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Santé & Bien-être

Le retour de ces maladies que l’on croyait disparues

Yseult Théraulaz, Journaliste - dim. 01/01/2023 - 00:00
Diphtérie, poliomyélite, fièvre dengue, choléra, entre autres refont parler d’elles. Réchauffement climatique et mouvement anti-vaccin en sont, en partie, la cause. Témoignage d'une patiente
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Une image qu’on pensait appartenir au passé.   © iStock

L’évocation de certaines maladies renvoie à un temps révolu où les gens mouraient bien plus jeunes et où les traitements antibiotiques ou vaccinaux n’en étaient qu’à leurs balbutiements. Les plus de 70 ans se rappellent des cas de poliomyélite qui ont touchés des proches dans leur enfance ou encore de la crainte et de l’opprobre que la tuberculose suscitait dans la population. De l’histoire ancienne? Hélas… Aujourd’hui, au XXIe siècle, certaines de ces maladies tant redoutées par le passé reviennent en force, alors que d’autres, qui n’avaient jamais disparu, inquiètent de nouveau. 

Parmi elles, la diphtérie qui sévit en ce moment en Europe et en Suisse. Cette maladie — provoquée par des bactéries — se limite, dans sa forme cutanée, à causer des ulcérations sur la peau. Elle peut cependant s’attaquer aux voies respiratoires. Elle est alors beaucoup plus grave, voire mortelle. «La diphtérie avait pratiquement disparu d’Europe, mais il y a désormais une épidémie dans les centres de requérants d’asile en Suisse et en Europe, explique Gilles Eperon, médecin adjoint au Service de médecine tropicale et humanitaire aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Cette maladie, dans sa forme respiratoire, est très contagieuse. Les personnes vaccinées ne la développent pas, mais peuvent la transmettre. Il est donc nécessaire d’ajouter à la vaccination, une prise en charge par antibiotiques pour les personnes en contact avec des malades afin de couper la chaîne de transmission.»

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Conditions sanitaires

Simone Buchmann, porte-parole de l’Office fédéral de la santé (OFSP), précise: «Nous constatons une augmentation des formes de diphtérie cutanée, généralement bénignes, parmi les demandeurs d’asile récemment arrivés. L’infection se produit en raison des conditions d’hygiène et de santé généralement précaires pendant le voyage. La vaccination permet d’éviter les maladies graves. En Suisse, les cas de diphtérie respiratoire classique sont très rares depuis longtemps, car la couverture vaccinale de la population est très élevée.»

L’OFSP fait aussi mention de certains cas de choléra importés de pays en voie de développement où cette maladie resurgit également à cause de médiocres conditions sanitaires. Le choléra est dû à une bactérie qui se trouve principalement dans les eaux usées. «Dans les pays à haut revenus, où les systèmes de traitement des eaux sont bien développés, il est rare de voir des cas de choléra, car les procédés de purification parviennent efficacement à éliminer les bactéries, explique Gilles Eperon. En revanche, à la suite des catastrophes naturelles, lorsque le système de traitement est mis à mal, les infections sont plus nombreuses.» Actuellement, les habitants du Liban et de la Syrie sont frappés de plein fouet par cette infection diarrhéique aiguë, car l’eau n’est plus traitée correctement.

Des images de 1950

La poliomyélite s’attrape également par la consommation d’une eau souillée. «C’est une maladie virale qui se propage dans les selles, poursuit le Dr Eperon. Elle est due à un virus et il est bien plus difficile d’éliminer les virus dans les eaux usées que les bactéries. Heureusement, en Suisse, il n’y a pas de cas enregistrés depuis longtemps. Pourtant, lors des analyses des eaux usées faites ponctuellement, le poliovirus apparaît. Cette année, non seulement le virus a été détecté de cette façon à Londres et en Israël, mais un malade contaminé localement a aussi été diagnostiqué à New York. Dans la capitale anglaise, tout un quartier a été vacciné afin d’éviter d’éventuelles infections. La poliomyélite touche principalement des personnes immigrantes qui l’ont contractée dans leur pays d’origine. L’Afghanistan, par exemple, est fortement touchée.» 

Et le spécialiste de rappeler que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) s’était donné comme échéance l’année 2000 pour éradiquer définitivement la poliomyélite, avant de la repousser à 2023, date qui sera probablement de nouveau déplacée… Vincent Barras, historien de la médecine à l’Université de Lausanne précise: «Cela fait plusieurs décennies que l’OMS espère que la poliomyélite soit éradiquée. Malheureusement, ce n’est pas encore le cas. Aujourd’hui, certaines personnes âgées souffrant de paralysies ou de déformations des membres témoignent encore des séquelles irréversibles du poliovirus contracté dans les années 1950. A l’époque, on plaçait les enfant

Flambée de cas

Une moins bonne couverture vaccinale permet aux maladies de reprendre du terrain. C’est le cas de la rougeole, très fréquente chez l’enfant. L’OFPS fait état de 37 cas déclarés en Suisse au début de 2020 et plus aucun depuis. Cependant, des pays proches ont été confrontés à une flambée des cas. «Il y a trois ans, l’Ukraine en a enregistrés plus de 55'300. Il y a quelques années, certaines écoles des cantons de Vaud et de Genève avaient aussi été confrontées à plusieurs infections. La rougeole est une maladie mortelle, explique le Dr Gabriel Alcoba, référent pour les maladies tropicales négligées à Médecins Sans Frontières (MSF) et également médecin adjoint au Service de médecine tropicale et humanitaire des HUG. 

Le monde médical est inquiet car, aujourd’hui, à la suite du covid, il y a une grande méfiance de la population contre les vaccins et l’on peut craindre une augmentation des cas de rougeole ou d’autres maladies infantiles. A noter que le vaccin contre la rougeole est efficace à 99%.» Pour Vincent Barras, la rougeole fait partie de ces maladies qui sont banalisées en Suisse: «Il y a pourtant régulièrement de petites flambées qui partent dans certaines communautés opposées à la vaccination. Cette maladie n’est plus perçue comme un danger par la population suisse, alors qu’elle demeure, à l’échelle mondiale, une des causes principales de décès chez les enfants.»

«J’avais les jambes molles et plus aucun réflexe»

Claire* se souvient du mois qu’elle a passé à l’Hospice de l’enfance à Lausanne. C’était en 1959, la septuagénaire n’avait alors que 10 ans. «Avec ma sœur, nous avions joué dans de l’eau près d’une cabane posée dans un champ. J’ai su par la suite que cette cabane était en réalité les toilettes du chantier et c’est certainement ainsi que j’ai attrapé la poliomyélite. Mes symptômes étaient de la fièvre, de la difficulté à marcher, des jambes molles et sans aucun réflexe. Comme j’étais vaccinée, je n’ai pas développé une forme grave de la maladie et je n’ai pas de séquelles. Mon école a dû être entièrement désinfectée, mes camarades ont eu trois jours de congé!

Quant à moi, j’ai dû rester un mois en isolement à l’hôpital. Mes parents me lançaient des chocolats par la fenêtre de ma chambre. Je n’ai pas vraiment eu peur, car je ne me sentais pas trop mal. J’avais entendu parler de la poliomyélite dont on ne savait pourtant pas grand-chose à l’époque. Fort heureusement, bien que le vaccin était récent, j’en avais bénéficié. Ma sœur était aussi vaccinée et elle n’a pas été infectée.» (Y. T.)

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