Les carnavals hauts en couleurs à ne pas rater en Suisse alémanique

Dans les ruelles d'Appenzell, toutes les générations arborent des moustaches et des pommettes rouges. © Bernard Pichom
En Suisse alémanique, le début d’année est marqué par de multiples festivités, plus ou moins connues. Carnaval, déguisements et musique sont autant de façons d’invoquer le retour des beaux jours. Nos cinq propositions outre-Sarine.
Conjurer les noirceurs hivernales pour mieux accueillir le renouveau printanier… depuis la nuit des temps, ce passage saisonnier génère, sous nos latitudes, d’étranges festivités. Dans ce domaine, la Suisse ne demeure pas en reste. Ces traditions demeurent particulièrement vivaces dans les cantons germanophones, où l’on se plaît encore à chasser les mauvais esprits à grands renforts de cloches de vaches et autres incantations sous forme de yodel sans paroles (le Zäurli d’Appenzell). Au vacarme des sonnailles — notamment dans l’Oberland bernois — les Schwyzois ajoutent le claquement cadencé de leurs fouets (depuis 1968 est même décerné le prix du meilleur claqueur).
Le jour du Sechseläuten — le 3e lundi d’avril — Zurich trouve dans la crémation de son bonhomme hiver la prévision météorologique de l’été à venir. Si le Böögge brûle rapidement, la saison sera chaude. S’il tarde à se consumer, ou que le feu s’éteint, elle sera pluvieuse.
A ce combat contre les forces obscures succèdent les carnavals satiriques, en général entre l’Épiphanie — le 6 janvier — et Mardi Gras. Ces réjouissances sont souvent paillardes et colorées, sauf à Bâle, où — bien que burlesques — elles revêtent une certaine gravité.
Voilà pour les incontournables. Mais, en dehors de ces grands classiques, notre pays recèle une kyrielle de manifestations justifiant une escapade outre-Sarine.
Bernard Pichon
Haut-Valais: les monstres font peur aux badauds
© Bernard Pichon
Si rien ne permet de dater précisément les origines du carnaval en Valais, des historiens indiquent qu’elles pourraient bien remonter à la préhistoire. Des rituels masqués se pratiquaient déjà à l’âge du Bronze, pour protéger les communautés des avalanches ou appeler le printemps. Le Lötschental est incontournable pour fêter dans le haut du canton. Les villages sont envahis par les Tschäggättä, qui surgissent pour effrayer les passants, notamment lors d’un défilé. Leur origine est peu claire. La légende ramène à des brigands déguisés en monstres pour protester contre la politique valaisanne, au XVIe siècle. Selon la tradition orale, l’origine des carnavals de Bratsch, Erschmatt et Niedergampel remonterait au début du XIXe siècle. A cette époque, on se travestissait en enfilant ses vêtements à l’envers, on s’enduisait le visage de graisse, de suie ou de farine et on agitait des clochettes de caprins ou de vachettes. Dans les années 1940 apparurent les demi-masques, les fourrures et les robes en haillons. Pour la première fois en 1970, plusieurs Füüdini de Bratsch et Erschmatt fusionnèrent au défilé de carnaval. Depuis, ces Gnooggärfüüdini forment une entité unique, présente chaque année dans les différents cortèges.
>> Y aller: Le Carnaval du Lötschental a lieu du 03.02.2023 au 21.02.2023. Défilé des Tschäggättä à Blatte-Ferden le 16.02 à 20 heures. Mascarade de Carnaval à Wiler le 18.02 à 15 heures.
Appenzell: des scènes de la vie quotidienne sur la tête
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Le 13 janvier, munis de clochettes, les Sylvesterkläuse parcourent la campagne pour souhaiter une bonne année aux paysans et leur réclamer quelques pièces. Il y a les beaux, les moches et les couci-couça. Les premiers arborent des costumes de velours et des coiffes représentant des scènes de la vie quotidienne, les seconds portent des parures de paille et de brindilles, des masques grotesques. Enfin, les troisièmes sont vêtus de déchets de sapin et de mousse.
