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Opinion

La vie en face

Ada Marra, Aumônière en formation - mar. 01/10/2024 - 16:49
Reprendre son souffle, la chronique d'Ada Marra.
Ada Marra (PS/VD) retraite politique reconversion aumônerie catholique hôpitaux
Au convivial Café de l'Europe, sous la gare de Lausanne, la socialiste témoigne de sa foi chrétienne. © Yves Leresche

Il y a bien eu des parents d’ami·e·s à moi qui ont eu recours à Exit. J’avais assisté à leur enterrement. Et je les avais visités avant dans la chapelle mortuaire. Mais il n’y avait déjà plus que leur corps comme seule présence.

Alors cela a été une «drôle» d’expérience d’aller dire A-Dieu une fin d’après-midi à ce Monsieur aux soins palliatifs qui allait rentrer chez lui le lendemain matin pour mourir avec Exit. Chacun devait retenir son émotion par respect pour celle de l’autre. L’émotion de la personne concernée qui, si sûre de son choix, arrivait à manier l’humour avec finesse, mais aussi pudeur. L’émotion de l’épouse présente qui allait et venait avec gravité en gérant les messages arrivant par dizaines sur son téléphone. Celle de l’aumônier que j’accompagnais ce jour-là, qui se devait simplement d’être là en humanité, jusqu’à la mienne qui n’ai pu que saisir sa main, la serrer fortement avec un immense sourire et les yeux humides lui souhaitant bon voyage.

Cette nuit-là, je me suis demandé comment lui et son épouse vivaient le tic-tac de l’horloge qui les amenait inexorablement vers la séparation.

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L’atmosphère n’était plus la même. J’avais l’impression que tout le monde chuchotait…”

Ada Marra

Le lendemain matin, le personnel soignant était venu le saluer. Médecins, infirmier·ère·s. Ensuite, il a quitté l’hôpital. L’atmosphère n’a plus été la même dans l’établissement… J’avais l’impression que tout le monde chuchotait… Et puis il y a eu cette rencontre avec la femme de ménage d’origine étrangère qui m’interpellait en essayant de comprendre ce qui venait de se passer. Qui pleurait son incompréhension et sûrement un peu de sa colère face à une procédure qui était inimaginable dans sa culture. 

Et je me suis rendu compte seulement à cet instant à quel point le recours à Exit – qui à force de parler de mort digne nous faisait oublier la brutalité du suicide tout court – pouvait être violent pour celles et ceux qui restent. Comment prendre soin des proches, que ceux-ci aient accepté ou non la décision de l’être aimé ? Comment prendre soin du personnel soignant ou du personnel des centres hospitaliers, qui parfois prennent de plein fouet cette ultime décision ? Il faut commencer par les écouter.

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