Je me suis souvent sentie incomprise par les autres

Aider son mari a rendu Véronique très sensible à l'accessibilité de l'espace public pour les handicapés.
Véronique Mooser 55 ans, art-thérapeute en libérale et en institution (FR)
« Je me suis souvent sentie incomprise par les autres»
« A 23 ans, je suis tombée amoureuse d’un homme qui souffrait d’une myopathie. Et je l’ai épousé en sachant que sa maladie allait évoluer et que nous n’aurions pas d’enfant. Je suis devenue aidante à mesure qu’il perdait son autonomie. Un jour, il a eu besoin d’aide pour presque tous les actes de la vie quotidienne, y compris se retourner dans son lit. Dans l’entreprise où je travaillais, la responsable des ressources humaines était la seule à qui j’ai parlé de ma situation personnelle. Elle savait que, s’il arrivait quelque chose à mon mari, je devais pouvoir quitter mon poste illico. Avec mes collègues, j’ai été discrète. Je n’avais pas envie d’inspirer de la pitié. Je me suis souvent sentie incomprise par les autres qui savaient. Soit ils ne comprenaient pas que je mette mon mari à contribution dans le quotidien. Cela les choquait que je puisse le traiter autrement que comme un grand malade. Soit, ils me considéraient comme une victime — « ma pauvre, quel courage ! » — ce qui m’apparaissait comme insultant pour mon mari qui luttait pour que la maladie ne prenne pas toute la place entre nous. J’ai souvent eu l’impression de n’être envisagée que comme l’aidante de mon mari. C’est ce qui m’a donné envie de faire une formation d’art-thérapeute, en plus de mon travail de salariée. Et m’a inspiré aussi des céramiques et des poèmes — publiés cet automne*— sur ce que je ressentais. Avoir passé 25 ans auprès d’un homme handicapé m’a rendu bienveillante envers les autres, en général. Mon mari est décédé depuis sept ans, mais je reste très sensible à l’accessibilité. Dès que je vois quelqu’un en fauteuil roulant, je vérifie qu’il n’y a pas d’obstacles autour de lui. Je pense que je serais une personne plus arrogante, plus tranchante si je n’avais pas vécu cette expérience. »
*Pastels de ciels, Editions Soleil Blanc, vmaoo.ch