Non, la sexualité n’a pas d’âge limite!

Avec les années, les performances diminuent, certes. Mais ce n’est pas une raison pour renoncer à une vie intime, plus sereine et souvent plus épanouie. © Shutterstock
La vie sexuelle ne s’arrête pas après la quarantaine, elle est même souvent meilleure l’âge avançant. D’ailleurs, faire l’amour, c’est bon pour la santé, même au-delà de 80 ans.
«Il persiste un tabou autour de la sexualité des plus de 50 ans, note le sexologue genevois Francesco Bianchi-Demicheli. Tout comme l’enfant n’aime pas voir des gestes amoureux entre ses parents, évoquer la relation intime de couples plus âgés est perçu comme gênant, voire anormal par des adultes aussi. Cela les renvoie justement à la sexualité de leurs propres parents. De plus, dans notre société, le sexe reste synonyme de beauté, de passion, de jeunesse, malgré le vieillissement de la population et une longévité accrue», ajoute le médecin, responsable de la Consultation de gynécologie psychosomatique et de médecine sexuelle aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG).
Par chance, cette tendance au jeunisme n’a pas d’influence sur la vie sexuelle des personnes plus ou moins âgées. Plusieurs études ont ainsi montré qu’ils sont nombreux à rester sexuellement actifs et intéressés par une vie intime, au-delà de 80 ans même.
L’amour, bon pour la santé
Autre bonne nouvelle: faire l’amour, c’est sain à tout âge! Une vie intime régulière offre ainsi une meilleure santé, un plus grand bien-être et une espérance de vie accrue. De nombreuses études le montrent. Les relations sexuelles régulières renforcent par exemple le système immunitaire, protégeant des infections et des maladies. Et le sexe soulage la douleur, parce que le corps se détend et que, durant l’orgasme, l’organisme accroît le niveau d'endorphines, l’hormone du bien-être.
Le plaisir aide aussi à combattre la dépression: en général, les gens ayant des orgasmes réguliers sont plus relaxés, moins déprimés, plus satisfaits physiquement et émotionnellement. Par ailleurs, les relations intimes facilitent le sommeil et le relâchement de la tension nerveuse. Et cette liste n’est pas exhaustive.
L’évolution de la sexualité
Inversement, vivre sainement préserve et allonge la santé sexuelle. Notamment grâce à une alimentation équilibrée, la pratique ou la reprise (à tout âge) d’une activité physique régulière (ce qui réduit en particulier les risques d’obésité et de maladies cardio-vasculaires, causes fréquentes de troubles sexuels).
Enfin, plus on s’adonne au plaisir durant sa jeunesse, plus on le fera plus tard. A l’inverse, des personnes peu intéressées par le sexe à 30 ans ne le seront probablement pas davantage à l’âge de la retraite.
«Avec le temps, les pratiques sexuelles prennent d’autres formes, souvent plus sereines et apportant une plus grande satisfaction, notamment parce qu’on connaît mieux son corps et ses réactions, ses envies, ainsi que son partenaire, constate le Dr Bianchi-Demicheli, coauteur de deux guides pratiques* sur la sexualité féminine et masculine et leurs troubles.. Et aussi parce que la sexualité est moins empreinte de l’obsession de la performance: par exemple qu’il faut à tout prix atteindre l’orgasme et le faire atteindre au partenaire, ou qu’un rapport sexuel sans véritable érection et pénétration ne peut être satisfaisant. Lorsque des problèmes de santé ne permettent plus de véritables rapports intimes, la sexualité du couple peut toujours se jouer à travers le toucher, la tendresse, la complicité.»
Une sexualité plus sereine et épanouie
Paul et Thérèse (prénoms d’emprunt), âgés de 64 et 48 ans respectivement sont très satisfaits de leur vie de couple: «Nous vivons notre sexualité avec plus de conscience et moins de tabous et partageons plus d'expériences et de plaisirs que lorsque nous étions plus jeunes.» Et Thérèse de souligner: «Ma sexualité est beaucoup plus épanouie et complète maintenant.» Et cela malgré les effets de l’âge que vit son partenaire: «Je n’ai plus la même forme et ne peux plus faire l’amour deux fois par jour, chaque jour, et il m’arrive d’avoir des pannes d’érection, raconte Paul. C’était plus difficile à vivre pour Thérèse au début que pour moi-même. Elle se sentait responsable, moins désirable. Et du coup, je me sentais mal. Mais grâce à un travail sur nous-mêmes, nous avons réussi à dédramatiser la situation.»
Stephen Vasey, thérapeute de couple constate cette évolution vers la recherche d’une sexualité de qualité dans son cabinet à Lausanne: «Beaucoup de gens de plus de 50 ans, des femmes surtout, aspirent à une autre forme de relation, au-delà de la performance, une vie intime beaucoup plus tranquille en apparence, mais qui est surtout plus profonde. Plus libérées que leurs mères, elles n’ont plus envie d’un homme qui trop souvent encore veut juste tirer un coup – et, au-delà du cliché, il en existe un certain nombre», remarque Stephen Vasey.
