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Générations a choisi de publier un hors-série inédit, avec la collaboration de tous les cantons romands. Témoignages, conseils, solutions, il s’efforce de répondre aux questions que chacun.e se pose à propos des proche aidants.
Episode 9 / 19

Être proche aidant, cela s'apprend

Comment accompagner un proche et répondre à ses besoins sans commettre d’impairs ni s’épuiser? Le plein de conseils à travers dix situations de la vie quotidienne.
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Pour bien aider, il faut se souvenir que ne pas laisser l’autre, fragile, faire ce qu’il peut encore, c’est le priver de son propre désir. © iStock

Parmi les difficultés du proche aidant, il y a celle de ne pas se sentir adéquat face aux besoins de son aidé. Comment savoir si on fait juste ou pas? Si l’agressivité qu’on perçoit chez la personne aidée n’est pas une réponse à un manque de compétence? A la longue, un sentiment de malaise peut s’installer entre un aidant qui se sent pataud, défaillant, et donc responsable des humeurs fluctuantes de son aidé, et la personne malade ou en perte d’autonomie. Ce qui participe à alourdir inutilement la charge de l’aidant. Voici dix situations décryptées pour mieux comprendre ce qui se passe et apprendre à mieux aider.

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1. Comment réagir quand l’autre vous rabroue?

Cette mauvaise humeur est pénible, en plus d’être injuste. Vous avez l’impression que votre proche vous en veut personnellement, sans comprendre pourquoi… et vous en ressentez une grande frustration. Déjà, apprenez à distinguer l’agressivité de l’irritabilité. L’irritabilité naît généralement de la conscience de se sentir diminué, de la difficulté à accepter la situation de dépendance. Si votre proche est en capacité de le comprendre, faites-lui part de votre peine à entendre certaines de ses paroles. Tentez de trouver ensemble ou, avec l’aide d’un tiers, des solutions pour que cette colère s’exprime différemment. La maladie d’Alzheimer peut être la cause d’une agressivité inhabituelle. Elle favorise, en effet, l’expression de mécanismes primaires d’auto-défense. Elle a aussi tendance à désinhiber et à laisser surgir des affects. Le filtre de la bonne éducation ne fonctionne plus. D’où des brusqueries et des paroles maladroites. L’agressivité peut être également l’expression d’un tourment qui se libère soudain et qu’il faut écouter. 

2. Faut-il, à tout prix, stimuler votre proche qui n’a envie de rien?

L’apathie peut avoir plusieurs causes: la maladie, les douleurs, une dépression, la peur de n’être plus bon à rien. C’est rarement de la mauvaise volonté. Parlez-en à son médecin, il aura peut-être une idée sur l’origine. En attendant, si vous aidiez votre proche à sortir de sa torpeur en lui proposant des tâches? Comme éplucher des légumes, découper les annonces promotionnelles aperçues dans les journaux et les mettre de côté, plier du linge? Ne forcez pas, demandez simplement de l’aide et, s’il s’y met, encouragez-le en le remerciant. S’il échoue, ne le lui faites pas remarquer. Mais essayez de lui proposer des activités suffisamment simples pour qu’il ne soit pas mis en échec, ce qui pourrait être contreproductif et déboucher sur une frustration. Important aussi pour réamorcer, chez lui, sa pompe à désirs: convier auprès de lui d’autres personnes que les membres de la famille. Un regard neuf sur lui, celui d’un bénévole de l’accompagnement, par exemple, pourra lui donner envie de se raconter sans craindre de se répéter ou de se dévoiler sans redouter la comparaison avec lui avant.

3. Pourquoi vous pose-t-il dix fois la même question?

Cette répétition peut être la conséquence de trois troubles. Un trouble du stockage de la mémoire. En raison de sa maladie, votre proche est dans l’incapacité de maintenir une information dans sa mémoire. Ce qui l’amène à poser et reposer en un laps de temps très court la même question. «Qu’est-ce qu’on fait?» «À quelle heure j’ai rendez-vous avec le médecin?» Même si vous avez déjà répondu cinq fois à la question en dix minutes, la personne aidée a l’impression, elle, de l’entendre pour la première fois. Avez-vous déjà essayé d’écrire la réponse sur une feuille de papier, puis de la lui présenter? Ça l’aidera peut-être à imprimer l’information. Une question répétitive peut également traduire une forte angoisse, très présente chez les personnes prenant conscience de la perte de leurs savoirs et de leurs repères. Pour y mettre fin, essayez d’identifier la question sous la question? Dans «où est-ce qu’on va» n’y a-t-il pas cette autre question: «quand est-ce qu’on revient à la maison»? C’est parfois en répondant à la question sous-jacente, que l’aidé parvient à se calmer. Une question répétitive telle que «qu’est-ce qu’on fait?» peut traduire enfin un besoin d’être actif physiquement. Dans cette demande, on peut entendre: «Donne-moi des choses à faire.» C’est donc en occupant son proche, que la question s’arrête.

4. Quelle attitude adopter quand votre proche ne vous reconnaît plus?

Arrivées à un certain stade de la maladie d’Alzheimer, certaines personnes peuvent oublier qu’elles ont été mariées ou qu’elles ont eu des enfants. Si votre proche vous prend pour quelqu’un d’autre, ne tentez pas de le sortir de sa réalité. C’est certes déstabilisant, voire blessant, mais essayez de le faire parler de la personne avec laquelle il vous confond. Accompagnez-le dans ses souvenirs. Soyez attentif à ses réactions. Et n’oubliez pas que ses souvenirs et ses réactions peuvent varier d’une journée à l’autre. Dans dix minutes, il vous reconnaîtra peut-être.

