La neuro-ophtalmologie élucide les mystères des troubles visuels

La neuro-ophtalmologie fait le lien entre l’ophtalmologie et la neurologie. © iStock

La neuro-ophtalmologie, une discipline qui cherche les causes de symptômes touchant la vision, parfois déroutants pour l’ophtalmologue ou le neurologue.

Les troubles de la vision ne se limitent pas à des problèmes de lunette, cataracte, glaucome ou dégénérescence maculaire. Ils peuvent prendre des formes aussi diverses que difficiles à comprendre et à traiter. «La plupart des patients qui arrivent à ma consultation sont adressés par des collègues qui n’ont pas pu mettre en évidence la cause des symptômes de leur patient avec des investigations habituelles, explique le Prof. François-Xavier Borruat, neuro-ophtalmologue consultant à Swiss Visio Montchoisi. Mon rôle est alors de comprendre d’où vient le problème, quelle en est la cause et, enfin, comment le soigner. Je suis un peu le Sherlock Holmes de la vision. » La neuro-ophtalmologie fait le lien entre l’ophtalmologie et la neurologie.

Le Prof. Borruat est confronté à quatre grandes catégories de troubles visuels. La première concerne les atteintes des voies visuelles afférentes, à savoir ce qui entrave la bonne fonction visuelle entre l’œil et le cerveau occipital. La localisation du problème peut donc être au niveau de l’œil lui-même, au niveau du chiasma (la partie du cerveau où les deux nerfs optiques se croisent) ou encore derrière celui-ci. Les symptômes incluent une diminution de l’acuité visuelle, une altération de la vision des couleurs, une amputation du champ visuel. «Une discussion avec le patient et un questionnement dirigé permettent d’approcher le diagnostic dans 80% des cas. Il est donc primordial de prendre le temps», explique le spécialiste. Parfois, le diagnostic est grave (tumeur, anévrisme, sclérose en plaques, AVC) parfois bénin. «Je me rappelle d’une perte de vision inexpliquée avec une suspicion d’inflammation du nerf optique qui résultait, en fait, d’une rotation du verre de lunettes chez une jeune femme.»

Je suis un peu le Sherlock Holmes de la vision

La deuxième catégorie concerne l’atteinte des voies oculomotrices efférentes, celles qui partent du cerveau vers les muscles et qui permettent de bouger les yeux. Les symptômes engendrés par une telle dysfonction incluent une vision double (diplopie), un tremblement de l’environnement (oscillopsies), une fermeture involontaire de la paupière (ptosis) ou encore une asymétrie du diamètre des paupières (anisocorie). Les nerfs responsables des mouvements oculaires ou des muscles entourant les yeux font mal leur boulot. «Lorsque l’atteinte est permanente, le problème est assez facilement résolu. Parfois, l’atteinte est intermittente, absente durant l’examen, et le diagnostic est plus difficile à cerner.» Les causes sont multiples. «Une tumeur peut compresser un des nerfs qui est relié à la pupille et engendrer une anisocorie (Réd. différence de taille entre les pupilles). Un AVC peut se manifester par une diplopie (Réd. vision double). Un anévrisme peut se présenter avec un ptosis (Réd. affaissement anormal de la paupière). La cause d’un ptosis peut aussi être beaucoup plus bénigne, par exemple chez les porteurs de lentilles de contact, résultant de microtraumatismes répétés dus aux manœuvres pour enlever les lentilles chaque soir, ceci durant des années.»

La troisième catégorie qui peut donner du fil à retordre aux praticiens sont les hallucinations visuelles. Elles peuvent être non formées (points noirs ou lumineux, éclairs, formes géométriques) ou prendre des formes définies, comme un arbre, des personnages, des objets... Lorsque les voies visuelles sont perturbées, on parle de «déprivation sensorielle visuelle», et le cerveau visuel inactif va recruter des images dans ses souvenirs ou va même en créer de toutes pièces. Les cause d’une déprivation sensorielle sont nombreuses: dégénérescence maculaire liée à l’âge, cécité post-traumatique, compression des voies visuelles par une tumeur, entre autres. De telles hallucinations peuvent aussi toucher, temporairement, des personnes parfaitement saines et avec une vision normale lorsqu’elles sont placées dans un caisson de déprivation sensorielle. Le Prof. Borruat insiste sur le fait que ces hallucinations doivent être uniquement visuelles et non auditives. «Si le patient voit un oiseau et que son chant est audible, alors il s’agit peut-être d’un problème psychiatrique ou d’une intoxication médicamenteuse, et ceci n’est pas de mon ressort.» 

Enfin, la catégorie la plus difficile est celle des atteintes fonctionnelles non organiques. En d’autres termes, le patient se plaint d’une atteinte de sa vision, mais tous les examens sont normaux. Il s’agit souvent d’une stratégie de défense causée par un facteur déclenchant extérieur qui perturbe le patient. On parle de «syndrome de conversion». Le facteur déclenchant est très variable (problème scolaire, divorce, perte d’emploi, violences, entre autres) et le patient n’en a pas toujours conscience. L’aide d’un psychologue ou d’un psychiatre est souvent nécessaire. «Dans 1% des cas, le patient simule consciemment afin de tirer profit de sa situation; ce n’est donc pas une maladie, mais il s’agit alors d’une escroquerie », explique le Prof. Borruat.

Yseult Théraulaz

Comment se spécialise-t-on en neuro-ophtalmologie?

En Suisse, il n’existe pas un cursus de formation FMH en neuro-ophtalmologie au même titre que pour la neuroradiologie ou la neuropédiatrie. «Les médecins qui désirent se former en neuro-ophtalmologie doivent effectuer une fellowship (NDLR, formation complémentaire au sein de spécialistes du domaine) dans un service de neuro-ophtalmologie, une fois leur formation en ophtalmologie ou en neurologie terminée. Je recommande un minimum de 12 mois dans un grand centre, tel qu’il en existe aux USA et au Royaume-Uni, où cette discipline est une véritable sous-spécialité reconnue», conclut François-Xavier Borruat.

 

0 Commentaire

Pour commenter