
Je tiens ici à remercier plusieurs lectrices – est-ce un hasard, il ne s’agissait point de lecteurs – qui ont interpellé ces derniers mois générations, par courrier ou même en direct, avec une remontrance parfaitement justifiée. Pourquoi, disaient-elles en substance, vos pages mettent-elles si souvent en avant des couples ou des familles, mais si rarement des personnes seules? Oui, pourquoi votre magazine ignore-t-il la vie des célibataires, sinon pour laisser entendre, par leur absence répétée, la prétendue tare qui leur serait associée? Ne seriez-vous pas, à votre insu ou non, les promoteurs d’un modèle domestique dominant, au détriment d’autres catégories tout aussi estimables et peut-être tout aussi épanouies? La question méritait d’être posée.
Eve, une Zurichoise de 78 ans, Maryelle, une Genevoise de 82 ans, et Emmanuel, un Neuchâtelois de 62 ans, prennent donc la parole aujourd’hui. Précisons toutefois qu’il n’a pas été facile d’en convaincre d’autres: les a priori sur la vie en célibataire ont la vie dure. Nos trois témoins vivent seuls et, comme ils le disent eux-mêmes, heureux. Tous célèbrent leur indépendance, leur autonomie et leur liberté qui, bien que parfois nées d’un deuil ou d’une séparation, sont devenues un choix pleinement assumé.
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Quelles que soient les raisons de leur situation, Eve, Maryelle et Emmanuel démontrent que leur modèle de vie existe et qu’il déconstruit les idées reçues”
Chacun cultive, à sa manière, un espace intérieur qui l'enrichit, mais reste ouvert aux autres. Aux amis, bien sûr, aux nièces et neveux, aux partenaires et collègues, mais aussi à ceux et celles qui ont besoin d’aide, via des activités bénévoles, par exemple. Leur mantra? Être bien avec soi-même pour être mieux avec les autres. Bien sûr, leur besoin, non d’amour – qu’ils trouvent souvent en le cherchant – mais de tendresse, quand la vie devient pesante, apparaît parfois. Quoi de plus naturel?
Quelles que soient les raisons de leur situation, Eve, Maryelle et Emmanuel démontrent que leur modèle de vie existe et qu’il déconstruit les idées reçues: le célibat peut être un véritable choix. D’ailleurs, les chiffres parlent d’eux-mêmes: les vies en solo sont en forte hausse en Suisse et, d’ici à 25 ans, représenteront près de 30% de la population.
Alors cessons de parler de vieux garçons ou de vieilles filles: les vieux seront ceux et celles qui persistent à croire que solitude rime avec malheur. Car, au fond, le bonheur, n’est-ce pas avant tout l’art d’être bien avec soi-même?