Coûts de la santé: une plaie douloureuse

Jamais autant de propositions, des plus extrêmes aux plus disruptives, n’ont été jetées sur la grande piste — désespérément circulaire — des coûts de la santé. Ablation de l’assurance obligatoire, gel ou plafonnement des primes, frein aux réserves, matraquage du libre choix ou harponnage des mauvais joueurs, les idées fleurissent tous azimuts, en particulier chez ces politiciens et politiciennes qui se sentent monter des humeurs de guérisseur à l’approche des élections fédérales. Une saignée, et vite ! Il faut dire que le peuple, lui, n’en peut plus: les hausses successives des primes maladie ravinent année après année et avec constance les plaies douloureuses d’un corps que plus personne ne semble savoir — ou pouvoir — soigner.
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Dans ce tohu bohu inquiétant, comment s’y retrouver? Comment penser sereinement autrement, alors que les factures s’empilent sur la table et que, bientôt, davantage de Suisses ne pourront plus payer? Ou alors, à l’inverse, comment se priver d’un coûteux check up alors que la franchise est enfin avalée? Oui, comment ne pas être envoûté par les pouvoirs du médecin et de la médecine qui, seuls, semblent pouvoir encore nous sauver de notre propre finitude?
Au grand cirque du système de soins, nous ne sommes pas au premier rang”
Au grand cirque du système de soins, nous ne sommes pas aux premiers rangs. Ils sont occupés depuis longtemps par d’autres fessiers, ceux des assureurs, des médecins, des élus, des faitières, des pharmas, des lobbys et autres régulateurs, impuissants à s’entendre pour faire cesser un spectacle qui les empâte à l’envi. La santé rapporte. Nous, nous ne sommes pas au premier rang. Mais nous encombrons pourtant les dernières travées en espérant voir mieux… un jour.
Est-ce désespéré? Tout dépendra de nous, de nous tous. Une petite voix s’élève qui redonne un brin d’espoir, pour autant qu’on veuille l’entendre. C’est celle de Bertrand Kiefer, le président de la Revue médicale suisse*, qui s’échine à crier depuis longtemps comme un philosophe dans son désert. Il dit: «Nous sommes confrontés à des choix fondamentaux. Voulons-nous sortir de l’imaginaire de la performance et du toujours plus? Ou alors rester jusqu’à ses ultimes conséquences? L’urgence, certes, est de maîtriser les coûts de la santé. Mais quelles que soient les mesures techniques organisationnelles prises, si elles ne sont pas accompagnées d’un changement d’état d’esprit, c’est-à-dire d’une philosophie nouvelle, elles ne serviront à rien sinon à augmenter les iniquités et les effets secondaires sociaux.»
Philosophie nouvelle: penser autrement, penser solidaire, penser décroissance. Un programme purgatif indispensable que les nouveaux élus devront composer d’urgence avec leurs partenaires avant que le système ne les étouffe — et nous avec.
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* L'article «L'impossible système de santé», in Revue médicale suisse no 841, septembre 2023.