En deux mots: «Bienveillance»

Claudia Mélanjoie-dit-Savoie, Chroniqueuse et auteure - dim. 01/09/2024 - 13:55

En deux mots, la chronique de Claudia Mélanjoie-dit-Savoie.

Chronique Claudia Mélanjoie-dit-Savoie en deux mots Favre livre — «Zoé, ne confonds-tu pas bienveillance et laxisme?» (Image générée par l'IA* de Canva). © DR

À moins d’habiter dans une grotte, impossible de se soustraire à la sacro-sainte bienveillance. Vocable formulé à tort et à travers, au point qu’il pourrait s’apparenter à un mantra. D’après le média français Welcome to the jungle, « […] les articles qui décrivent la bienveillance en entreprise sont chaque année plus nombreux. Face à cette envolée, deux camps s’opposent: ceux qui prônent la bienveillance versus ceux qui nous expliquent que ce n’est que pur bullshit.» Comprenez des «sottises», si on veut rester poli. Et si on ne veut pas: des grosses conneries.

Définition de bienveillance, sacré mot de l’année 2018 par Le Robert: «Disposition favorable à l’égard de quelqu’un.» Et l’Académie française de préciser, dans la 9e édition de son dictionnaire: «(souvent d’un rang ou d’un âge moindre)». De la 6e à la 8e édition, on peut lire notamment: «Il se dit surtout du supérieur à l’égard de l’inférieur.» Dans les éditions précédentes, l’Académie était plus radicale: «Il ne se dit que du supérieur à l’égard de l’inférieur.» Tout est dit. J’aimerais ajouter qu’on ne devrait pas avoir besoin de se servir du terme bienveillance à tout-va si on adoptait sincèrement l’attitude qu’il décrit (celle relative à la disposition favorable et non celle afférente à la condescendance).

C’est la réflexion que j’ai eue récemment quand Zoé, 2 ans, a prononcé le mot bienveillant d’un air espiègle, après une diatribe de ses parents contre leur garagiste. Je me permets de lui dire que l’efficacité est une qualité qui devrait passer avant la bienveillance dans certains cas: «Zoé, ne confonds-tu pas bienveillance et laxisme?» La petite ne me suit pas sur ce terrain, ce qu’elle me signifie via l’adverbe de négation «non». Point de vue que je respecte. Vous avez remarqué que cette formule est souvent agrémentée d’un sourire? Sourire qui me fait penser au film de science-fiction Et l’homme créa la femme (2004), nouvelle version de la satire Les Femmes de Stepford.

Même si la bienveillance n’est – de loin – pas le thème de ce film, les sourires factices permanents des protagonistes me rappellent ceux qui soulignent le mot bienveillance lorsqu’il est énoncé. Proprement terrifiants. Comme ce mot supposé rassurer et qui, personnellement, me glace le sang.

* Le magazine générations ne recourt à l'intelligence artificielle (IA) que pour l'illustration de cette rubrique, et à titre exploratoire.