publicité
Opinion

Clarine ou toupin?

Isabelle Guisan, Journaliste - mer. 01/11/2023 - 08:57
Corps et âme, la chronique d'Isabelle Guisan.
Désalpe vaches Suisse poya
"Le cortège des vaches s'étire, son rythme est sans âge." © iStock

A la fin de septembre déjà, les désalpes faisaient tinter leurs sonnailles. Contemplé «en vrai» en automne 2023, le spectacle a tout du tableau d’une poya traditionnelle. Le cortège des vaches s'étire sur un sentier d'alpage en pente douce, son rythme est sans âge. Les cloches se balancent en scintillant au cou des bêtes coiffées de fleurs, résonnent contre la montagne et tintent encore faiblement au creux de la vallée.

Je croise ce matin-là sur une petite route de l’Oberland bernois ma première désalpe de la journée. Je peine d’abord à comprendre — pas seulement à cause du dialecte! — ce que le berger qui apparaît avec les premières vaches me crie depuis la route, en brandissant son bâton. Il m’enjoint de me placer devant ma voiture arrêtée sur le bas-côté pour la protéger des génisses. J’obtempère, ravie des sourires et des saluts échangés avec les femmes et les hommes qui accompagnent le troupeau. Ah, ça fait du bien, cette amitié alpestre, nous appartenons quand même au même pays.

publicité

Ah, ça fait du bien, cette amitié alpestre, nous appartenons quand même au même pays”

Isabelle Guisan chronique générations Corps et âme
Isabelle Guisan

Il a suffi d’une consigne et de quelques bonjours, déjà ma «posture» dirait-on aujourd'hui, s’humanise face à des paysans de montagne bernois que, c’est vrai, je ne croise pas tous les jours. Mon sentiment de communion tout neuf se renforce en traversant deux autres désalpes, ce jour-là. Et quel attendrissement devant un veau né le matin même et ses premières gambades hésitantes dans un pré. Mes compagnons de marche partagent ma béatitude, nous échangeons nos souvenirs de lait tiède et mousseux bu autrefois à l'étable, tiré directement du pis.

Ces émotions, je les protège au retour avec un brin d’ironie. Ma naïveté de citadine devenue quasi végétarienne qui redécouvre — une fois de plus — la force des coutumes montagnardes, l'amour des bêtes dont on tire sa subsistance. Mon plaisir à apprendre — il n’est jamais trop tard — que les vaches ne portent leurs grosses cloches que pour l’occasion. Le reste de la saison, ces dames attendent, suspendues en rang serré sous le faîte du chalet d'alpage.

Me manquent encore quelques éléments de vocabulaire, en français. Comment on les appelle, ces cloches-là, clarine, toupin ou bien…? 

En lecture
Clarine ou toupin?
publicité