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Opinion

Partout le plus vieux

Jean-François Duval, Journaliste et écrivain - lun. 01/07/2024 - 10:38
Les Fantaisies, la chronique de Jean-François Duval.
intergénérationnel balade sur les quais jeunesse nostalgie regard vers le passé
"Je suis le seul, l’unique sur ce quai à être aussi vieux!" © iStock

C’est un plaisir rare, que le passage des ans ne fera qu’augmenter. Je me promène sur les quais. Le temps est splendide, le ciel azuré, le lac d’argent, il y a foule. Je regarde les gens que je croise, qui me dépassent, qui me côtoient. 

Aucun doute, ils sont tous plus jeunes que moi! Je suis le seul, l’unique sur ce quai à être aussi vieux! Allez, j’essaie de repérer un autre vieillard. Il devrait au moins y en avoir un... Mais non. Je suis décidément le seul de mon espèce. Et plutôt content que toute cette jeunesse ne se retourne pas sur moi, ne note même pas ma présence, même si je suis ici une rareté. Ou bien ils sont polis, ou bien ils sont inattentifs, absorbés par leur univers propre. En somme, je suis un extraterrestre invisible à leurs yeux, mais bel et bien là, à déambuler sur le même quai, à longer la géniale nouvelle plage créée à Genève côté Eaux-Vives et Cologny.

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La vie – de simplement exister! – était alors le plus pur des bonheurs”

Jean-François Duval

Ils vont seuls, deux par deux ou en groupes. Des filles se baladent en string sur le quai, quasi nues, des mecs rivalisent de coolitude et de somptueuses baskets. Il y a quelques jeunes mamans, des gosses. On fait la queue pour se payer des ice-creams. Tous ces gens ont la vie devant eux. Merveilleux! Moi, mon regard est rétrospectif. 

Je n’en reviens pas qu’on puisse être aussi jeune! J’essaie de me souvenir des sentiments qui me gonflaient le cœur au même âge qu’eux. Par instants, par bouffées, cela me revient. La vie – de simplement exister! – était le plus pur des bonheurs. Je me demande si ce sentiment m’a déserté. Oui, sans doute un peu, beaucoup. Mais là, cette sensation, il ne tient qu’à moi de la réveiller, comme on goûte à une madeleine de Proust. Ce même soir, je me risque au cinéma (je n’y vais quasi plus). 

Me voilà à l’Arena, grand centre commercial avec des multisalles. Là aussi, je ne croise que des plus jeunes. C’est dit! C’est sûr! Désormais, presque où que j’aille, je serai le plus vieux! Cela me ravit. Je m’assieds dans l’obscurité. Je regarde La Planète des singes version 2024; j'étais jeune quand j'avais vu le premier volet en 1968, je me retrouve tout guilleret, revigoré à regarder la dernière mouture de cette saga. Mais quand la salle se rallume, je regarde autour de moi: oui, oui, je suis toujours le plus vieux. C’est bon de se sentir faire partie d’une certaine espèce.

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