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Loisirs

Martina Chyba: «J'ai testé pour vous... le tatouage»

Martina Chyba, Journaliste et chroniqueuse - ven. 01/03/2024 - 11:36
Martina Chyba a souffert dans sa chair, mais elle a ça dans la peau. A savoir une jolie rose du Japon imprimée pour la vie sur son bras, mais qui ne fanera jamais.

Je ne mets pas de bijoux, à part des boucles d’oreilles. Je n’ai même jamais porté d’alliance durant mon mariage. Mais j’ai toujours aimé l’idée du bijou permanent qu’est le tatouage. Alors, sur le tard, je me suis lancée, j’ai fait l’avant-bras droit en 2016, pour commencer une nouvelle vie un peu rock après mon divorce et ma ménopause (vous aurez remarqué, ça arrive souvent en même temps). C’était comme un rite initiatique d’inscrire ce nouveau départ dans ma chair, avec une grande rose rouge et des perles. Message: punk is not dead, on est vieux, mais on bouge encore.

Là, en 2024, j’ai des taches de soleil étendues sur l’avant-bras gauche, merci le sport de haut niveau et les vacances à la mer de ma jeunesse sous le cagnard sans jamais mettre de crème à part de la graisse à traire, misère. Comme on ne peut rien arranger, même au laser, j’ai décidé de tout cacher sous une jolie fleur. Je retrouve donc Oscar, mon tatoueur.

Le tatoueur, c’est comme le coiffeur: quand on en a un qui ne vous a jamais ratée, on le garde! Mes critères, c’est l’hygiène et la rapidité du travail. Alors oui, la chose se passe dans un entresol noir avec des têtes de mort partout, fréquenté par des gens très tatoués et percés de partout, mais le boulot est nickel. Et en plus, c’est sympa.

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Première étape, le choix de la partie du corps. À nos âges avancés, je recommande vivement les endroits où les chairs vont s’affaisser le moins possible. Je ne le ferais pas sur les hanches, le haut des bras, les seins ou les fesses, voyez. La fleur risquerait d’être rapidement… hem… déformée. Sur les avant-bras, chevilles ou omoplates en revanche, il y a plus de chances que la peau reste tendue jusqu’à l’EMS, et cela fera un sujet de conversation avec les soignants qui poseront les cathéters.

Deuxième étape: le motif. J’assume ma ringardise, je veux une fleur, avec des feuilles et des couleurs vives, quelque chose de réaliste et mignon, qui comme moi, je l’espère, vieillira bien. Oscar me propose des roses du Japon, j’hésite avec des marguerites, il m’imprime les deux dessins et j’ai une semaine pour réfléchir. Mon cercle rapproché est unanime: les roses. 

«On y va?»

Le jour fixé pour la séance de torture, j’hésite à mettre de la crème anesthésiante, mais j’ai peur que cela ne perturbe le travail du tatoueur, alors j’y vais à la sauvage. Il pose un calque avec le dessin sur mon bras, sort ses encres, rouge, vert, jaune, blanc, noir, et me dit: «On y va?» Je ne vais pas me barrer, j’ai ma fierté. «Oui, on y va.» Alors on ne va pas se raconter d’histoires, techniquement, ce qu’il est en train de faire, c’est d’inciser ma chair saine et de mettre de l’encre dans la blessure. Est-ce que ça fait mal? Ben oui. Est-ce qu’on se demande si on a bien fait de venir? Ben oui. Est-ce qu’on ne se trouve pas un peu zinzin de payer pour souffrir et pour avoir sur sa peau un dessin que l’on ne pourra plus jamais enlever et que l’on aura sous ses yeux tout le reste de sa vie? Ben oui. Mais on serre les dents et les fesses, pas les coudes, parce que mon bras est immobilisé. 

Le pourtour est terminé, on fait une pause bienvenue avec un petit thé.

