Les enjeux de la votation fédérale sur la LPP
La population suisse s’est fait une raison: une réforme de la prévoyance professionnelle (LPP) est nécessaire. Mais rien ne dit que celle proposée par le Conseil fédéral, le 17 mars 2023, trouvera grâce aux yeux des Suisses et des Suissesses. Tel est le pari de la gauche et des syndicats, qui ont lancé avec succès un référendum pour s’y opposer. Le peuple aura le dernier mot le 22 septembre.
À première vue, cette réforme semble inévitable. Elle prévoit un abaissement du taux de conversion, de 6,8% à 6%, présenté comme nécessaire en raison de l'augmentation de l’espérance de vie et de la faiblesse des rendements des caisses de pension. Le capital constitué par un rentier durant son activité professionnelle aboutira donc à une rente plus petite. Pour 100'000 francs d’avoir de vieillesse épargnés, par exemple, il ne resterait plus que 6000 francs de rente au lieu des 6800 d’origine.
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Guerre des femmes
Pour faire avaler l’amère pilule de la réforme, la cheffe du Département fédéral de l’intérieur, la socialiste Elisabeth Baume-Schneider, affirme que la réforme de la LPP améliorera la couverture des bas salaires et des femmes.
Dans le détail, la moitié des personnes assurées bénéficieront d’une compensation de rentes, durant une période transitoire de 15 ans. Le seuil d’accès au 2e pilier sera abaissé, ce qui permettra à 100'000 personnes d’être nouvellement ou mieux assurées, principalement des personnes travaillant à temps partiel.
Alors pourquoi la gauche et les syndicats s’opposent-ils à cette refonte? «Une arnaque», juge Syna, un syndicat interprofessionnel suisse, actif sur le plan national dans les branches et métiers de l’artisanat, de l’industrie et des services. «Pour chaque franc qui serait cotisé à l’avenir, la retraite garantie serait inférieure à celle d’aujourd’hui. Les cotisations salariales de nombreuses femmes augmenteraient immédiatement. Seule une minorité d’entre elles bénéficieraient d’une possible petite amélioration de leur retraite, et ce dans une vingtaine d’années au plus tôt.»
Du côté du parti socialiste (PS), un même vent de révolte souffle: «En raison de la baisse du taux de conversion, les rentes perdraient jusqu’à 12% par an, explique Clément Borgeaud, porte-parole. À titre d’exemple, 80% des coiffeuses de plus de 50 ans subiraient une baisse de rente en devant payer plus.»
Pour l’Union syndicale suisse (USS), le jeu n’en vaut pas la chandelle: «Même si les rentes vont un peu augmenter pour les bas salaires, elles resteront très modestes, et cela leur coûtera très cher en cotisations salariales durant la vie active», avertit Gabriela Medici, secrétaire centrale de l’USS, responsable du domaine des assurances sociales. «Et les personnes aux salaires modestes qui ont 50 ans et plus aujourd’hui ne verront, elles, pas d’amélioration. Quant aux salaires médians, entre 5000 francs et 7000 francs, leurs cotisations vont fortement augmenter, alors que leurs rentes baisseront. Ce sont les grands perdants de cette réforme.»
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