Choisir le cadre

Dans un premier temps, cette chronique devait accueillir un flot d’indignation. Je revenais d’une visite pénible dans un musée bâlois réputé que les Romands amateurs d’expositions prestigieuses fréquentent volontiers. Je tempêtais, dans le premier jet, au nom des hordes de visiteurs comprimées dans les salles. Ils étaient pour la plupart des vieilles et des vieux comme moi, contraints de payer 30 francs sans réduction AVS pour tendre le cou sans rien voir des œuvres exposées.
Quelques jours plus tard, arrive dans ma boîte aux lettres l’hebdomadaire gratuit publié par notre chaîne de supermarchés préférée. Chaque semaine, j’ouvre à contrecœur ce magazine bourré de pub et y trouve souvent un article à lire. Dans le numéro de fin janvier, une double page donne la parole à la médiatrice en cheffe du musée d’art contemporain dont le géant orange s’enorgueillit à Zurich. Deux phrases mises en évidence doivent nous stimuler: «Une visite au musée peut produire un apaisement, un ralentissement. C’est comme un petit voyage.»
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Les grand-messes orchestrées autour de vedettes de l’histoire de l’art ne sont pas pour moi”
Je m’étais déjà calmée. Je parcours donc l’entretien qui nous invite à partir à la découverte de l’art. Le magazine fait son boulot, tout sera merveilleux, vous verrez, n’ayez crainte. Me revient alors le souvenir d’une magnifique exposition contemplée il y a déjà longtemps là-bas, dans ce musée. La rencontre avec l’œuvre d’un artiste vidéo nordique avait été saisissante.
Une série de petits miracles semblables remontent dans ma mémoire. Des salles parcourues à mon rythme, en m’attardant devant une œuvre, puis une autre, en y revenant et en partageant mon plaisir à voix basse. Des expositions parfois confidentielles, mais pas toujours, gravées profond.
J’aurais dû sentir, avant de partir pour Bâle, que les grand-messes orchestrées autour de vedettes de l’histoire de l’art ne sont pas pour moi. Je le sais depuis longtemps. Alors, pourquoi est-ce que je me laisse parfois encore aimanter, à mon âge avancé, par ce type d’offre culturelle? Comme s’il me fallait, dans ce domaine comme dans tant d’autres, des piqûres de rappel. Apprendre encore et encore à… Non, non, pas à renoncer! À mieux choisir ce qui me convient.