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Société

Benoît Aymon: la mort et moi

Anna Lietti, Journaliste - lun. 01/07/2024 - 15:29
Né à Sion en 1954, Benoît Aymon a présenté le «TJ» du soir à la RTS avant de cartonner, dès 1993, avec son émission «Passe-moi les jumelles». Il met aujourd’hui sa passion de la montagne au service du Festival du film alpin des Diablerets*.
la mort et moi et après
Portrait de Benoît Aymon. © Nicolas Zentner

Quelle a été votre première confrontation avec la mort?
Quand j’étais enfant, en Valais, mon père médecin m’emmenait avec lui, le samedi, faire sa tournée des villages dans sa 2CV. Lorsqu’un de ses patients décédait, il devait affronter la curiosité des gens: «De quoi est-il mort?» demandaient-ils. Mon père répondait invariablement: «D’un arrêt du cœur.» C’était scientifiquement discutable, mais éthiquement défendable, puisqu’il était tenu au secret professionnel. Sur un plan plus personnel, j’ai compris vers 10 ou 12 ans à quel point la mort est traumatisante…

Dans quelles circonstances?
Mes parents ont commencé à faire des enfants en 1939. Il y a eu les cinq premiers et le sixième – le dossard numéro six, comme on dit dans notre famille – est une petite sœur, morte à 3 ans d’une méningite foudroyante. Après elle, mes parents ont encore fait cinq enfants: oui, ma mère a accouché onze fois, c’est une véritable équipe de foot! D’abord, je me suis dit qu’elle et mon père avaient dû un peu oublier cette petite sœur morte au milieu du peloton. Mais non: cette mort restait pour eux un traumatisme. Je n’ai pas connu cette sœur, étant né dix ans plus tard. Mais sa photo a toujours été en bonne place chez nous et j’ai compris que les années passent, mais que le temps n’efface pas la douleur.

Et la mort en montagne?
Bien sûr, j’ai des amis qui y sont morts. J’ai lu dans un article que la mort en montagne est un sujet tabou dans le milieu. C’est faux: on en parle! Mais le danger et le risque, ce n’est pas pareil. Apprendre à évaluer le risque, à le gérer, ça fait partie du plaisir. 

Avez-vous déjà vu la mort en face en montagne?
Je l’ai frôlée de très près un jour que j’étais à ski et qu’un pont de neige a cédé sous mon poids. Heureusement, j’avais assez de vitesse et je me suis retrouvé de l’autre côté. J’ai quand même vu la neige s’effondrer et, dessous, le noir de la crevasse. Ça ne s’oublie pas. J’ai aussi eu peur pour d’autres, en montagne. Heureusement, en vingt-six ans de tournage de Passe-moi les jumelles, nous n’avons jamais eu d’accident sérieux. 

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Ce que j'aimerais surtout, c'est mourir amoureux et entouré des miens”

Benoît Aymon

Votre mort, vous y pensez?
Non. Même si je suis plus proche de l’arrivée que du départ, ce n’est pas une pensée qui m’occupe. 

Vous avez eu un gros accident il y a six ans…
Oui, je me suis fait renverser à vélo dans la campagne genevoise. Par une infirmière! À mon réveil à l’hôpital, j’étais hémiplégique et j’ai craint de ne pas pouvoir remarcher. C’était terrible. J’ai pensé: perdre un bras, je m’en fiche, mais les jambes, non! Heureusement, j’ai bien récupéré. Mais, même dans ces circonstances, je n’ai pas vraiment pensé à la mort.

Comment aimeriez-vous vivre le dernier jour de votre vie?
Si c’est dans la nature, c’est mieux que dans un lit. Mais ce que j’aimerais surtout, c’est mourir amoureux et entouré des miens. Mes parents ont fêté 60 ans de mariage et, quand ma mère est morte à 91 ans, j’ai vu mon père désespéré. Il est mort amoureux, c’est un peu mon modèle. Nous avons 40 ans de mariage avec ma femme, nous sommes en bonne voie... J’espère être capable de donner et de recevoir de l’amour jusqu’au bout. J’aime bien être seul de temps en temps, mais, fondamentalement, la solitude m’effraie. 

Où serez-vous quand vous ne serez plus là?
C’est le cadet de mes soucis. Mais pour avoir voyagé au Népal, disons que si la réincarnation existait, je me verrais bien en aigle ou en gypaète barbu. Pas pour le côté prédateur, juste parce que les rapaces planent tellement mieux que nous! 

Le Festival

Le Festival du film alpin des Diablerets (VD) se tiendra du 3 au 10 août.

Renseignements en infos sur le site du FIFAD: www.fifad.ch

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