Visite au cœur des EMS
On a tous une idée de ce que peut être – ou de ce que représente, si on en a franchi le seuil – un établissement médico-social (EMS) en Suisse romande. Au mieux, un logement pour très vieux avec des professionnels en blanc qui veillent quotidiennement sur eux. Au pire, une sorte de prison malodorante que l’on espère ne jamais devoir fréquenter un jour, comme proche ou, pis, comme pensionnaire. L’EMS, sa caricature plutôt, fait peur.
Aussi, quand notre chroniqueuse Martina Chyba a proposé de s’y rendre comme apprentie aide-soignante, la décision était vite prise: oui, évidemment! Les biais seraient multiples, personne n’était dupe: il existe autant d’EMS que de chemins pour s’y rendre, autant d’équipes que de directions pour les faire fonctionner. Et autant de pensionnaires que de chambres pour les abriter.
Oui, l’EMS fait peur, car il nous renvoie à la finitude de nos proches et à la nôtre. Il fait peur, car c’est souvent là que la maladie nous projette, avant notre dernier au revoir au monde. Il fait peur parce que l’on redoute la solitude et l’éloignement, l’oubli des nôtres, les puzzles que l’on ne parvient plus à faire et les repas à 18 h. Il fait peur parce que l’on a tous en tête ces cas de mauvais traitements, heureusement rares. À l’EMS, personne n’aime la pluie qui frappe la vitre quand Noël arrive et, surtout, quand Noël passe et que rien ne s’est passé.
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Respect pour les accompagnants des EMS, à qui l’on ne peut dire qu’un mot, quelles que soient la fonction et, parfois, l’immense fatigue qui va avec: merci”
Pourtant… Oui, pourtant, il faut changer notre regard! Il y a là des humains incroyables. Les pensionnaires, bien sûr, mais aussi tous les professionnels qui mettent toutes leurs compétences et tout leur cœur pour entourer, soigner, chérir et porter inlassablement ceux et celles que nous ne voyons plus, nous qui sommes en dehors. Un travail difficile, éprouvant, insupportable parfois, généreux assurément. Les appels au politique, du reste, ne manquent pas: plus de ressources, c’est urgent! Plus de considération, c’est impérieux ! Plus de salaire, c’est logique! On rêverait avec eux de faire entrer un peu plus du murmure des villes dans leurs murs ou la musique des campagnes dans leurs après-midi. Beaucoup de responsables et de collaborateurs et collaboratrices s’y emploient du reste aujourd’hui.
La visite de Martina Chyba n’a duré qu’un jour. Mais elle éclaire, dans sa dureté aussi, ce qui est à voir de nous-mêmes et que l’on doit continuer à aimer, sinon respecter: les nôtres, nos aînés, vulnérables, riches d’humanité. Dans les EMS, on rigole, on échange, on joue, on pense et on réfléchit le monde tel qu’il est et a été. On doit le même respect pour leurs accompagnants, à qui l’on ne peut dire qu’un mot, quelles que soient la fonction et, parfois, l’immense fatigue qui va avec: merci.
En 2022, 160'624 personnes résidaient dans un EMS en Suisse. La proportion des plus de 80 ans devrait doubler d’ici à 2040. Quelque 900 EMS supplémentaires devront donc être créés, avec en tout 50'000 nouvelles places.