«Que deviendra notre fille handicapée après notre disparition?»
Patrick ne sait plus où donner de la tête. Cadre dans une entreprise qui le sollicite beaucoup, père d’un adolescent taciturne, il est aussi l’époux de Sandra, atteinte d’une maladie hématologique rare, qui l’affaiblit de semaine en semaine et l’oblige, lui, à assurer de plus en plus de besognes domestiques. Même ses nuits sont lardées de moments où il doit se lever pour aider Sandra à se rendre aux toilettes, lui apporter un antalgique, parce qu’elle souffre ou, simplement, la prendre dans ses bras pour la rassurer. Bref, son présent est accablant. D’ailleurs, dix mois de ce régime ont eu le même effet sur ses traits que dix ans.
publicité
Pour autant, Patrick s’accroche à ce présent. Prendre conscience qu’il s’épuise l’obligerait à réaliser que Sandra va de mal en pis et qu’elle ne guérira pas. Il vit comme si demain n’existait pas. Dans ce présent continu, Sandra s’y retrouve. Le huis-clos la protège des regards extérieurs qui lui renverraient que son extrême maigreur est inquiétante. Jusqu’au jour où un médecin, appelé en urgence pour une hémorragie, et découvrant que le matelas trop dur ne convient plus au corps trop maigre de Sandra ni la cuisine familiale à ses possibilités digestives, suggère la mise en place de soins palliatifs à domicile, qui apporteraient du confort et du soulagement. «Soins palliatifs? Mais ma femme n’est pas mourante; on y pensera plus tard», répond Patrick. Sandra mourra dix jours plus tard dans l’effervescence maltraitante d’un service de réanimation. «Mon père a volé la mort de ma mère», regrette le fils. «Elle ne...
La suite est réservée à nos abonné·e·s
Découvrez nos offres d’abonnement
Déjà abonné·e ? Se connecter