Ces merveilleux spectateurs

– «Je veux pas vous déranger, mais je voulais juste vous dire merci beaucoup pour ce bon moment!»
– «Me déranger? Mais pas du tout, pas du tout ! Merci à vous!»
Je me dis que je suis surtout bien chanceuse parce qu’ils sont rares, les métiers où on vous remercie pour ce que vous faites. C’est très dommage, d’ailleurs.
On devrait écrire à l’électricien, pas pour contester sa facture ou pour se plaindre, non, lui écrire pour lui dire qu’il a vraiment d’excellentes prises et si bien posées; et au boucher pour le féliciter de la maturation de ses entrecôtes. On devrait envoyer des fleurs à la pâtissière pour la remercier de toutes ses douceurs, ou encenser le postier pour son jeter de courrier, le livreur pour son porter de colis. Dire son admiration à sa podologue pour la parfaite tenue de ses ciseaux, à la coiffeuse pour le subtil parfum de ses shampoings, ou à la serveuse pour son porter de plateau.
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Tant pis, je m’en fiche, j’ai pris le compliment”
Parce que moi, contrairement à tous ces gens, je ne travaille même pas: je joue! Oui, je joue! Et en plus, quand j’ai fini de jouer, y’a des spectateurs qui tapent dans les mains pour dire qu’ils sont contents et, parfois, y’a un André qui m’offre des gâteaux aux noix, une Svetlana qui attend au bar du théâtre avec une rose et un sublime panettone, une dame qui me donne un livre avec un petit mot – «J’ai tellement pensé à vous en le lisant» – ou encore un monsieur à Porrentruy qui aimerait me commander un sketch personnalisé pour le jour de son enterrement, parce que «ça ferait tellement plaisir à ceux qui viendront».
Bon, je me souviens aussi du spectateur de Neuchâtel qui tenait à me dire qu’il m’avait trouvé tellement mignonne dans Jeux interdits. Il m’a confondue avec Brigitte Fossey, qui est quand même beaucoup plus vieille que moi. Tant pis, je m’en fiche, j’ai pris le compliment.
Et vous savez, parfois, il y a même un monsieur ou une dame qui m’attend pour me dire: «J’aime bien vous lire dans générations.» Alors, j’en profite pour vous le dire ici: ça fait rudement plaisir. MERCI!