5. Comment réagir quand le silence s’installe?

Le langage n’est pas l’unique mode de communication entre deux personnes, surtout quand celles-ci se connaissent depuis longtemps et ont des années de vie commune. Avec un proche vieillissant, épuisé, diminué par la maladie, il existe d’autres façons de maintenir le contact comme le non verbal ou le toucher. Tenir la main, changer de position la personne dans son lit, la coiffer, lui caresser le bras, la regarder dans les yeux pendant quelques secondes sont aussi des moyens de témoigner sa tendresse. Surtout, évitez de l’assaillir de questions sur son état: «comment te sens-tu?», «où as-tu mal?», «qu’est-ce qui ne va pas?» Et n’attendez pas qu’il parle pour raconter des anecdotes de votre vie quotidienne et donner des nouvelles de la famille.

6. Comment dialoguer avec quelqu’un qui entend mal?

Ce n’est pas parce qu’une personne entend mal qu’il faut lui hurler dans les oreilles, articuler à outrance ou, pire, éviter de lui adresser la parole. Une assistance extra-auditive peut s’avérer efficace. La lecture labiale est une méthode simple qui permet de faciliter la communication avec une personne souffrant d’une perte auditive plus ou moins importante. Tout d’abord, pour mieux communiquer avec votre proche malentendant, n’engagez pas la conversation en dehors de sa vue, attirez son attention par un geste. Puis, parlez en face d’elle, sans tourner la tête et en la regardant dans les yeux. Ne cachez pas votre visage avec votre main et faites-en sorte qu’il soit éclairé. Diminuez votre débit de parole, parlez assez fort, mais de manière naturelle, surtout ne criez pas. Articulez sans pour cela exagérer le mouvement de vos lèvres et de votre visage et utilisez vos mains. Si votre interlocuteur ne vous comprend pas, essayez de reformuler vos phrases.

7. Est-il normal que votre proche semble se détacher de tout?

Quoi de plus déroutant que de voir son proche malade réagir de moins en moins à la présence des siens? C’est comme s’il donnait le sentiment de lâcher la rampe. La bonne attitude est de respecter cet état et d’éviter de le stimuler sans raison. Une présence silencieuse sera alors la plus appropriée. Vous pouvez aussi lui proposer des massages pour maintenir le contact le plus longtemps possible.

8. Comment lui faire prendre ses médicaments?

Pourquoi est-ce si compliqué d’aider un proche malade à suivre une prescription médicale? Pour tout un faisceau de raisons, qui relèvent d’abord des résistances de la personne sous traitement. Une personne atteinte d’une maladie longue ou chronique qui ne prend pas ses médicaments peut signifier, par là, qu’elle ne se reconnaît pas comme malade. Ou alors qu’elle se méfie des effets secondaires des médicaments, parfois à juste raison. Plusieurs études sur l’observance médicamenteuse ont montré l’importance que le patient et son proche aidant comprennent la pathologie, le rôle des médicaments et les modalités de prises. Le malade sera acteur de l’observance s’il collabore à la proposition thérapeutique que le médecin définit en fonction de son style de vie propre. Et si le proche aidant respecte sa manière de collaborer. Il ne veut pas prendre tous ses médicaments en même temps? Soit. Il faut donc trouver un système pour ne pas oublier de les prendre deux par deux toutes les deux heures, par exemple.

9. Comment apporter de l’aide sans donner l’impression de bousculer?

Accompagner un proche fragile signifie s’adapter à son rythme et non pas l’obliger à le mettre au sien. C’est ce qui rend la tâche si difficile, surtout quand on est pressé. Pour bien aider, il faut se souvenir que ne pas laisser l’autre, fragile, faire ce qu’il peut encore, c’est le priver de son propre désir. Cela équivaut à le ramener à une position d’enfant dépendant et à le maintenir sous emprise. Ce qui peut être vécu comme une violence. Si on ne peut s’empêcher de faire à sa place, il faut se demander si on n’est pas, inconsciemment, en train de régler des comptes avec lui. Et s’il ne vaudrait pas songer à déléguer….

10. Comment être sûr qu’il connaisse l’évolution de son état?

Si vous percevez un écart entre ce qui a été communiqué par les médecins sur l’évolution d’une maladie et ce que votre proche en dit lui, dans l’après-coup, tant pis. C’est que psychiquement, votre aidé ne peut pas faire autrement. En lui permettant d’arranger la réalité, de gommer ce qui fâche, vous l’aidez à se projeter dans le temps qui reste et à se maintenir parmi les vivants. Et c’est important. Dans son ouvrage, Rester vivant avec la maladie, (Editions Erès), le psychologue et psychanalyste Jérôme Alric explique qu’il n’est pas judicieux de forcer la vie psychique du malade vers le raisonné et le raisonnable sous peine de le conduire, indirectement, à une mort psychique avant l’heure. Par ailleurs, les malades savent généralement très bien ce qui se passe.

Article réalisé avec l’aide de la psychologue clinicienne Emilie Dumont et du médecin généraliste, spécialisé en gériatrie, Bruno Beauchamps.

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