La veille du jeudi de carnaval, les ruelles d’Appenzell sont envahies de chevaux qui trottinent au rythme des tambours et du tintement des clochettes fixées à leur harnais. Dans le village principal des Rhodes-Intérieures, le traditionnel Ommetrommere regroupe les Botzerössli qui, eux, montent des chevaux de bois pour provoquer les spectateurs agglutinés derrière leurs barricades. Cette tradition serait originaire du sud de l’Allemagne. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, les cavaliers teutons en uniforme militaire étaient alors connus pour leur langage peu châtié. Toutes les générations arborent de vieux uniformes de pompiers et se peignent des moustaches et des taches de rousseur. Ils se dessinent aussi des pommettes rouges.
>> Y aller: En Appenzell et dans les communes extérieures, les festivités s’étendent du jeudi de carnaval (et la veille au soir) jusqu’au mercredi des cendres, du 16.02 au 20.02.
Argovie et Bâle-Campagne: masques et musiques
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Pour des raisons historiques, le canton d’Argovie compte quatre régions fortes, chacune avec des traditions et des expressions populaires différentes. Le patrimoine culturel de ces contrées est recensé dans une liste spécifique comprenant plus de mille thèmes «immatériels».
A Ettingen (BL), à Sulz et Gansingen (AG), au petit matin de la Pentecôte, les jeunes hommes du village partent en forêt et reviennent en ville déguisés en... buissons. Ensuite, le gang parcourt bruyamment les rues, bien décidé à poursuivre les filles encore célibataires. D’autres factions peuvent attaquer ces hommes-buissons pour les pousser dans les fontaines. Tout ce joli monde finit trempé.
>> Y aller: Pour l’année 2023, la Pentecôte est fixée au dimanche 29.05.
Grisons: sonnent les cloches
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Chalandamarz désigne en romanche le début du mois de mars. Le 1er du mois, coiffés de chapeaux aux couleurs vives, les enfants investissent les villages, ils passent de maison en maison en entonnant des chants traditionnels. Comme à Halloween, ils collectent des friandises et de quoi financer leur course d’école. On retrouve les racines de cette coutume à l’époque païenne, au temps des Romains déjà. Cette période de l’année était marquée par des festivités grandioses pour demander à Mars de bénir les champs, les prairies et le bétail. A Untervaz, lors du Carême, les garçons célibataires projettent des palets de bois enflammés dans la vallée. Chaque lancer s’accompagne d’un cri sauvage, dédié à une jeune fille. Cela suffit-il à embraser les cœurs?
>> Y aller: L’après-midi du 04.02, à Illanz, une discothèque pour enfants est organisée. La soirée commence par un «concert de monstres» (!), suivi du bal de carnaval (aucune réservation n’est nécessaire). A Splügen, le 22.02 à partir de 23 heures, affamés et assoiffés sont traditionnellement servis avec des mets locaux et de la salade aux œufs.
Lucerne: place aux Guggenmusigen
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Le Carnaval de Lucerne est l’un des plus couru. Son cortège, le Güdis-Mäntig, attire plusieurs dizaines de milliers de spectateurs. Tout commence par une salve de coups de canon — le Jeudi gras — et se termine tard dans la nuit du mardi (Güdisdienstag) de carnaval. Des masques et costumes extravagants déambulent dans les rues aux accents dissonants des fameuses Guggenmusigen. La plupart de ces formations composées de cuivres, fifres et percussions — parfois saxophones — sont menées par un directeur musical qui règle la vitesse de marche et donne le tempo à la manière d’un chef d’orchestre.
>> Y aller: Le prochain carnaval commence le 16.02 et se prolonge jusqu’au 21.02. Quelques précisions pratiques. Le Jeudi gras à 5 heures du matin, la salve de coups de canon en marque le début sur la Kapellplatz. Le cortège des Fritschi prend son départ à 14 heures au Luzernerhof. Le cortège du Wey a lieu le lundi de carnaval. Il part à 14 heures du Luzernerhof. Le cortège du Monstercorso a lieu le mardi de carnaval. Il part à 19 heures 30 de la Bahnhofstrasse.