La nouvelle ère de la chirurgie de l’arthrose

Diverses nouveautés technologiques facilitent la chirurgie de la colonne vertébrale. © iStock

Les progrès de l’imagerie médicale, des techniques chirurgicales et de prothèses, bénéficient grandement aux patients atteints d’arthose. Quelques exemples.

Brigitte Jolles-Haeberli et Constantin Schizas partagent leur cabinet à Lausanne, et aussi leur passion pour leur métier de chirurgien orthopédiste et traumatologue. Ils opèrent aux Cliniques Bois-Cerf et Cecil, chacun dans sa spécialité : la colonne vertébrale pour le Professeur Schizas; la pose de prothèses de la hanche et du genou pour la Professeure Jolles-Haeberli. Des interventions souvent nécessaires en cas d’arthrose, lorsque les traitements conservateurs (infiltrations, physiothérapie, etc.) ont échoué.

Rappelons que l’arthrose est la première cause de consultation médicale, après les maladies cardiovasculaires et de handicap parmi les personnes de plus de 40 ans. En quelques années, la chirurgie dans ce domaine a fait d’importants progrès, dont certains grâce aux deux spécialistes lausannois, également chercheurs.

 

OPÉRATIONS MINI-INVASIVES DU DOS

Constantin Schizas est ainsi le père de « la classification de Lausanne », méthode de diagnostic, utilisée internationalement, servant à évaluer précisément si un patient atteint d’un canal lombaire étroit (rétrécissement de la cavité au centre des vertèbres lombaires) serait un bon candidat à la chirurgie. Car, mieux on sélectionne le patient, meilleur sera le résultat de l’opération visant à décomprimer les nerfs passant dans ce canal. « Cette sélection pointue a nettement amélioré le taux de réussite de l’intervention. Plus de 90% des patients opérés en sont contents», relève le chirurgien.

Autre nouveauté récente : la chirurgie mini-invasive du dos, pour des patients sélectionnés en fonction de leur problème. Elle consiste à intervenir à travers une ou plusieurs petites incisions dans la peau, sans ouvrir le dos, ni sectionner les muscles pour atteindre la zone à opérer. D’où moins de risques d’infection et de saignements, moins de douleurs postopératoires et une hospitalisation plus courte.

 

Diverses nouveautés technologiques facilitent cette chirurgie mini-invasive. Tel le neuromonitoring : un appareil ad hoc permet d’observer les réactions du système nerveux proche de la colonne durant l’opération et d’intervenir au plus vite en cas de problème. « D’où une nette réduction des risques de lésion nerveuse inhérents à ce genre d’intervention », note le Professeur Schizas.

 

Un autre dispositif facilite désormais le travail du chirurgien lors de la pose d’implants dans la colonne : l’O-Arm, plateforme d’imagerie médicale en 3D qui permet de visualiser l’intérieur du corps du patient dans les trois plans en temps réel et, grâce à un système de guidage, aussi la position précise des instruments et de l’implant. Un outil fort utile, sachant que le chirurgien n’a qu’une marge de manœuvre de quelques millimètres pour fixer les implants sans endommager les structures avoisinantes — nerfs, gros vaisseaux sanguins, moelle épinière.

 

PROTHÈSES PERSONNALISÉES

L’imagerie médicale et les imprimantes en 3D ont aussi révolutionné l’implantation des prothèses de la hanche et du genou : « Grâce aux images en 3D, je peux connaître précisément l’anatomie de l’articulation et la taille de l’implant », explique Brigitte Jolles-Haeberli. Selon la forme des os du patient ou l’orientation de son col du fémur, il est aussi possible de fabriquer, par exemple, une prothèse de hanche sur mesure (NDLR 10 % des cas opérés), si un modèle standard ne convient pas. De plus, la modélisation et l’impression en 3D de l’articulation permettent de planifier et de simuler l’intervention selon l’anatomie du patient, et de fabriquer des guides de coupe sur mesure pour un positionnement optimal de l’implant. »

 

Au final, la prothèse posée sera ainsi mieux adaptée et plus stable, risquant moins le déboîtement. L’implant subira en effet moins de contraintes, ce qui prolonge sa durée de vie. Et le patient aura un meilleur confort à la marche, plus fluide et nécessitant moins d’efforts musculaires.

PROTHÈSE DU GENOU INTELLIGENTE

La Professeure Jolles-Haeberli, aussi ingénieure en microtechnique, est par ailleurs la chirurgienne en charge du projet SimOs (Smart Implant for Orthopedics Surgery, soit implant intelligent pour la chirurgie orthopédique), qui a mis au point une prothèse du genou «intelligente». L’implant en polyéthylène, placé à la jonction de l’articulation, analyse le comportement de l’articulation grâce à des capteurs intégrés, mesurant divers paramètres biomécaniques: contraintes et chocs, température due au frottement, micromouvements (annonciateurs d’un descellement de la prothèse), etc. L’insert, de forme identique à celle des modèles ordinaires, est prévu pour s’adapter aux prothèses totales actuelles du genou.

 

Les données transmises (à un ordinateur, une tablette, etc.) par une genouillère spéciale munie d’un émetteur sans fil, serviront au chirurgien pour vérifier le positionnement de l’implant et établir un programme de rééducation postopératoire personnalisé. Il peut aussi détecter la cause d’un problème (douleur, etc.) ultérieur, même avant l’apparition de symptômes. « Si on note, par exemple, qu’une prothèse bien posée subit plus de contraintes d’un côté, on rétablira l’équilibre par un programme de musculation adapté », note la spécialiste.

 

Outre un diagnostic rapide sans recours à la chirurgie, le SimOs contribuera aussi à la longévité de la prothèse : « Avec le temps, les implants adhèrent à l’os, obligeant de raboter ce tissu quand on doit les remplacer en totalité. Une intervention qu’il faudrait éviter de répéter », avertit-elle. Or, ces prothèses subissent de fortes contraintes, avec une durée de vie moyenne de seulement quinze ans, nettement insu sante, d’autant que des patients toujours plus jeunes ont besoin d’une prothèse du genou, relève la chirurgienne. Avec cet implant, on pourrait ne changer que la partie intermédiaire en polyéthylène de la prothèse qui n’adhère pas à l’os, car on saurait quand c’est le bon moment. »

 

Le SimOs, lancé par le programme Nano-Tera du Fonds national suisse de la recherche scientifique, a été conçu par plusieurs laboratoires de l’EPFL et celui de Brigitte Jolles- Haeberli au CHUV. Aujourd’hui, déjà en contact avec un fabricant intéressé, elle doit trouver le financement nécessaire à la certification CE, autorisant la commercialisation de l’implant en Europe. Pour cela, avec le Professeur Schizas, ils ont créé la Fondation Profectus*, destinée aussi à soutenir leur objectif général: réaliser encore d’autres projets pour améliorer la mobilité et l’autonomie des patients atteints notamment d’arthrose.

Ellen Weigand


EN IMAGES

Dans cette vidéo, Brigitte Holles-Haeberli explique l'importance de la prothèse intelligente du genou.

 

Source: Groupe de cliniques privées Hirslanden

 

*www.fondation-profectus.org


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