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Société

Rebecca Ruiz: «Le vieillissement dans la dignité, un thème qui me tient à cœur»

Blaise Willa, Directeur de publication et rédacteur en chef - ven. 01/03/2024 - 15:50
Le canton de Vaud vit une petite révolution avec « Vieillir 2030 », une stratégie qui veut répondre au vieillissement de la population. En charge du projet, la conseillère d’État Rebecca Ruiz s’explique.
conseillère d'Etat Rebecca Ruiz santé programme Vieillir 2030 Vaud
La conseillère d'Etat Rebecca Ruiz (3e depuis la gauche), en visite à l'EMS Le Tilleul, à Lausanne. © Jean-Bernard Sieber/Agence de presse ARC

Le projet «Vieillir 2030» est donc lancé. Dernier acte en date, la création d’un Conseil consultatif des seniors, qui a suscité des centaines de postulations. Rebecca Ruiz répond à générations.

Vous lancez plus de 40 projets pilotes, qui visent à améliorer la qualité de vie des seniors vaudois. Dernièrement, c'était un appel à postuler au Conseil consultatif des seniors, pour lequel des centaines d'intéressés, et parmi eux d’anciens politiciens, se sont déjà manifestés. Cela vous surprend-il?
Cela me réjouit ! J’espère surtout qu’on arrivera à le rendre aussi représentatif que possible. Que certains candidats se soient engagés dans la vie politique avant n’est pas étonnant. Mais je souhaite aussi voir des seniors sans engagement préalable motivés, qui observent le système et y ont recours parfois, comme le système hospitalier. J'espère aussi que d'autres thèmes émergeront, comme la question du vieillissement dans la dignité, qui me tient à cœur. En outre, je suis certaine que les baby-boomers auront des revendications et des attentes très différentes de celles que l'on reçoit aujourd'hui, notamment sur les questions de fin de vie ou de vie en EMS.

Quelle était l'urgence à lancer «Vieillir 2030»?
Cette urgence répond aux défis qui nous attendent, notamment en termes démographiques! Si l’on veut tester de nouveaux modèles et faire en sorte que les mondes, comme la santé et le social, se rencontrent, au niveau des synergies et de la mutualisation des ressources, qui ne sont pas infinies, il faut anticiper.

Mais c’est quoi l’idée que vous vous faites d’une vieillesse heureuse?
C’est avant tout arriver à la retraite en ayant des conditions de vie matérielle dignes. Il faut que le fruit des efforts consentis durant la vie active, qu’il s’agisse du travail ou de l’éducation de ses enfants, vous permette de vivre, une fois âgé, dans de bonnes conditions. 

Qu’entendez-vous par conditions dignes?
Que vous possédiez une petite maison ou soyez au bénéfice de prestations complémentaires, il faut que chacun et chacune puisse avoir la liberté d'aller au tea-room boire un café avec ses amis ou offrir un cadeau de Noël à ses petits-enfants ou à des proches. Qu’il puisse prendre le train pour visiter le pays. Qu’il puisse vivre, à la retraite, dans une situation exempte de précarité.

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Un café au tea-room et une visite à Ballenberg: on est heureux avec ça?
Tout ne passe pas par des prestations matérielles, mais j’estime que c’est le minimum. Vous avez donné, cotisé, et cette première couche doit être assurée. Après, évidemment, il s’agit de vivre dans des conditions adéquates et de disposer d’outils suffisants pour tenter de vivre le plus longtemps possible en bonne santé. Les liens sociaux, à ce titre, sont essentiels: la santé mentale en dépend. 

Le canton de Vaud a-t-il un pas d’avance sur les autres cantons suisses?
S’agissant de la Suisse allemande, je ne peux pas vous dire. Il est vrai que les approches sont parfois différentes, entre l’État providence et un État qui assure le minimum. En Suisse romande, les réalités sont très différentes: le canton de Vaud est très vaste et divers en termes de concentration de population et de périmètres ville et campagne. Dans certains villages, tout le monde se connaît, alors que dans l’anonymat et l’individualisme des villes, la solidarité est plus vite nécessaire. 

