Quinze ans après, le sudoku fait toujours aussi fort

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Succès planétaire, il débarque pour la première fois en Suisse romande, il y a quinze ans dans les pages du journal Le Matin. Le sudoku s’est aussitôt transformé en un tsunami ludique submergeant d’enthousiasme
tous les joueurs.
Cinq ans après le passage du millénaire et ses craintes le plus souvent fondées, ses espoirs douchés et ses folles promesses, il y a quand même eu une bonne surprise : le sudoku. En 2005, ce jeu de pur raisonnement fait donc son apparition en Suisse romande. On le découvre, en premier lieu, dans les pages jeux du quotidien Le Matin qui se trouve alors être à la page d’un succès phénoménal sur le point de submerger la planète entière. Ce véritable tsunami ludique a commencé précisément à l’automne 2004 quand les premières grilles sont publiées dans le quotidien britannique Times, provoquant aussitôt une fièvre du jeu chez les Anglais.
Avant de revenir à l’histoire de ce jeu, qui tient un peu de la légende, voici les règles en hyper résumé. Le sudoku traditionnel est un carré de 9 x 9 cases subdivisé en sous-carrés de 3 x 3, appelés « régions ». Le but du jeu est de remplir ces 81 cases avec des chiffres allant de 1 à 9 en veillant toujours à ce qu’un même chiffre ne figure qu’une seule fois par colonne, une seule fois par ligne et une seule fois par carré de neuf cases.
Via l’Asie et l’informatique
La propagation fulgurante du sudoku passe par l’Asie. Tout commence avec un juge né en Nouvelle-Zélande, Wayne Gould, retiré à Hong Kong, qui découvre le jeu au Japon en 1997 et consacre six ans à imaginer un logiciel permettant de créer de nouvelles grilles. A l’automne 2004, il vend sa trouvaille au Times, puis à une soixantaine d’autres journaux dans une vingtaine de pays. L’informatique est donc à l’origine du succès mondial de ce jeu qui existait depuis 1984 sous ce nom de baptême qui a fait sa réputation : sūdoku. Un peu d’éthymologie dans ce monde de chiffres : la règle du jeu, en japonais, se résume en une seule phrase : sūji wa dokushin ni kagiru (« le chiffre doit être célibataire (c.-à-d. seul et unique par case) »), abrévié en sūdoku.
Mais il serait faux d’affirmer que ce jeu est avant tout japonais. La société Nikoli, qui l’a introduit au Japon n’a, en fait, rien inventé. Elle avait elle-même importé ce casse-tête des Etats-Unis où, depuis 1979, le Dell Puzzles Magazine publie des grilles du genre appelées « Number Place », un jeu de logique inventé par un certain Howard Garns.
Mais, comme rien ne vient de nulle part dans ce bas monde, il faut remonter bien plus loin dans l’histoire pour situer notre sudoku international. Il tire en effet ses sources du « carré latin », un cousin du « carré magique » chinois, étudié notamment par le mathématicien Euler au XVIIIe siècle.
Pas attaché à une langue
Mais comment expliquer l’attrait de ce jeu auprès d’un aussi large public et qui a droit à ses championnats depuis 2006 ? Pour Ulrich Schädler, le directeur du Musée suisse du jeu, ces quelques éléments réunis expliquent le succès du sudoku : « Les règles sont simples, on peut jouer seul, il est facile d’accès à travers le journal, il ne dépend d’aucune langue et il ne demande pas trop de temps. » De plus, et ce n’est pas négligeable, loin de là, le sudoku représente une gymnastique de l’esprit susceptible d’intéresser les seniors en particulier :
« Bon nombre de personnes pensent que cela peut les protéger de l’alzheimer et elles prennent ce jeu comme un défi pour leur cerveau. »
Bien entendu, le sudoku transcende largement les générations. Et, même si ce jeu trouve un large public chez les retraitées et les retraités, disposant de plus de temps, les personnes actives s’y adonnent, elles aussi, avec passion. Pas plus tard que le premier week-end de décembre, Hadi Barkat, fondateur et directeur des jeux Helvetiq, s’est attaqué à une grille : « Le sudoku, c’est un beau défi avec, au bout du compte, une belle satisfaction. De plus, ce jeu tient sur un bout de page et on peut y jouer avec des chiffres, des couleurs, des images. »
Si les grilles pour débutants sont relativement faciles, les niveaux augmentent et se transforment rapidement en casse-tête, pas à la portée de tout un chacun : « C’est là aussi un intérêt du sudoku, précise Ulrich Schädler. On peut assez rapidement mesurer sa progression avec les différents niveaux proposés. En cela, il s’apparente aux degrés de difficultés des jeux vidéo. »
D’autres jeux à succès
Le sudoku n’est pas le seul jeu de logique à avoir suscité un tel enthousiasme. On pense bien sûr au Rubik’s Cube, inventé en 1974, et qui s’est rapidement répandu sur toute la planète au cours des années 1980. Plus anciennement, comme le raconte Ulrich Schädler, d’autres formes de jeux de raisonnement ont passionné les foules : « Dans la collection du Musée suisse du jeu, nous avons des quantités de feuilles de rébus. Autour de 1800, elles étaient à la mode. » Si, pour l’heure, le sudoku continue de régner sur la planète entière, des esprits ludiques et inventifs s’amusent à concevoir de nouveaux jeux de raisonnement : « Nous travaillons actuellement sur un concept de déduction comme ressort ludique, explique Hadi Barkat. Ce jeu s’appellera « Sauver le patient zéro ». On y réfléchissait déjà avant le début de la pandémie. »
« Un excellent indicateur de santé mentale » Albert Hofer, 83 ans, joue tous les jours au sudoku. Une passion qui remonte à 2005.
Si vous deviez résumer en un ou deux mots le plaisir principal que vous procure le sudoku, ce serait quoi ?
La déduction et l’exigence. Vérifier que mes facultés demeurent bonnes. C’est un excellent indicateur de ma santé mentale.
Quand et où avez-vous découvert ce jeu ?
Un ami qui y jouait, il y a quinze ans, me l’a fait découvrir et c’est devenu une passion partagée. J’ai attrapé le virus du sudoku.
Combien d’heures y passez-vous chaque semaine ?
Une demi-heure par jour, trois à quatre heures par semaine. Je joue dans le quotidien 24 heures, dans le magazine Coopération, dans tous les journaux qui proposent un sudoku.
Avez-vous progressé ?
Oui, j’ai atteint le niveau quatre, mais je m’exerce aussi avec des livres de jeu qui proposent la grille Satanic, dans les niveaux dix à douze.
Pourriez-vous imaginer vous en lasser ?
Non. Ce jeu correspond à mes valeurs. Il ne tolère pas l’erreur, comme quand je travaillais aux CFF et que je devais être 100 % à mes affaires dans le poste de directeur de la gare de Lausanne.
Nicolas Verdan