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Opinion

Adieu et retrouvailles

Isabelle Guisan, Journaliste - mer. 01/01/2025 - 09:16
Corps et âme, la chronique d'Isabelle Guisan.
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Qui aura le courage de se lancer sur des trottoirs enneigés pour assister à cet enterrement? © iStock

La neige tombe, les flocons sont de plus en plus épais. Qui aura le courage de se lancer sur des trottoirs enneigés pour assister à cet enterrement? Eh bien l’église est comble. Des sourires s’échangent d’un banc à l’autre, la sexagénaire qui vient de décéder entretenait de très nombreux liens d’amour, d’amitié, de connivence. Le constater à peine la porte franchie fait chaud au cœur. 

Son mari lui rend un hommage magnifique de sincérité. Le prêtre, lui, revient à plusieurs reprises sur un concept qui lui tient visiblement à cœur, la «sclérocardie». Le terme venu du grec, utilisé dans la Bible, dit la dureté du cœur. Tout le contraire de notre amie, qui irradiait l’ouverture à l’autre. Elle qui a gardé, tout au long de sa pénible maladie, sourire et foi inébranlables. 

La foi religieuse n’est pas ce qui m’anime. Me lever et me rasseoir plusieurs fois au cours de la cérémonie me semble fastidieux. Mais réfléchir à ce mot, sclérocardie, m’absorbe. Où en est donc mon cœur? Où en sommes-nous toutes et tous, collectivement? 

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Je repars patauger dans la neige fondue, le cœur réchauffé, mais inquiète...”

Isabelle Guisan

À la fin du service, nous nous retrouvons sous le porche enneigé pour attendre et accompagner du regard le cercueil qui va emmener notre amie vers l’incinération. Les retrouvailles entre amis et anciens collègues reprennent, avec force bises, accolades, exclamations – «tu n’as pas changé!». Une vingtaine de personnes me sont familières, la plupart à la retraite, certaines restées proches de la défunte. 

Le cercueil parti, nous discutons et rions autour d’une collation, tandis que son mari va et vient. Des photos sur un chevalet nous rappellent celle qui manque, mais n’est pas oubliée. C’est elle qui nous réunit, nous qui nous revoyons avec grand plaisir. 

Je peine à retrouver certains prénoms, vacille devant l’évocation de moments partagés il y a plus de dix ans. Le son de la voix et le rire de la défunte sont là, intacts, mais d’autres ont disparu au fond de ma mémoire. Je repars patauger dans la neige fondue, le cœur réchauffé, mais inquiète, comme souvent, d’avoir oublié sans m’en rendre compte des échanges peut-être précieux. 

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