Vos projets couvrent-ils toutes ces réalités?
C’est un défi! Pour être réplicables, les projets – en test sur une période de trois ans – devront tous être évalués, selon leur efficacité ou leur plus-value.

Comment sera financée leur pérennisation?
Je pars du principe que les projets pilotes évalués ne seront pas tous implémentés. Pour le reste, il faudra faire des choix politiques et des priorisations dans les budgets ordinaires, veiller à l’efficience, qui n’est pas un gros mot. C’est-à-dire veiller à rendre ces projets durables, et en les mutualisant pour qu’ils soient moins coûteux.

Quels sont les projets les plus originaux?
Je ne veux vexer personne en ne citant que certains! (Rires.) Les projets sont de nature très diverse. L’un d’eux me réjouit et présente selon moi un immense intérêt: les visites préventives à domicile, un concept qui va être testé à Sainte-Croix. Je suis très curieuse d’en observer les résultats: on sera dans une approche de pure prévention, avec un diagnostic réalisé à domicile. Ce projet est inspiré du Danemark.

D’autres exemples?
Oui, nous avons une étude qui va se pencher sur les possibilités de déployer des modèles d’hospitalisation à domicile, avec un accompagnement qui vise une réhabilitation plus rapide. Une chute vous emmène rapidement à l’hôpital et cela peut se convertir en une spirale infernale! Autre projet, l’octroi d’aides financières pour adapter son logement et permettre de maintenir la personne à domicile le plus longtemps possible et de manière sécurisée. Je pense notamment à l’adaptation des seuils et des baignoires.

Je pars du principe que les projets pilotes évalués ne seront pas tous implémentés”

conseillère d'Etat Rebecca Ruiz santé programme Vieillir 2030 Vaud
Rebecca Ruiz
Conseillère d'Etat vaudoise

Il faudra aussi travailler avec les communes et les organisations de terrain…
Il est indispensable que les communes soient à bord; les deux faîtières font du reste partie du comité de pilotage. Les communes ne vont pas pouvoir échapper non plus à la transformation de leur population. Les associations de terrain, ce sont elles qui sont en lien avec les personnes âgées au quotidien, et nous avons bien sûr besoin d’elles. L’État ne fait pas tout, ni ne peut tout prévoir.

On ne cesse par ailleurs de parler de la pénurie des ressources, comme celle des infirmières…
C’est une préoccupation majeure, en particulier pour le secteur de la santé et du social. Il faut absolument rendre les métiers plus attractifs: les femmes quittent souvent la profession, car elles n’arrivent pas à concilier leur métier et leur vie familiale ou partent travailler dans des cantons où le salaire est plus élevé. C’est pour cela qu’un très important plan de formation, de fidélisation et de revalorisation salariale vient d’être présenté par le Conseil d’État.

Comment les seniors peuvent-ils s’engager personnellement?
Ils sont responsables et je ne crois pas que ce soit à l’État de dicter leurs comportements. J’appelle simplement de mes vœux que chaque personne qui doit vivre des moments compliqués et faire appel au système se détermine si elle le peut. Je pense aux directives anticipées, au plan de soins anticipé, aux questions liées à la fin de vie. 

Vous-mêmes, vous avez rempli vos directives?
Non, pas encore. Mais j’ai ouvert un dossier électronique du patient!

Vous vous réjouissez de vieillir?
(Sourire.) Non, je n’aime pas vieillir. Dans trois jours, j’aurai 42 ans et cela fait depuis l’âge de 35 ans que je n’aime plus trop fêter mon anniversaire… Cela dit, si je n’aime pas la perspective de vieillir, j’apprécie qu’elle puisse signifier une prise de recul, qui est, pour moi, apaisante.

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