Versant Rupal, si proche du sommet et de la mort

Jean-Marc Rapaz, Journaliste - ven. 01/03/2024 - 14:38

Auteure et comédienne, la Valaisanne Mali Van Valenberg s’est inspirée d’une expédition dramatique de la légende de l’alpinisme Reinhold Messner pour écrire Versant Rupal. À voir à Fribourg.

spectacle Fribourg Nuithonie Versant Rupal — Dans un décor dépouillé, les comédiens de "Versant Rupal" racontent le drame qui a coûté la vie au frère de Reinhold Messner. © Céline Ribordy

«Moi, je suis une marcheuse du dimanche. C’est tout. Rien à voir avec ces champions de l’alpinisme.» Autrice et comédienne, la Valaisanne Mali Van Valenberg met les choses au point d’emblée. Si elle a écrit Versant Rupal sur la base des aventures de Reinhold Messner et notamment de son livre Sur le fil, ce n’est en aucun cas pour évoquer les performances de l’explorateur et célébrer «le monstre sacré». «Moi, ce que je voulais, c’était entrer dans sa tête, essayer de comprendre ce qui passe dans son cerveau quand il est confronté aux hallucinations, à la folie, à la mort, et comment il arrive à se relever malgré le deuil.»

Le deuil, c’est celui de son frère Günther, survenu donc en 1970. C’est alors la découverte de l’Himalaya pour Reinhold Messner. Au fil de sa carrière, il sera le premier homme à franchir les quatorze 8000 de la planète sans oxygène. Mais cette année-là, les éléments jouent contre l’équipe bloquée au pied de la dernière ascension. Finalement, notre homme décide de se lancer seul dans l’ultime montée du Nanga Parbat par le versant Rupal, à savoir «4,5 kilomètres de verticalité pure». L’idée étant de faire un aller-retour le plus rapidement possible sans provisions ni équipement.

à lire aussi : «Je reste humble face à ces grandes montagnes»

Allez savoir pourquoi, son frère cadet supposé rester plus bas le rejoint en chemin et la fratrie réussit à toucher le ciel. Las, la descente par un autre versant qu’ils ne connaissent pas et par un froid insoutenable, –30°C, sera fatale à Günther, qui est sans doute monté trop vite et est atteint par le mal des montagnes. Durant près de trente ans, le champion italien sera soupçonné d’avoir abandonné son cadet. Il faudra attendre 35 ans et la découverte d’une chaussure pour comprendre que le plus jeune a été emporté par une avalanche, alors qu’il était hors du champ de vision de Reinhold.

Quelle motivation?

En se remémorant le drame, on comprend mieux pourquoi Mali Van Valenberg a été fascinée par cette histoire. On l’a dit, l’exploit passe au second plan. Sur scène, dans un décor très dépouillé, les trois comédiens se mettent dans la peau, ou plutôt dans la tête, du champion, accompagnés par un percussionniste et son instrument de musique acoustique, un hang. Faut-il passer une soirée à la montagne, mais dans un théâtre? On vous dira juste que la pièce tourne depuis 2021 et qu’elle a reçu un excellent accueil – pour ne pas dire plus – aussi bien de la part des critiques que de celle du public, citadin compris. Eh non, il n’y a pas besoin d’être Valaisan pour s’intéresser au Toit du monde et pour tenter de saisir, surtout, ce qui motive ces alpinistes de l’extrême «qui ont besoin de flirter avec ces zones de la mort pour se sentir vivants».