Manuella Maury: «Il faut venir à Mase pour écrire!

Le festival destiné à la correspondance, à Mase (VS), va donc vivre sa 7e édition… Comment a-t-il démarré?
Tout est parti d’un fil de soie, des lettres entre mon père et moi. C’était, en 2003, j’avais 35 ans et lui 70 ans. Le Temps m’avait invitée à écrire des chroniques d’été. L’idée d’échanger sur nos enfances respectives s’est alors imposée dans une forme de correspondance écrite. Il voulait témoigner d’une enfance disparue dont il voulait que je me souvienne. Je voulais lui raconter ma peine à trouver ma place dans un monde en accélération. Ce fut une expérience incroyable. Ces publications ont suscité énormément d’émotion et de courriers. Ils étaient nombreux ceux qui voulaient voir mon père. Il n’y avait pas de coquetterie chez lui.
Cette correspondance a-t-elle changé votre lien?
Oui, pour toujours. En 2009, le bistrot de ma grand-maman, puis de mes parents et, enfin, de ma sœur, allait mal. Un drame pour mon père qui a repris les affaires et s’est acharné à le garder ouvert. Il voulait aussi, pour moi, que j’aie un lieu pour me réfugier. Il avait pensé à un petit raccard, qui serait devenu mon lieu d’écriture. Quand il est tombé malade, je suis revenue au village avec l’obsession de faire en sorte que le Restaurant survive. Et, c’est à sa mort, en 2016, que j’ai eu envie de rendre hommage à ce geste épistolaire qui nous avait gardé uni lui et moi. Je voulais faire ricocher cette idée autour de moi. Le Festival a pris le nom de notre livre publié chez In Folio, Lettres de soie. Et sept ans plus tard, avec ma bande de timbrés, nous sommes toujours là.
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Nous pouvons tous être des passeurs de lumière, de sens, de vie, d’expérience…”

Le succès a été immédiat?
On attendait quelques centaines de personnes et plus de 2000 sont venues! Les gens, je crois, ont trouvé du sens à Mase. Depuis, le Festival a lieu tous les deux ans, mais toute l’année des coins d’écriture avec du papier, des enveloppes, de boîtes aux lettres sont à disposition. Et des expos aussi. Les recoins du village invitent les flâneurs à prendre le temps d’écrire ou juste d’y penser. Ce sont près de 80 bénévoles, mais aussi un comité complètement bénévole. Jusqu’ici, le Festival est entièrement gratuit. L’ensemble de nos fonds vont aux artistes. Il y a parfois de l’épuisement dans cette quête d’argent permanente. Mais nous avons de forts soutiens. Et, surtout, tout un village derrière nous.
Vous êtes donc une vraie passeuse…
J’aimerais l’être le plus possible. L’arrivée dans ma vie d’un fils de cœur migrant, Mahdi, qui a vécu la violence du passage et qui nous donne, aujourd’hui, tellement d’espoir et d’énergie, m’encourage encore davantage. Nous pouvons tous être des passeurs de lumière, de sens, de vie, d’expérience…
Que se passera-t-il à Mase?
Il faut venir pour écrire! C’est un village dédié à ce geste manuscrit qui fait lien justement. Avant même les spectacles, les expos et les rencontres prévues sur trois jours, il y a simplement des lieux à visiter, des coins et des alcôves où l’on peut s’adresser à ses proches ou ses lointains. Des centaines de lettres partent de chez nous chaque année…
générations vous invite à la Foire du Valais le 2 octobre prochain. Ce sera dans le même esprit?
Oui, avec des amis et la famille! Pascal Auberson, Sara Oswald, cette magnifique violoncelliste des montagnes, Marie-Laure, ma cousine de la DDC, Gilles, mon ami œnologue, Madhi, mon fils de cœur… La liste est longue!
Vous parlerez aussi de votre prochain livre, Lettres aux Amazones?
Bien sûr! Un livre collectif chez Hélis Hélas, allez, je vous fais envie: en 2013, une immense vague a enseveli la Suisse. Sortie de l’imagination de Stéphane Bovon. L’eau est montée à 1000 mètres et Mase est devenue une île. A partir de 2080, des milliers de bouteilles jetées à la mer déboulent sur les plages avec des lettres à l’intérieur… Je vous attends pour vous raconter la suite!