Ça chauffe. Pas seulement le thé, hein, la peau aussi. Il faut essuyer un peu de sang avec du papier-ménage et surtout se préparer mentalement à la pose de la couleur. On va du plus clair au plus foncé, et on finit avec le blanc, qui donne au tatouage tout son relief. J’avoue, quand il remplit le dernier pétale et que je souffle «ouf ouf» comme la respiration du chien à l’accouchement (nan, j’exagère), je suis contente que ça se termine. Une heure et quart, ce n’est pas long, mais vers la fin si, en fait. 

Ensuite, le bras est emballé dans du film plastique comme un reste de rôti que l’on met au frigo. «Tu laisses deux heures et, ensuite, Bepanthen cinq fois par jour.» « Merciiii.» Je sors et, c’est dingue, c’est comme si ce tatouage avait toujours été là. C’est exactement ce que je voulais, il fait partie de moi. Alors oui, ça tire pas mal le lendemain, ensuite ça croûte un peu, et après il y a des gens qui aiment et des gens qui n’aiment pas. Moi je m’en fiche, aujourd’hui, même quand je porte une veste, j’ai une petite fleur qui dépasse sur mon poignet et elle me met en joie, moi je me fanerai peut-être, mais elle, jamais.

Se faire plaisir”

Studio 27 Tattoo Piercing  à Genève
Oscar et Tiziano
Tatoueurs

«Mais bien sûr que nous avons des clients plus âgés! s’amusent Oscar et Tiziano, du Studio 27 Tattoo Piercing à Genève. Des gens de 70 ans qui viennent régulièrement… Récemment, une femme devenue veuve souhaitait un piercing. Son mari avait toujours été contre.» Oscar et Tiziano constatent la différence entre les générations en matière de goût. «Les seniors aiment le style old school, ce sont des dessins posés en bloc sur une partie du corps. Avec beaucoup de couleurs. Ils apprécient les motifs classiques, fleurs, animaux, oiseaux, papillons, poissons, mythologie aussi. Nous faisons encore des têtes de mort, mais souvent c’est adouci par une rose ou des perles. Par contre, le tribal est passé de mode.» Va-t-on vers une génération de retraités tatoués? «Pour nos grands-parents, le tatouage était associé à la prison, aux camps de concentration, au monde de la nuit. Les boomers, eux, ont vécu l’essor du tatouage, ils veulent se faire plaisir et marquer certaines étapes de leur vie.»

Faible risque d'infection

Mais du point de vue médical, à quoi faut-il bien réfléchir avant? «Il faut être conscient du fait que le tatouage comporte un risque faible, mais significatif d’infection, de déclenchement de maladies cutanées et de réaction allergiques ou inflammatoires, répond le Prof. Olivier Gaide, médecin-chef au Service de dermatologie et vénéréologie du CHUV. Et si on regrette, son élimination au laser peut être longue, coûteuse et difficile, voire impossible, selon les couleurs et la peau du patient.» Pour le choix du tatoueur, on recommande habituellement de préférer les professionnels qui ont pignon sur rue, qui proposent un bon accompagnement – choix du motif, temps de réflexion, vérification de la cicatrisation après – et qui respectent les mesures d’hygiène. «Mais il n’existe pas de données scientifiques pour donner des recommandations, précise le Prof. Gaide. C’est à chacun de faire preuve de bon sens, d’éviter le copain ou la copine qui vient de s’acheter un kit de tatouage sur internet… Eh oui, c’est possible et légal!» 

Et y a-t-il des parties du corps à éviter absolument? «Oui, le blanc de l’œil est un site à risque majeur, nous le déconseillons vivement. Pour le reste, nous, dermatologues, ne recommandons pas le tatouage. C’est aux personnes qui se font tatouer de peser le pour et le contre, en étant conscientes que cela peut réactiver une éventuelle maladie de peau, par exemple en cas de cicatrices chéloïdes, qui sont des lésions du derme.» Enfin, les peaux matures sont-elles plus à risque lors d’un tatouage? «La peau mature peut être plus fine et met généralement plus de temps à cicatriser, elle est généralement aussi moins résistante aux infections. Les éventuels troubles du retour veineux et lymphatique (par exemple les varices) vont favoriser les infections dans les régions impliquées.» Donc prudence, et un bon conseil: commencer par quelque chose de tout petit.

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