avant d’agir.

Joseph a pu sortir du coma et rentrer à la maison. Avez-vous eu de l’aide pour s’occuper de lui?

F.S: Non, je n’ai jamais pensé à faire appel à un centre médico-social ou à une association de proches aidants. Je n’ai pas non plus le statut de représentant thérapeutique. Nous vivons ensemble et j’ai fait les choses naturellement.

J.G: J’avais perdu 30 kilos. Je n’avais plus du tout de muscles. Florian m’a aidé à me déplacer, à m’habiller, à me doucher. Tout était épuisant. Florian avait disposé des chaises sur le parcours que je devais emprunter pour monter à l’étage de notre duplex. Une près de la porte d’entrée, une près de la table, une près des escaliers et ainsi de suite. Cela me permettait de faire des pauses. Heureusement, je voyais des progrès, chaque jour. Ça m’a permis de m’accrocher et d’aller de l’avant. La situation est très différente que lorsque vous accompagnez quelqu’un en fin de vie, comme je l’ai fait pour ma mère. Dans mon cas, la situation s’améliorait de jour en jour…

Aujourd’hui, l’un comme l’autre, comment allez-vous?

F.S: Bien, la vie a repris son cours.

J.GJe viens de finir une première tournée avec mon spectacle Transplanté et j’ai un projet de livre, entre autres. J’ai réussi à faire de cette expérience quelque chose de positif. J’ai toujours voulu vivre, j’ai eu la chance de ne pas être seul. Florian m’a énormément aidé. Marie-Thérèse a également retrouvé sa voix et devrait remonter sur scène en fin d’année. Tout va pour le mieux pour nous.

Florian doit-il encore vous seconder?

J.G: Plus vraiment, mais parfois je joue un peu l’homme fatigué pour me faire servir. J’ai pris de mauvaises habitudes…
En lecture
Comment Florian, le compagnon de Joseph Gorgoni, a su parler aux médecins
publicité