Planète en crise: comment 2021 m’a changé - Partie 1/3

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De plus en plus de citoyens et de citoyennes ont décidé de changer leur mode de vie pour sortir de la crise. Médecin, écrivain, artiste ou cuisinier, ils racontent leur nouvel engagement à générations.
Crise climatique, crise sanitaire, angoisses sociales et incertitude économique: l’année, de nouveau, n’a pas été rose pour tout le monde, à commencer pour notre planète Terre, soumise au réchauffement et aux bouleversements que l’on sait. Si le Sommet de Glasgow a accouché d’un pacte qui fait honte aux pays pauvres — et à notre conseillère fédérale et négociatrice Simonetta Sommaruga, revenue fâchée d’Irlande —, l’engagement individuel n’est plus un vain mot. A l’échelle personnelle, de plus en plus de citoyens s’engagent au quotidien pour favoriser la durabilité, les circuits courts et une meilleure intelligence dans leur rapport au monde. Rien n’est encore gagné, et loin de là! Mais un mouvement est lancé.
Ainsi, générations a demandé à différentes personnalités comment elles ont réagi, cette année, à ces bouleversements et comment, somme toute, elles ont décidé de changer pour s’engager. Petits gestes, bien sûr, pour certaines, engagement politique pour d’autres, mais pas une qui n’est restée sourde à l’urgence. Avec, au cœur de leur action, une réflexion qui doit tous nous interpeller.
RED.
Dossier réalisé par Yseult Théraulaz,
Frédéric Rein et Nicolas Verdan.
Carlo Crisci, chef, La Fleur de Sel
Cossonay, 65 ans
« Pourquoi n’en reviendrait-on pas à plus de sobriété ? »
« L’avenir, je le conçois avec une palette réduite de choix. La qualité ne rime pas forcément avec la quantité. Dans mon métier, nous avons été habitués à produire beaucoup. Aujourd’hui, à La Fleur de Sel, notre brasserie chic à Cossonay, nous ne proposons plus que deux menus contre 32 sur la carte du restaurant gastronomique Le Cerf, à une époque pas si ancienne. J’en suis convaincu, nous devons consommer moins, mais mieux. Prenons la viande… A mes débuts dans la gastronomie, on en mangeait tous les jours. Et les portions devaient être conséquentes, au risque de passer pour un affameur. Désormais, je préfère réduire cette part pour proposer des pièces d’exception. Je reconnais volontiers que le monde de la gastronomie a une part de responsabilité dans cette abondance et dans la surconsommation.
Ma génération a voulu faire toujours plus, toujours mieux. Cela a fini par déraper. Je ne renie rien, bien sûr. Ce qui n’empêche pas un mea culpa. J’ai été l’un des premiers à développer la cuisson «sous-vide». Mais, pour cela, il faut des poches en plastiques hermétiques. Dans nos établissements, le plastique est roi. Grâce au silicone de cuisine alimentaire, on peut être plus précis et la technique est facilitée. Mais a-t-on vraiment besoin de cette précision, compte tenu de ce qu’elle engendre sur un plan environnemental. Nos parents ont vécu avec moins de déchets. Pourquoi n’en reviendrait-on pas à plus de sobriété? Je crois que tout le monde y serait gagnant.»
Yvette Théraulaz, comédienne, 74 ans
« J’ai découvert le plaisir de partir en vacances dans mon pays »
« A l’heure où certaines personnes descendent dans la rue pour manifester contre le pass sanitaire qui entrave leurs libertés, je pense que c’est surtout la crise climatique qui va les entraver ! Pour lutter contre cela, j’ai décidé de ne plus utiliser ma voiture ou le moins possible. Je privilégie les transports en commun. L’an dernier, j’ai découvert les Grisons: quel plaisir de partir en vacances dans son pays! Je consomme également toujours moins de viande et j’achète une partie de mes vêtements en seconde main.
Au début de la pandémie, lorsque nous applaudissions les soignants, tous les soirs, j’ai cru que cette crise allait nous réunir, nous donner envie de nous battre pour le bien commun. Je réalise malheureusement que les gens se recroquevillent sur eux-mêmes, se disputent au sujet du vaccin et, finalement, cette crise nous divise. C’est dommage. Je constate également à quel point tout le monde est en permanence rivé sur son smartphone à en être totalement accro. Moi, je n’en ai pas. Je n’ai pas envie que l’on puisse m’appeler partout et à tout moment. C’est ça, la vrai liberté ! »
Valérie d’Acremont, infectiologue, 49 ans
« Je n’ai pas de voiture, je ne m’achète pas d’habits, je chauffe ma maison à 19° C »
« Je suis une socio-écologiste convaincue. Cela fait quelques années que je vis selon mes convictions, ce qui a augmenté ma qualité de vie: je n’ai pas de voiture, je ne m’achète pas d’habits, je chauffe ma maison à 19° C, je suis végétarienne et travaille à temps partiel. Cependant, cela ne suffit pas. J’ai réalisé depuis longtemps — et l’ONU dénonce la Suisse pour cela — que les investissements financiers des pays industrialisés tuent des enfants en Afrique. Les programmes de santé dans les pays du Sud que je supervise ici me semblent bien vides de sens lorsqu’on sait que c’est notre façon de vivre qui est responsable de la mortalité des enfants, là-bas.
J’ai donc décidé de m’attaquer à la racine du problème et de m’impliquer au niveau tant personnel, professionnel que politique pour lutter contre le réchauffement climatique. J’ai participé aux actions d’Extinction Rebellion et cocréé la branche des professionnels de la santé qui les soutient. Je fais également partie du Conseil communal de Lausanne, car je veux que les choses bougent. Avec d’autres experts de santé publique, nous avons rédigé une lettre à l’intention d’Alain Berset, cosignée par près de 1500 soignants (agissonspourlavie.ch). La détérioration du climat a un impact sur la santé des gens et il faut agir vite. Nous souhaitons rencontrer notre ministre de la Santé pour lui expliquer notre point de vue et trouver des solutions. »
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