Sophie Lavaud, l’envers du décor du «dernier sommet»
Début 2023, lorsque nous l’avions interviewée dans générations, Sophie Lavaud avait encore deux des quatorze 8000 mètres à gravir pour terminer sa quête de grandeur, commencée en 2012. Elle nous avait raconté dans quel état d’esprit elle s’élançait à la conquête des plus hautes cimes du monde. Pour goûter encore et encore à l’ivresse des altitudes extrêmes, mais sans chercher à accomplir des performances. Et en se fichant bien d’être snobée par les himalayistes puristes, qui grimpent sans l’aide de sherpas et sans oxygène. «Je mise sur la sécurité avant tout. Je m’entoure de gens compétents pour l’organisation du voyage, je m’équipe le mieux possible, je prends l’avis de mon météorologue avant chaque décision. Je reste humble face à ces grandes montagnes. Ce qui m’importe, c’est d’en redescendre vivante et en bonne santé avec mes dix doigts et mes dix orteils. La notion de plaisir reste importante», nous avait-elle confié.
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Le 26 juin 2023, à 54 ans, Sophie Lavaud est partie à l’assaut de son dernier 8000 m, le Nanga Parbat (8126m), situé au Pakistan, et surnommé, à cause de ses pentes intensément escarpées, la montagne tueuse. L’alpiniste et réalisateur François Damilano l’accompagnait. Tentant, camp 2 après camp 1, approche de sommet après arrimage d’une tente sur une crête enneigée, de capter au plus près les émotions de Sophie Lavaud.
On la découvre donc dans les moments de doute – faut-il ou non profiter de la fenêtre d’accalmie annoncée par son météorologue? - on la voit dans des moments de détente en sirotant un thé confectionné avec de la neige fondue; on l’entend hurler de découragement face à une paroi abrupte à plus de 5000 mètres: «On ne peut pas m’aider au lieu de filmer? Bordel! Franchement cela n’est pas cool»; on la suit, mince silhouette orange persévérer le souffle court.
Et en l’observant en train de cogiter, on mesure la force mentale que cela suppose que d’embarquer avec soi une dizaine de personnes pour affronter le monstre de pierres. Et pour le conquérir malgré les difficultés. Le film de François Damilano a ce mérite de montrer que les toits du monde n’appartiennent pas qu’aux casse-cou. Aussi aux alpinistes pragmatiques et raisonnables qui savent mesurer leurs prises de risques. Une fois encore, Sophie Lavaud est revenue avec tous ses doigts et ses orteils.
*Sophie Lavaud, le dernier sommet, de François Damilano, à la demande sur myCanal.