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Santé & Bien-être

L’extraordinaire travail de la Bibliothèque sonore romande

Frédéric Rein, Journaliste - mer. 01/01/2025 - 14:21
La Bibliothèque sonore romande (BSR) offre un vaste choix d’ouvrages à ses auditeurs. Gros plan sur une institution incontournable pour les personnes qui rencontrent des difficultés à lire l’imprimé.
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Le choix ne manque pas: le catalogue de la BSR compte 35 000 livres audio. © Catherine Leutenegger

«Si vous savez lire, alors le monde entier s’ouvre à vous.» Cette citation de l’ex-président américain Barack Obama en dit long sur l’importance de la lecture. Mais aussi sur les portes qui se ferment quand on est touché par un handicap visuel ou un trouble qui limite l’accès à l’imprimé. Heureusement, la Bibliothèque sonore romande (BSR), à Lausanne, ouvre de nouveaux horizons à ses auditeurs. «En 2024, plus de 4000 personnes ont écouté au moins un de nos livres, et le nombre de nos auditeurs augmente chaque année», se réjouit Isabelle Albanese, sa directrice. Près de la moitié d’entre eux sont des seniors qui ont des problèmes de vue, l’autre moitié est constituée de jeunes dyslexiques ou atteints d’autres difficultés de l’apprentissage, comme le trouble du spectre de l’autisme (TSA) ou le trouble du déficit de l’attention (TDAH). S’ajoutent aussi les individus atteints d’une déficience moteur, qui occasionne, par exemple, des paralysies ou des tremblements dans les mains qui empêchent de tenir un livre de façon assez stable. «À la BSR, l’inscription et le service sont gratuits, mais, pour devenir auditeur, nous demandons une attestation d’un professionnel de la santé ou du social, comme un médecin, un logopédiste, un enseignant spécialisé ou un ergothérapeute», précise-t-elle.

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1000 nouveautés par année

Ce large panel d’auditeurs oblige cette bibliothèque à avoir un catalogue tout aussi vaste. Elle compte 35 000 livres audio, de tous genres littéraires, enregistrés pour la plus grande partie par plus de 100 lectrices et lecteurs bénévoles, ce qui est très apprécié par les auditeurs. On trouve en outre des livres en voix de synthèse ou acquis dans le commerce. «Notre catalogue est enrichi de plus de 1000 nouveautés chaque année, se réjouit la directrice. Ce sont des ouvrages souhaités par nos auditeurs : des prix littéraires, comme le dernier Goncourt, et des best-sellers, aussi bien que des lectures scolaires, des documentaires, de la littérature romande ou du théâtre. Nous proposons également des périodiques, comme Passé simple et générations, ainsi que des versions audio du matériel de votation.» Une coopération avec la RTS permet aussi d’emprunter des films et des séries audiodécrits. «Grâce à une collaboration avec l’Association Écoute Voir, nous proposons également des audiodescriptions de pièces de théâtre produites par ses soins », note encore Isabelle Albanese.

Le nombre de nos auditeurs augmente chaque année”

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Isabelle Albanese
Directrice de la BSR

Et, à partir de cette année, un nouveau format fera son apparition: une collection de livres jeunesse et scolaires dans lesquels les voix des bénévoles sont synchronisées avec le texte électronique. De fait, les auditeurs dyslexiques ou malvoyants pourront compléter leur écoute en lisant le texte sur leur écran. La partie en cours d’écoute sera surlignée en couleur. On pourra modifier la police, la taille et l’espacement des caractères à souhait. «En ce mois de janvier, nous reprendrons également nos cafés littéraires à la BSR, suivis d’un apéritif convivial», explique la directrice.  

Numérique ou pas 

La pluralité de l’offre concerne également les supports de lecture. «Comme les personnes non connectées sont nombreuses au sein de notre public senior déficient visuel, toute notre collection est disponible sur CD, que nous envoyons sans frais de port ni de douane dans le monde entier, directement au domicile des personnes, insiste la spécialiste. Nos livres audio peuvent aussi être téléchargés sur notre site ou sur les applications CallioPlayer et BiblioPlayer, que nous avons développées nous-mêmes pour qu’elles correspondent parfaitement aux différents besoins en accessibilité de nos auditeurs. Dans tous les cas, il est important de bien choisir l’appareil de lecture, car les besoins d’un jeune dyslexique qui n’a jamais utilisé de CD et ceux d’une personne âgée malvoyante qui ignore ce qu’est le wifi sont très différents.» C’est à ces détails qui n’en sont pas qu’on mesure l’extraordinaire travail de la BSR.

Il ne s'agit pas de théâtre”

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Chantal Cominoli
Enseignante (GE)

À 45 ans, Chantal Cominoli est bénévole à la BSR depuis cinq ans. Cette enseignante à mi-temps à Genève y est arrivée un peu par hasard: «Je suis une amie de l’auteur Marc Voltenauer, pour qui je joue le rôle de relectrice. Comme il savait qu’il m’arrivait de lire à haute voix pour mon conjoint, il m’a encouragée à proposer mes services à la BSR.» Depuis ses débuts, Chantal Cominoli a enregistré une trentaine de livres, toujours depuis chez elle. «Ce bénévolat me permet de faire des découvertes littéraires tout en me divertissant, mais surtout de rendre gratuitement accessible un monde qui ne l’est pas ou plus à une certaine frange de la population», explique-t-elle. 

