Martina Chyba: «J’ai testé pour vous... le Womanizer»
«Pour mon anniversaire, je crois que je vais m’offrir un Womanizer», me dit une copine devant un café. Je réfléchis: ah oui, c’est le fameux sex-toy qui a révolutionné le plaisir féminin et dont on fête les 10 ans cette année! Je n’ai pas testé, j’avoue. Moi, j’en étais restée à l’idée du canard vibrant, des boules de geisha et des machins en plastique en forme de quéquette, quoi. Et je vois soudain se matérialiser une occasion en or de proposer cela au réd chef adoré de ce magazine, comme ça, j’ai un bon prétexte pour m’en acheter un: «C’est professionnel, c’est générations qui m’a demandé, tu comprends.»
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Alors déjà, en trouver un. Ce n’est pas difficile, les sex-toys ne se commandent plus dans les catalogues Vedia sous pli discret en faisant semblant que ce sont des objets pour se masser le visage, comme c’était le cas dans les années 70. On ne les trouve pas encore à côté du rayon charcuterie à la Coop, mais on les commande en deux clics chez Manor ou Galaxus. Problème, des Womanizer, il y en a des dizaines de sortes, c’est comme quand il y a 20 pizzas sur une carte, trop de choix tue le choix et on finit par prendre un truc simple et connu, margarita ou napolitaine. Différentes formes, couleurs, fonctions, et je constate que les prix vont du simple au quadruple… que faire? Eh bien, comme pour la pizza: opter pour du simple et pas trop cher, 69 francs, c’est bien, c’est un chiffre symbole;) L’objet est rose et s’appelle Liberty, deux jours après, il est dans ma boîte aux lettres, les choses sérieuses peuvent commencer.
Élégant et nacré
Il a la forme d’une goutte, il s’ouvre en deux, élégant, nacré, livré avec un petit écrin en velours noir, sac à main compatible, chargeable comme une montre connectée. Je visualise ma multiprise, avec branchés dessus, mon téléphone, ma montre cardio, ma liseuse, la batterie de mon vélo électrique et mon nouveau jouet. Il s’agirait de ne pas confondre les usages, hihi. Je le mets en charge et je lis le mode d’emploi intitulé Let’s masturbate; il n’y a pas à dire, le monde s’est considérablement détendu face à ces questions.
Je lis que l’appareil possède une autonomie pour 120 minutes de plaisir (bon, on va pas les aligner d’un coup non plus, hein) et huit niveaux d’intensité à choix, c’est un peu comme les guirlandes de Noël qui offrent la possibilité de plein de clignotements différents, mais généralement, il n’y en a qu’un seul qui nous plaît. Il s’agit d’air pulsé et pas de vibrations, cela ne stimule que le clitoris, l’organe aux plus de 10 000 terminaisons nerveuses, donc il faut le placer correctement, sinon ça ne sert à rien. Voilà, il n’y a plus qu’à.
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J’ai essayé plusieurs fois (on est professionnel ou on ne l’est pas). Avec ou sans mon amoureux (question prévisible: «Tu crois que ça fera plus d’effet que moi?» Réponse prévisible: «Mais non, ne t’inquiète pas, c’est juste un bout de plastique.») Résultats des courses, je vous les livre froidement, comme si j’avais testé un nouveau robot ménager.
- Est-ce facile à utiliser? Oui et non, il faut quand même trouver le coup de main, si j’ose dire.
- Est-ce que ça marche? Oui, ça combine massage et aspiration, ça fait effet et c’est sympa.
- Est-ce que c’est Broadway, le nirvana, le septième ciel, la béatitude totale, le grimper de rideau, la volupté absolue et la jouissance totale? Non, on ne peut pas dire ça non plus.
- Est-ce que c’est pareil qu’avec un être humain? Alors je n’ai pas testé tous les êtres humains, mais non, c’est très très différent, plus «mécanique».
- Est-ce que c’est mieux qu’avec un être humain? Pas pour moi. J’aime faire appel aux sens, au cerveau, à la séduction, à la surprise, à l’imperfection, bref au tralala qui va avec notre condition de mortels.
Et j’avoue qu’au milieu de ChatGPT, de l’intelligence artificielle et des sex-toys ultra-performants, rien ne remplace une voix masculine que j’aime et qui me dit des trucs sympas à l’oreille. Bon, je vous laisse, il faut que j’appelle ma copine pour un café débriefing. Les tables voisines ne seront pas déçues !
Il ne ressemble pas à un vibro traditionnel”
«Ce sextoy est performant, rapide et efficace, c’est également un bel objet qui ne ressemble pas à un vibromasseur traditionnel, c’est pour cela qu’il a eu autant de succès auprès des femmes, analyse Laurence Dispaux, psychothérapeute, sexologue et thérapeute de couple à Morges (VD). On le trouve dans les grands magasins populaires, il a indéniablement contribué à détendre l’image de la masturbation.» Mais en quoi son fonctionnement est-il différent de ce qui existait avant? «La grande différence est qu’il n’y a pas de pénétration. Il s’agit d’une technologie à air pulsé qui permet une stimulation de succion sur le clitoris, cela simule un cunnilingus en quelque sorte. L’excitation monte vite et le réflexe orgasmique est déclenché chez la majorité des femmes, même si cela ne marche pas avec certaines.»
C’est donc quasiment une garantie de voyage au septième ciel. Il n’y a plus besoin de partenaire, alors? «C’est pour cela que je m’en méfie, réagit Laurence Dispaux. Il y a plusieurs risques. On peut développer une dépendance ou, à l’inverse, s’habituer à l’intensité de la sensation.
Sans les enjeux de la séduction
D’autre part, il s’agit d’un fonctionnement mécanique, auquel il est possible d’accéder même sans être investie et même sans désir. Un orgasme n’est pas juste un spasme; il y a tout un contexte émotionnel ou relationnel, une adhésion cognitive, et parfois un engagement spirituel, un chemin pour y parvenir. Avec ce genre de jouet, on évite les enjeux de la séduction, la communication, la montée du désir. On aura eu ce que j’appelle une décharge, mais l’orgasme, avec sa dimension de plaisir émotionnel, nécessite d’autres apprentissages. Enfin, il y a le grand danger de la comparaison avec les relations sexuelles avec partenaire, à la faveur du jouet, tellement plus facile.»
Alors, comment l’utiliser, si on est tentée d’en acheter un? «On peut l’avoir dans sa panoplie, s’en servir parfois seule, mais aussi à deux. On peut ainsi réveiller des sensations un peu endormies. Par exemple, autour de la ménopause, les femmes peuvent ressentir un inconfort à la pénétration, ou moins de réactivité, et le jouet va contribuer à la montée de l’excitation. On va l’utiliser de temps en temps, en alternant avec d’autres pratiques, en variant les intensités et sans que celui-ci devienne l’unique source de plaisir. Il est là pour le fun, pour pimenter.
La sexualité ne se réduit pas à un bouton sur lequel on appuie. Il faut un équilibre, c’est ce que je souhaite à tous mes patients et patientes.»