Popcorn
La première fois que je me suis assise dans une salle de cinéma, petite fille, c’était pour voir Blanche-Neige et les sept nains. Combien de films ai-je vus depuis? Peut-être des milliers. Grâce au streaming, ce chiffre grimpe de façon vertigineuse depuis que je suis à la retraite. Je fréquente moins les salles obscures, où j’ai pourtant passé tant de moments. Ceux qui ont connu la calamité de l’entracte se souviennent des pauses désagréables qui interrompaient le film pour donner au projectionniste le temps de changer les bobines. Et puis il y avait la censure, si sévère qu’elle ferait hurler de rire les jeunes d’aujourd’hui. Mon pire souvenir d’adolescente, alors que je me réjouissais d’aller voir mon premier James Bond, c’est quand un agent de sécurité posté à l’entrée du cinéma m’a interdit d’entrer parce que je n’avais pas de pièce d’identité pour prouver que j’avais 16 ans révolus! Depuis, je me suis vengée. J’ai fait une orgie de films.
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Ah, ces ignorants qui ne respectent ni les règles de la bienséance ni le talent du cinéaste…”
Je reste émerveillée par la capacité des humains à inventer des histoires et, grâce au pouvoir de l’image, à créer des univers. Je me laisse volontiers embarquer dans des mondes fictifs, et pourtant rien ne me touche davantage que les reportages qui montrent la réalité de la vie. Les biopics figurent tout en bas de mon classement. Comment peut-on trouver intéressant de regarder une fausse Maria Callas, alors qu’il existe tant de documents d’archives autrement plus forts et émouvants sur la vraie Callas? Enfin, à chacun ses goûts. Et à propos de goût, impossible de ne pas évoquer le sujet qui fâche. De nombreux seniors cinéphiles considèrent le fait de manger des popcorn au cinéma comme un crime de lèse-majesté. Ah, ces ignorants qui ne respectent ni les règles de la bienséance ni le talent du cinéaste… Pas de chance, moi, le popcorn j’adore ça! Pour ne gêner personne, j’ai réussi à mettre au point une stratégie masticatoire qui empêche tout bruit de grésillement de parvenir à l’extérieur. Mais le plaisir est plus grand quand je peux piocher allégrement dans le bol géant et grignoter sans me soucier des autres spectateurs. A éviter lors de la projection d’un film dramatique. Pour un lâcher-prise sans complexe, il reste donc le choix entre les films violents, donc bruyants, et les comédies sans prétention. Je me tâte, mais je crois bien que je vais aller voir God Save the Tuche…
