
Elle est partout. Dans les prévisions météo, dans le traitement des maladies, dans la recherche scientifique, dans les voitures autonomes, dans les thermostats, dans les objets connectés, dans les traductions de langues étrangères, dans la cybersécurité, dans l’éducation, dans le marketing, dans les transports et dans les écoles… Et depuis sa récente démocratisation via ChatGPT, dans vos ordinateurs et téléphones portables! Imaginez donc une machine qui sait reproduire nos raisonnements ou résoudre des problèmes en avalant des quantités de données impressionnantes (les nôtres, avec tous leurs biais…) pour répondre à nos sollicitations. Mieux encore: imaginez cette même machine qui, au fur et à mesure de son fonctionnement, apprend et apprend encore pour gagner toujours plus en efficience. Faut-il s’en réjouir?
L’intelligence artificielle (IA) – qui du reste porte mal son nom, puisqu’elle ne fait que répéter ce qu’on lui a appris – est une technologie révolutionnaire qui suscite les pires craintes comme les espoirs les plus fous. À juste titre: l’autonomisation de certaines tâches pénibles via l’IA rime désormais avec la perte d’emplois, voire la disparition de compétences humaines. La création d’images ou de sons inédits, désormais accessibles à toutes et tous, frayent, sur le web, avec les pires mensonges vidéo, les fameux deepfakes, que seule l’intelligence artificielle a rendus crédibles.
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Il faut se forcer désormais à ouvrir les yeux: l’IA n’est qu’un outil qui peut – ou qui va – tomber entre de très mauvaises mains”
On continue? La qualité du diagnostic médical, pour le cancer du sein par exemple, est une prouesse qu’aucun médecin ne pourrait reproduire aujourd’hui. A contrario, la sélection des patients éligibles pour le même diagnostic se fera demain peut-être via l’intelligence artificielle et ses algorithmes, propriétés de sociétés à but très lucratif… comme c’est déjà le cas, du reste, avec les investissements massifs des géants d'internet, dont les profits ne font que commencer. Bref: l’IA saura donner l’alerte si vous tombez chez vous, mais pourra aussi restreindre vos mouvements ou vos accès aux soins si on le lui demande.
Au milieu de cette révolution copernicienne et du tremblement généralisé qu’elle provoque, il y a nous, petits usagers du web, globe-trotteurs des algorithmes et consommateurs aveugles. Avec l’IA, on rêverait de n’y voir que progrès et bénéfices.
Il faut se forcer désormais à ouvrir les yeux: l’IA n’est qu’un outil qui peut – ou qui va – tomber entre de très mauvaises mains. Ni ange, ni démon, elle n’a pas d’éthique et encore moins de conscience. C’est à nous, humains, consommateurs, travailleurs, patients, scientifiques, artistes ou industriels, de mesurer puis de contenir la bête que nous créons de toutes pièces, seconde après seconde. Il y va de notre liberté, de la protection de notre vie privée et, in fine, de notre dignité. Au boulot!