Ne devient toutefois pas lecteur qui veut. «Cela commence par un test, lors duquel on doit lire sans préparation des extraits d’ouvrages ardus», se rappelle-t-elle, tout en soulignant que cela prend environ trois fois plus de temps pour enregistrer un ouvrage que la durée de la version lue finale. «Ensuite, si le test est concluant, le premier livre est enregistré dans les locaux de la BSR sous la supervision d’un membre de l’équipe, surtout afin de maîtriser le logiciel. S’ensuivent des ateliers de formation. Il ne s’agit pas de théâtre, l’idée est vraiment qu’une personne qui ne peut pas lire seule se fasse son livre dans sa tête, comme le fait un lecteur autonome face au texte.»

Chantal met de l’intonation dans sa lecture”

Ludivine
10 ans, cliente de la BSR

Ludivine aime depuis toujours les histoires. Pour assouvir cette passion, elle prend des bouquins audio à la BSR depuis près de dix-huit mois. Du haut de ses 10 ans, cette amatrice d’équitation, de bricolage et de dessin doit en effet composer avec une dyslexie qui la contraint à de gros efforts lors de la lecture. «Après une journée d’école, elle est trop fatiguée pour se plonger dans un livre, explique Saskia Gaillard, sa maman. Et les histoires du soir que je lui racontais ne suffisaient pas à la nourrir et étaient pour moi trop chronophages.» Aujourd’hui, elle écoute donc chaque jour des livres audio, surtout de la fantasy jeunesse. «Sans cela, je m’ennuierais énormément, avoue Ludivine. La BSR me permet de découvrir de nouveaux univers, des histoires incroyables, et de vivre de belles émotions.» Sa lectrice préférée? Chantal Cominoli, «car elle met de l’intonation, et j’ai l’impression d’être transportée dans l’univers du livre», répond la fillette.

Je culpabilisais d’avoir mes deux yeux”

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Anne-Elvire de Montjou
Saint-Prex (VD)

Anne-Elvire de Montjou a toujours été une lectrice assidue. Cette Parisienne établie à Saint-Prex (VD) depuis quinze ans est devenue lectrice à la BSR il y a dix ans. «J’ai commencé ce type de bénévolat à l’âge de 17 ans, pour un étudiant de l’Institut des jeunes aveugles, à Paris, explique-t-elle. Je culpabilisais d’avoir mes deux yeux contrairement à mon frère, qui en a perdu un suite à un accident à l’âge de 14 ans.» Une fois qu’elle s’est installée en Suisse, la lecture pour aveugles ou malvoyants est apparue comme une évidence à cette mère de trois grands enfants. Alors qu’elle était déjà lectrice à la BSR, en 2017, son fils a perdu son œil gauche, également après un accident. «Cette cause me touche donc particulièrement, note-t-elle. Cela doit être difficile d’être à leur place.» Depuis le Covid, elle enregistre toutes ses lectures depuis chez elle. Avant tout des romans et des policiers, voire, si besoin, des journaux. «Je n’ai pas de quota annuel, je lis selon mes disponibilités, à raison d’environ 20 pages à l’heure. Je ne parcours jamais le livre avant, préférant le côté spontané de la lecture.»

Sa voix est très agréable”

Pierre Marquis
82 ans, client de la BSR

Pierre Marquis, 82 ans, est fan de ses lectures. «Sa voix est très agréable, mais aussi son intonation naturelle, sans exagération», précise ce Neuchâtelois malvoyant. Cet ingénieur à la retraite fréquente la BSR depuis plus de trente ans. «Les supports ont beaucoup évolué, se rappelle-t-il. Au début, les livres étaient enregistrés sur cassettes – entre 4 et 16 selon la taille des livres –, ce qui était très encombrant quand on souhaitait les prendre en vacances.

Par la suite, il y a eu les CD, puis les cartes mémoire, et maintenant le téléchargement, extrêmement pratique.» Que ferait-il sans la BSR? «Je préfère ne pas y penser! répond cet usager qui emprunte environ deux livres par mois et parfois des revues. Je serais dépendant du bon vouloir des autres pour me faire la lecture. Lorsque la dégradation de ma vue a commencé, je devais m’aider d’une loupe, ce qui m’a bien sûr empêché de lire des livres. Quand on m’a parlé de l’existence de la BSR, cela a été un grand soulagement. Depuis que j’ai pris l’habitude d’écouter des livres, je «lis » davantage, car cela remplace également le cinéma. Quand j’écoute un livre, je me fais le film dans ma tête. La BSR m’apporte de l’indépendance et beaucoup de satisfactions.»

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