Ce fut d’ailleurs le cas de Thérèse qui, avant de rencontrer Paul, a mis fin à une longue relation parce qu’elle n’y trouvait plus son compte sur le plan sexuel.
«Les hommes ont souvent plus de peine à accepter les signes de l’âge, note encore Stephen Vasey. Lorsqu’ils ne peuvent plus avoir d’érection, ils peuvent se sentir des sous-hommes. J’ai 60 ans et des érections plus fragiles, nous confie-t-il. Mais au lieu de vouloir y arriver à tout prix, j’ai appris à me relaxer, avec une qualité de présence incomparable qui mène vers une sexualité beaucoup plus calme, mais aussi plus bouleversante.»
Se laisser aller
C’est cela qu’il enseigne dans son livre Laisser faire l’amour*, et dans des séminaires: une sorte d’éloge de la lenteur et de la relaxation. «Au début, beaucoup d’hommes ne se sentent pas à l’aise, trop habitués à prendre les rênes et à s’exciter le plus vite possible. Mais ensuite, ils apprécient de n’avoir pas cette obligation d’agir ni de prendre l’initiative et d’avoir une érection leur permet de se détendre profondément. Etre présents à ce qui se passe dans leur corps et celui de la partenaire, sans réfléchir, peut d’ailleurs mener à une érection et à un orgasme mémorables.»
Une philosophie de l’amour qu’apprécient Paul et Thérèse, qui ont suivi un séminaire: «Nous avons appris à nous ouvrir à l'autre en confiance, à lâcher les peurs et les masques, sans attentes. Cela nous a permis de découvrir qu'on peut faire l'amour en ayant de multiples sensations, sans partir de l'excitation et sans but.»
Ellen Weigand
*Laisser faire l’amour. Un chemin surprenant vers la lenteur sexuelle, Stephen Vasey, Ed. Love of the Path, Lausanne, 28 fr.
Sexuellement actifs à tout âge
Une étude menée en 2007 par les Universités de Chicago et de Toronto auprès de 3005 personnes âgées de 57 à 84 ans (une moitié d'hommes, l’autre de femmes) a montré que 73% des 57-64 ans sont sexuellement actifs, tout comme 53% des 65-75 ans et 26% des 75-85 ans.
Les hommes restent plus actifs: 83% entre 57-64 ans contre 62% de femmes; 67% entre 65-75 ans contre 40% de femmes, et respectivement 38,5% et 16,7% au-delà de 75 ans. Ce qui ne signifie pas que les femmes sont forcément moins intéressées par «la chose» avec l’âge. Vu leur espérance de vie plus grande, elles n’ont simplement souvent plus de partenaire: 78% des hommes de plus de 75 ans interrogés avaient encore une partenaire contre 40% des femmes.
Ménopause et troubles de l’érection
Avec le temps, les capacités physiques et sexuelles diminuent. Des problèmes de santé peuvent l'expliquer: le diabète, l’hypertension, l’obésité et autres problèmes cardiovasculaires, mais aussi les maux entravant la mobilité.
Chez la femme, la ménopause produit des effets: sécheresse vaginale, manque de désir. C’est une période de bouleversements et de deuils (ne plus pouvoir enfanter, voir son corps changer, etc.). En l'abscence de dialogue avec son partenaire, le risque de conflits est accru. Il est recommandé de consulter son gynécologue ou un médecin sexologue.
Chez les hommes, c’est la baisse progressive de la capacité d’érection qui guette dès 40-50 ans. Elle entraîne souvent une baisse de l’estime de soi. D’où une baisse du désir, ainsi que des comportements d’évitement des rapports sexuels.
Cependant, la dysfonction érectile n’est dans la plupart des cas pas due à l’âge ou à un problème psychologique ou relationnel. «Quand un tel trouble persiste, il est impératif de consulter un spécialiste, avertit le Dr Bianchi-Demicheli. Parce que son origine peut être une atteinte physique pas encore détectée, telle une maladie cardiovasculaire, qui peut se manifester un ou deux ans plus tard! Des maladies, telle l’hypertension, ou les effets secondaires de certains médicaments peuvent aussi altérer l’érection.
«Quelle que soit la maladie qui entrave la vie intime de l’homme et de la femme, il vaut la peine de consulter un spécialiste pour y remédier», conclut le médecin.
*En savoir plus sur la santé sexuelle:
- J'ai envie de comprendre... Ma sexualité (homme), Ed. Médecine et Hygiène, 300 p., 14 CHF au lieu de 16 CHF dans notre boutique
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J'ai envie de comprendre... Ma sexualité (femme), Ed. Médecine et Hygiène, 200 p, 14 CHF au lieu de 16 CHF dans notre boutique
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www.masexualite.ch, le site francophone d'informations en santé sexuelle