Par amour, il se fait expert en arrosage

©Corinne Cuendet

Son épouse Danielle consacrait beaucoup de temps à donner à boire aux plantes et à raf-fraîchir leur jardin. Pour passer plus de temps avec elle, Pierre-Yves Croset a créé, en mai dernier, un système astucieux d’arrosage automatique.

Longtemps, aux yeux de Pierre-Yves Croset, le jardin était « terra incognita ». Un domaine inexploré que ce gestionnaire de fortune de 67 ans, pilote d’hélicoptère durant ses loisirs voyait en quelque sorte à la longue vue. Un petit paradis, certes, mais, somme toute, laissé aux bons soins de Danielle, son épouse férue d’horticulture. Méticuleuse, sensible à la nature, cette passionnée met « depuis toujours » beaucoup d’elle-même dans l’entretien des platebandes, la pelouse et autres talus entourant leur maison de Villeneuve (VD).

 

Or, voici qu’intervient le semi-confi-nement. Une période propice aux remises en question : « Je me suis rendu compte que je m’étais un peu lassé, parfois, de voir ma femme passer ses soirées d’été à arroser. » De l’aveu même de la principale intéressée, elle consacrait pas moins d’une heure le matin et une heure le soir à donner à boire au jardin. Un temps précieux durant lequel Danielle était entièrement absorbée par sa tâche. Laissant Pierre-Yves à ses réflexions :

 

« C’est alors que je me suis lancé un défi. J’ai décidé de lui offrir un arrosage automatique. »

 

Mais attention, un vrai, un beau ! Pas l’un de ces sytèmes prémontés, vendus sur catalogue et qui finissent par prendre la poussière, faute d’avoir rempli leur mission. Non, cette fois-ci, l’installation se doit d’être efficiente. Et, pour ce faire, Pierre-Yves se tourne vers les pros du tuyeau. « J’ai reçu deux offres pharaoniques, certes en partie justifiées, car une telle entreprise demande de la réflexion et des heures. C’est bel et bien un métier. Un métier qui s’apprend. Mais quelque chose qu’on peut faire soi-même ! »

 

Un jeu d’esprit

Motivé, au départ, par l’idée de retrouver sa chère et tendre, Pierre-Yves se prend vite au jeu. Lui, plutôt un homme de cabinet qu’un homme de terrain, se frotte à une réalité très concrète : pression d’eau, dimensions, contours, courbes, turbines, attaches, embouts, la conception de son arrosage automatique le confronte aux lois de la nature et de la physique.

Dans son garage, le circuit se monte et se démonte. Pierre-Yves se creuse la tête, il commence à faire des schémas après avoir posé des questions de jardinage à sa femme. Il divise le jardin en zones, en secteurs. « C’est elle qui définissait les besoins et moi qui devais, ensuite, trouver les solutions. »

Bien entendu, en homme habitué aux calculs et aux soupesées d’intérêt, Pierre-Yves n’est pas démuni quand il s’agit de programmer les phases d’arrosage. Quand il est penché sur son boîtier de commande, son ordinateur de gestionnaire à distance n’est jamais loin. Des marchés internationaux au jardin, les distances sont finalement moins grandes qu’on peut l’imaginer : « J’ai appris en autodidacte, au fur et à mesure. Avec l’arrosage, on réfléchit en fonction d’une certaine logique. C’est ce qu’on appelle, en finance, de l’« optimalisation sans contrainte ». Cela revient au même mécanisme. C’est une belle manière de travailler sa plasticité neuronale. »

Le chemin vers la perfection n’est pas sans embûches. Quitte à faire de nombreux allers et retours entre la maison et la jardinerie. « J’ai vite compris que les bases de calcul proposées par certains commerces ne fonctionnaient pas. Cela permet de ne faire que des angles droits. »

 

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Retour à la terre

Sévère avec lui-même, Pierre-Yves s’impose également des contraintes esthétiques. Il cache, par exemple, ses turbines pour le gazon dans un coin d’ombre. « Comme ça, les gens ne les voient pas, sauf quand elles sortent et qu’elles arrosent. » Sur le conseil avisé de sa femme, qui se moque gentiment de lui quand il dit qu’il se voit en grand jardinier de Versailles, il apprend qu’on vaporise les plantes plus qu’on ne les arrose. Lorsque, enfin, vient le temps de déposer le circuit, le créateur est secondé par un jeune jardinier qui creuse 140 mètres de tranchées. Pierre-Yves se prend au jeu. Peu importe la météo, soudain pluvieuse en juin. Sa femme le découvre les mains dans la terre sous son K-way.

Le cérébral y a pris goût : « Il y a longtemps que je ne m’étais plus mis à genoux sous la pluie dans la terre, sale comme un gueux, au lieu de faire le malin avec une pochette baveuse et une cravate Hermès. J’ai eu le sentiment d’être entrain de faire des choses vraies. » Face à tant d’enthousiasme, Danielle titille aujourd’hui son mari avec une douce malice :

 

« Tu ne veux pas changer de métier, quand même ?
Parce que tu as l’air super passionné quand on t’endend ! » Pierre-Yves se marre.

 

« C’est vrai que je suis devenu un expert en arrosage ! Un savoir-faire qui n’a pas échappé aux amis du couple. Ils étaient étonnés, eux qui ne voyaient en moi qu’un Capricorne austère et cyclotimique. » Ceux-ci lui demandent désormais conseil et voudraient la « même chose » dans leur jardin.

Pierre-Yves ne cache pas que cette activité lui a également permis de se changer les idées en ces temps tourmentés pour son métier d’analyste et de gestionnaire de fortune : « J’ai rarement vu une crise aussi forte que celle du coronavirus. Pire qu’en 2008. Mais on sait s’adapter. » A cette aune-là, la fameuse morale du Candide de Voltaire a une résonance toute particulière : « Il faut cultiver notre jardin. »

A l’heure bénie où les jets d’eau se déploient sur fond de soleil couchant sur le Léman, une question toutefois reste en suspens. Qu’en pense Danielle, elle qui a vu ses habitudes changer ? « C’est agréable de retrouver du temps à passer ensemble. Mais, heureusement qu’il y a encore des coins que j’arrose moi-même. Car ça détend aussi de faire couler de l’eau. On en profite pour parler aux plantes. Prendre soin de son jardin, c’est important, mais, là, c’était trop répétitif. »

Ouf ! Pierre-Yves a su trouver le bon dosage. Dans son jardin comme dans son couple. « On a jamais eu un jardin aussi beau que cette année ! se réjouit Danielle. Et cela t’a bien occupé durant le semi-
confinement aussi. » Oui, car Pierre-Yves a toujours eu besoin d’action. La retraite, pas pour lui : « A 65 ans, comme j’étais encore en activité, je disais aux gens que j’étais pensionné. On me regardait bizarrement. Alors, je dis maintenant que j’ai l’âge de l’AVS. Et, le jour où je n’aurai plus de projets, je ne serai tout simplement plus là. »

 

Nicolas Verdan

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Pour optimiser votre arrosage, Pierre-Yves Croset est de bon conseil. Écrire à: contact@generations-plus.ch

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