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Culture

Deux BD réparatrices pour un résistant panthéonisé

La rédaction, - lun. 19/02/2024 - 12:59
Amateurs d’histoire et de beau dessin trouveront leur compte dans les deux BD consacrées à Missak Manouchian, le premier résistant étranger à entrer au Panthéon, huitante ans après son exécution par les Allemands le 21 février 1944.
Missak-Manouchian-BD
Une planche extraite de Missak, Mélinée & le groupe Manouchian. © Dupuis

Missak Manouchian? Il est le premier résistant étranger et communiste à entrer au Panthéon le 21 février 2024. Deux BD racontent la vie de ce rescapé du génocide arménien, réfugié en France en 1925. Militant communiste et poète, il a été fusillé par les Allemands en 1944. Missak Maouchian, Une vie héroïque (scénario: Didier Daeninckx, dessin: Miko, couleur: Dominique Osuch, conseil scientifique: Denis Peschanski) offre un panorama intimiste de la biographie du héros vu à travers les yeux de son épouse Mélinée. 

Découpé en courts chapitres, ce récit biographique admirablement construit est aussi celui d’une première moitié du 20e siècle meurtrière. Manouchian voit les siens périr sous la mitraille turque en 1915. Arrivé à Marseille via Beyrouth, il monte à Paris où il assiste impuissant à l’agonie de son jeune frère malade. Ouvrier chez Citroën, il se nourrit de poésie et de littérature, il tombe amoureux. Ce qui aurait pu être une nouvelle vie s’avère n’être que de courts répits avant un nouveau passage de la «spirale du malheur» qui pousse Missak à s’oublier dans un combat universel pour la liberté. 
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Apatride épris de justice

Face à l’occupation nazie de son pays d’accueil, l’apatride, comme ses camarades communistes et juifs, choisit la résistance intérieure. Une succession de tableaux saisissants, que nous offre le talentueux Mako, ancrent cette tragédie dans son époque: publicités, propagande, tracts, affiches de films. Illustration toujours, c’est précisément une affiche, placardée dans tout Paris, qui marque à jamais le destin de Manouchian. La fameuse Affiche rouge, outil de propagande allemande, qui tentait de présenter Missak et ses camarades comme «l’armée du crime», sert de fil rouge à Missak, Mélinée & Le groupe Manouchian (scénario: JDMorvan, dessin: Thomas Tcherkézian). Cette fois, l’aventure de Missak est présentée sous un jour résolument collectif. 

De façon insistante, les faits d’arme du héros sont détaillés avec une présentation biographique (et un dessin façon Studio Harcourt) des 23 membres du groupe Manouchian. On le découvre dans son interaction avec ses camarades, membres des FTP-MOI (Francs-tireurs et partisans - Main d’œuvre immigrée) qui luttent au péril de leur vie, avec un courage extraordinaire, contre le nazisme et pour la libération de la France en réalisant près d’une centaine d’opérations armées et de sabotage, en région parisienne, durant l’été et l’automne 43. 

Le climat oppressant est magnifiquement rendu par les couleurs d’Hiroyuki Ooshima qui donnent un relief dramatique au dessin puissamment évocateur et d’une superbe précision du novice Tcherkézian (secondé par tout l'atelier The Tribe). 

Ces deux ouvrages ont le mérite d’être enrichis par des cahiers historiques de haut vol et des paroles fortes de témoins et de poètes qui renforcent la dimension épique de ces récits. 

Missak Manouchian fut fusillé le 21 février 1944 avec vingt et un membres de son groupe dans la clairière du Mont-Valérien. Golda Bancic, la seule femme du groupe, sera guillotinée à Stuttgart le 10 mai 1944. 

Dans ses derniers instants, si bien mis en scène dans chacune de ces BD, Missak s’adresse à Mélinée, léguant au monde une lettre d’amour qui est la plus belle leçon de liberté qui soit.

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