La BD mène à tout
L’intranquille Monsieur Pessoa
Un très joli album, vraiment, qui revient sur les derniers jours de Fernando Pessoa, immense écrivain et poète portugais, décédé en 1935 à l’âge de 46 ans. Pas gai, me direz-vous, en découvrant les premières pages et le diagnostic médical catégorique. A force d’abus, le foie de ce génie de la littérature va l’envoyer ad patres. Un jeune journaliste est chargé de rédiger en avance sa nécrologie. On suit son travail dans cet album dont les dessins rendent un bel hommage à Pessoa, avec des couleurs et des anecdotes pleines de poésie. Une réussite.
L'intranquille Monsieur Pessoa, Editions Dargaud
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Les évasions perdues
On connaissait les histoires de père enrôlés de force dans la SS au simple prétexte qu’ils étaient alsaciens. L’affaire contée ici est tout aussi édifiante. C’est Thomas Legrand, au scénario, qui évoque la destinée de son père Marcel emprisonné au stalag I-A après la déroute de 1940. Un camp particulier où les Allemands, avec la bénédiction de Vichy, avaient placé les aspirants-officiers français susceptibles de participer à la « Nouvelle Europe » dessinée par Hitler et sa clique de fous. Pour nombre de ces jeunes hommes est venu s’ajouter la honte de la collaboration à celle de la défaite, le sentiment d’avoir été trahis deux fois. A lire.
Gunthrie
Le dessin un peu naïf contraste avec l’âpreté de l’histoire. On est plus proche de l’univers d’Impitoyable que de Bonanza. Après la mort de son père – un vrai salaud qui battait sa famille et a fini par la quitter – le jeune Gunthrie décide de fuir la ferme et de rendre, malgré tout, un dernier hommage à son paternel, officiellement scalpé par les Sioux. Il ira déposer le fusil du vieux dans son cercueil. Mais voilà, des individus sans pitié cherchent à récupérer l’arme et le mort ne l’est peut-être pas tant que ça. Heureusement pour Gunthrie, sa petite sœur veille sur lui.
Dirty Rose
Tous les amoureux de l’Ouest américain, de ces longues routes désertiques et de ces petites villes perdues, tomberont sous le charme de cet album et de cette histoire. A peine arrivé dans le Wyoming, un jeune flic est envoyé chez Rose qui vit dans un mobile home déglingué. Une marginale qui ne respecte pas les règles, aime l’alcool, les hommes et tous les excès. Bref, toute la communauté aimerait la voir partir. Mais pas Tom qui va prendre sa défense. Au passage, on adore les aquarelles de Benoît Blary qui transportent véritablement le lecteur dans ce patelin aux allures fantomatiques.
Pillow Man
Le meilleur pour la fin ? En tout cas, une très jolie surprise que cet album au titre anglais, qu’on peut traduire en français par l’homme oreiller. Jean est chauffeur routier au chômage, il a 40 ans, une copine, une surcharge pondérale et est insomniaque. Il répond toutefois à une nouvelle annonce publiée sur internet. En guise d’entretien d’embauche, l’employeuse lui demande de s’allonger sur une méridienne, vient se coucher sur lui et teste son moelleux. Est-il confortable ? Oui, il peut commencer une carrière en passant des nuits avec de riches insomniaques qui parviennent ainsi à dormir. Mais quand la copine de Jean va apprendre la réalité de son job, le choc est là brutal. Histoire farfelue, certes, mais pleine d’humanité et d’humour, parfois teinté de cynisme. Une lecture vraiment réjouissante.