Kacey Mottet Klein, des «bains de famille» pour se ressourcer

Kacey Mottet Klein avec sa maman, aux Césars, lors de sa nomination en tant que meilleur espoir en 2017 pour Quand on a 17 ans. © DR

Le comédien lausannois, découvert  à l’âge de 8 ans dans Home, est de retour au cinéma avec Last Dance. Il nous parle de l’importance des retrouvailles auprès des siens, mais également du rêve américain, qui le titille de plus en plus.

Il fait partie de ces rares comédiens qu’on a vu grandir devant les caméras. De 8 ans à aujourd’hui 24 ans, Kacey Mottet Klein s’est illustré dans 17 longs métrages en seize ans de carrière. De Home, d’Ursula Meier, au récent Tempête, en décembre dernier, aux côtés de Mélanie Laurent et Pio Marmaï, où il était une fois de plus formidable dans le rôle d’un coach équestre atteint d’une légère forme d’autisme. Le tout en passant par Gainsbourg (Vie héroïque) ou encore L’évènement, film coup de poing sur les avortements clandestins, il y a deux ans. Il est, aujourd’hui, à l’affiche de Last Dance (sorti depuis le 1er février), de la Suissesse Delphine Lehericey, où il campe le danseur d’une troupe contemporaine qui va aider un récent veuf (François Berléand), venu remplacer sa femme au sein de la troupe, à surmonter son deuil. Là encore, d’une justesse admirable.

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Avec Tempête, ses deux derniers rôles sont donc ceux d’un accompagnateur, d’une sorte de guide, presque d’un mentor… Des personnages d’une maturité et d’une assurance auxquels il n’avait encore jamais tâté. Pour le Lausannois, qui criait par le passé sa soif de mûrir, l’objectif est largement atteint. «C’est marrant parce que j’ai toujours voulu être plus vieux que mon âge, nous explique-t-il en visioconférence depuis la Creuse, où il tourne un thriller social. Dès mes premiers tournages, j’avais une furieuse envie de grandir. D’être déjà cet adulte auquel on m’assimilait, alors que j’étais encore ado. Même aujourd’hui, je n’ai qu’une envie: avoir les 35 ans qu’on me donne généralement. Déjà à 19 ans, on me croyait trentenaire. A l’époque, c’était drôle de voir la surprise des gens quand je leur donnais mon âge, mais, aujourd’hui, j’ai l’impression de lire de la déception dans leur regard, quand ils réalisent que j’ai 24 ans, comme si je n’étais soudainement plus assez mature à leurs yeux. Sans compter que je traverse encore des moments pénibles, marqué par des fragilités que je ne comprends pas toujours… J’ai hâte d’aborder la vie avec plus de sérénité, plus de force côté mental.»

Soutien indéfectible

L’acteur n’a en effet jamais caché une hypersensibilité prononcée et il évoque ces moments violents où il faut brusquement sortir de la bulle protectrice d’un tournage pour reprendre la vie de tous les jours. Ce sentiment de manque qui l’étreint après l’exaltation procurée par l’incarnation d’un rôle. Mais également ces périodes de fragilité que connaissent tous les acteurs, lorsque le téléphone s’arrête un temps de sonner. Des sentiments qui l’ont fait tomber, ado déjà, dans les pièges de la drogue et de l’alcool. «J’y voyais une manière de continuer à ressentir des émotions fortes, même en dehors des tournages, nous explique-t-il. Mais je me suis, aujourd’hui, assagi de ce côté-là. J’essaie maintenant la psilocybine, une substance naturelle tirée de champignons hallucinogènes, mais dans un cadre thérapeutique. Pour moi, c’est vraiment un complément spirituel, un pont qui doit m’amener à retrouver ma paix intérieure. J’ai l’impression que ça marche…»

Il vit, aujourd’hui, à Casablanca, avec sa compagne, Tam, une assistante-réalisateur rencontrée en 2017 sur le tournage du film Continuer, avec Virginie Efira, l’histoire d’un road trip à cheval tourné au Maroc. Mais il revient en Suisse dès qu’il le peut. «Pour prendre un bain de famille et me ressourcer entre deux tournages.» Afin de retrouver sa maman dans la maison familiale de Grandvaux (VD), une infirmière scolaire dont il salue la liberté qu’elle lui a toujours laissé, lui permettant d’apprendre de ses propres erreurs. Mais aussi sa sœur et ses deux frères aînés – «On n’a pas le même père, mais, pour moi, ça ne change rien, je les adore.» – ainsi que ses grands-parents côté maternel, avec qui il s’entend à merveille. «Ma grand-mère est assez fière de ma carrière et je suis tellement content de pouvoir la combler de ce côté-là, si jeune. Je trouve génial de savoir qu’elle prend plaisir à voir mes films. Elle et ma maman m’ont beaucoup appris, notamment à faire preuve d’empathie. A ne pas juger autrui, aussi. Bon, de ce côté-là, ça a parfois été pour moi un peu compliqué, mais j’y travaille. »


L'acteur, en compagnie de sa grand-mère. Il a alors 15 ans et elle, 75 ans. © DR

S’il n’évoque pas son papa, c’est parce que celui-ci – un Américain – s’est fait la malle deux ans après sa naissance. «Je crois que la Suisse était trop petite pour ses hautes ambitions. Alors, j’ai grandi avec de formidables beaux-pères, dont un, avec qui je suis aujourd’hui très proche, mais j’ai repris contact avec lui, il y a trois-quatre ans. D’abord par téléphone, puis je suis allé le voir chez lui, à New York. Il est bipolaire et la relation est délicate, mais on a une sensibilité très similaire et je pense qu’il est important, à un moment dans sa vie, de comprendre qui est son père pour se comprendre soi-même.»

Rêve américain

Et puis, il y a ces racines américaines que le comédien souhaite, aujourd’hui, explorer. Avec sa compagne, ils parlent de s’installer à Los Angeles depuis déjà deux ans, mais ses tournages s’étant récemment enchaînés, ils ont repoussé leur déménagement. En attendant, le Lausannois ne cache pas son excitation de se confronter à ce nouveau monde. Il a déjà passé des castings, l’été passé, et il se réjouis de se mettre en danger: «J’ai bien conscience que je m’apprête à remettre les compteurs à zéro, mais c’est un challenge auquel j’ai envie de me frotter, avec l’envie de prouver quelque chose dans ce pays. De changer de registre aussi. Je viens de tourner un film d’horreur en France, où il est question de vampires, et c’était une super expérience. J’aimerais maintenant m’attaquer aux films de genre américain.»

En attendant, le cinéma aborde, ces prochaines semaines, sa période de remise des prix, et notamment ceux des Césars. A l’heure où nous écrivons ces lignes, les nominations ne sont pas encore connues, mais on verrait bien celui qui a remporté son premier prix à 10 ans – le Quartz du meilleur espoir suisse – en décrocher une pour le César du Meilleur second rôle dans Tempête. Elle serait amplement méritée.

Quand on lui demande, pour conclure, comment il voit son avenir, la réponse fuse: «Je ne sais pas encore où je serai installé: déjà aux Etats-Unis, toujours au Maroc, en France ou en Suisse… J’ai de toute façon toujours été assez nomade. Mais je me vois assurément toujours acteur, oui. Et avec trois enfants! Peut-être bien à Los Angeles finalement», assène-t-il avec un sourire.

Christophe Pinol

 

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