Martina Chyba: «J’ai testé pour vous... les trucs pour dormir»
Je n’ai pas souvenir d’avoir fait une nuit complète. Bébé, enfant, ado, jeune adulte, et bientôt vieille adulte, mes nuits ont toujours été courtes, peuplées de ruminations et de trajets vers le frigo et les toilettes. À chaque Noël, je reçois la panoplie de comment bien dormir pour les nuls, des bons pour de l’hypnose, des oreillers machins, des lampes trucs, des musiques relaxantes et des conseils, aaah les conseils! «Tu devrais tenter les bols tibétains, ça marche.» Ouais, c’est ça. J’ai même essayé plusieurs messieurs différents dans ma vie et dans mon lit et, comme par hasard, c’étaient chaque fois des bons dormeurs, bref.
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Je ne prends pas de somnifères, car je crains l’addiction. Mais je sens que mon organisme récupère de plus en plus mal. J’ai aussi vu que la parapharmacie ne s’endormait pas sur le sujet, elle, et proposait plein de choses en vente libre. Y compris contre les réveils nocturnes, mon cauchemar. Donc allons-y allonzo, j’ai fait mes courses: un roll-on «sommeil paisible» pour se masser les tempes avec de la lavande, une tisane pour «calmer les nerfs», un spray buccal aux huiles essentielles de passiflore, camomille et coquelicot qui «favorise un sommeil réparateur», des «dream gummies», donc des sortes de Haribo, avec 20 mg de CBD (cannabis), plus mélatonine, verveine, pavot et camomille, des gélules d’«induction de sommeil» que j’ai ramenées des États-Unis et, acheté en France, un «sommeil 4 actions» avec 1,9 mg de mélatonine, soi-disant dosage extra fort, et qui va régler tous les problèmes.
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Rassurez-vous, je n’ai pas tout pris d’un coup, haha. J’ai sagement respecté la posologie de chaque produit et, pendant deux-trois semaines, j’ai testé tout ça. Alors heu… que dire? Le roll-on pour masser les tempes, ça sent bon sur l’oreiller, au moins ça quand on se réveille pour la troisième fois dans la nuit. La tisane n’est pas très bonne, j’ai rajouté du citron-miel-gingembre-cannelle-curcuma, ça fait plaisir et c’est anti-inflammatoire, mais si je buvais un coup de rouge, ce serait pareil, voire mieux. Le spray buccal, quatre pschitts avant le dodo, au bout de deux jours j’ai eu mal à la gorge et j’ai arrêté. Les gummies, ce n’est pas mauvais, mais je me suis endormie à 11h15 et j’étais debout à 1h30, et avec le soi-disant cannabis, même pas un rêve un peu sexy, un éléphant rose, que dalle. Les inducteurs de sommeil, horreur de mal au crâne le lendemain, et la mélatonine pas grand-chose non plus, mais j’ai compris plus tard qu’en fait, c’étaient de faibles doses.
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Super bilan, non? Alors, de désespoir, vous savez ce que j’ai fait? Mon chat a eu des cristaux dans la vessie et a dû suivre un traitement médicamenteux. Il devait prendre un quart de Valium par jour, car cela détend l’urètre, paraît-il. Imaginez-moi à la pharmacie avec l’ordonnance, disant: «C’est pour mon chat.» Je voyais dans le sourire et les yeux du pharmacien: «Tu parles.» J’ai remontré le papier en précisant: «Mais si, regardez, Achille, c’est mon chat!» Je suis repartie avec des Valium 5 mg et un coupe-comprimés, parce qu’un Valium c’est déjà petit, mais obtenir un quart de Valium, c’est de l’horlogerie de précision. Le chat va mieux hein, et il me reste quelques comprimés. C’est du diazépam, somnifère et anxiolytique, donc j’en ai pris un, pour voir. Ne me copiez pas, sans avis médical, c’est une connerie, mais bon j’étais fatiguée et que ne fait-on pas pour le magazine générations! Résultat, j’ai dormi cinq heures de suite, mais le lendemain, migraine, bouche sèche et dans les choux toute la journée, berk.
Bon, il est 4h du matin, je finis cet article et je crois que j’attaque une psychothérapie!
Le pire ennemi... est l'angoisse de ne pas réussir à dormir”
«Avec l’âge, le sommeil profond diminue et les nuits sont plus fragmentées, explique le professeur Raphaël Heinzer, médecin chef au Centre d’investigation et de recherche sur le sommeil (CIRS) au CHUV. Il peut également y avoir des apnées du sommeil, car les tissus de la gorge se relâchent. Enfin, la sensibilité à la lumière baisse et le rythme jour/nuit est perturbé, on se couche plus tôt et on se lève plus tôt, tout est décalé. » Alors, justement, comment agir? Est-ce que les produits aux plantes peuvent aider?
«Globalement, cela ne fait pas de mal, la seule plante sur laquelle nous disposons d’études sérieuses est la valériane, certaines (mais pas toutes) démontrent un effet réel. Pour les autres, si l’on prend des tisanes, des granules, des sprays ou des comprimés à base de plantes, l’effet placebo n’est pas négligeable, ça rassure. Car le pire ennemi du sommeil est l’appréhension et l’angoisse de ne pas réussir à dormir.»
Recalage
Et quid de la fameuse mélatonine? «C’est différent, précise le professeur. Il s’agit d’une hormone qui synchronise notre corps avec l’alternance jour/nuit, on la sécrète quand il fait sombre. Ce n’est pas un somnifère, mais elle prépare notre cerveau au sommeil. En Suisse, elle est considérée comme un médicament, doit être prescrite et n’est pas remboursée. Nous la recommandons parfois pour des personnes de plus de 55 ans et des adolescents, pour recaler le sommeil. Il faut voir avec son médecin traitant. En France, elle est en vente libre à de faibles doses et, aux États-Unis, elle est considérée comme un complément alimentaire. Avec le risque d’acheter des produits dans lesquels on ne sait pas très bien ce qu’il y a.»
Lorsque l’insomnie s’installe et que l’on s’épuise, le recours aux somnifères est-il indiqué? Raphaël Heinzer met en garde: «En cas d’insomnie aiguë liée à un événement, on peut en prendre pendant cinq à dix jours, mais il faut qu’il y ait une date de fin. Sinon, le risque de dépendance est très fort. Et rappelons que les benzodiazépines ne donnent pas un sommeil naturel, elles diminuent le sommeil profond. Pour l’insomnie chronique de plus de trois mois, avec répercussions sur la journée, le traitement numéro un, c’est la thérapie cognitive et comportementale; on travaille sur des exercices et on rééduque son sommeil. Si vraiment cela ne marche pas, et qu’il faut un médicament, on préfère éviter les benzo-diazépines, qui peuvent provoquer des troubles de la mémoire ou des vertiges, et utiliser d’autres molécules.»
Enfin, les conseils à respecter absolument pour se donner toutes les chances? «Connaître ses besoins, garder des horaires de sommeil réguliers, bien s’exposer à la lumière la journée, faire de l’exercice, mais pas le soir avant le coucher, oui aux siestes si on dort bien, si ce n’est pas le cas, concentrer son sommeil sur la nuit, n’aller dans son lit que pour dormir et, en cas de réveil nocturne, lire sur papier et pas sur tablette ou smartphone. Et, surtout, ne pas s’énerver en cas de réveil: si on reste calme, le sommeil revient plus vite.»